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TRADUCTIONS

 

LA FACE AVEUGLE DE L'AMOUR

 

 

 

 

par Dreams

 

 

Traduction : Emilie (happymeal@hotmail.fr)

 

 

Table des matières

 

 

 

 

 

60

 

En pleine insomnie, des souvenirs lui revenaient par bribes: des éclats de verre éparpillés au sol… de douces lèvres bougeant contre les siennes… quelqu’un frappant à la porte.

 

Julianne ouvrit les yeux et regarda par la fenêtre de sa chambre. La lumière du soleil se répandait à travers les stores, créant des ombres floues sur le sol. Elle les observa un moment, essayant de distinguer d’autres signes de vie.

 

Mais tout était calme dans son appartement de luxe. Le reste du monde n’existait pas depuis son trône. C’était dans ces moments que rien ne lui paraissait réel. Comment était-elle arrivée là? Comment toutes ces choses étaient-elles devenues siennes?

 

En vingt-trois ans elle avait accompli plus de choses que la plupart des gens en toute une vie. Du moins c’est ce qu’elle s’était toujours dit. Elle n’en était plus si sûre maintenant. Qu’avait-elle accompli après tout?

 

Elle pensa à James, le sans abri qu’elle avait rencontré tant de mois auparavant. Pour lui, avoir survécu était une réussite bien plus importante que tout ce qu’elle avait pu faire.

 

« Un jour, je serai riche et célèbre, » avait dit Julianne des années plus tôt à sa grand-mère. C’était la première fois d’une longue liste.

 

Sa grand-mère était restée silencieuse un long moment, puis lui avait dit, « Et pourquoi est-ce si important à tes yeux, Julia? Que feras-tu de tout cet argent et cette notoriété? »

 

Quoi, en effet.

 

Le téléphone sonna, mettant un  terme à son introspection. « Allô, » annonça-t-elle.

 

« Je te réveille? »

 

L’actrice sourit lorsqu’elle reconnut la voix. « Je n’arrivais pas à dormir, » admit-elle.

 

« Moi non plus, » dit Kris après un moment. « Qu’est-ce qui ne va pas? »

 

« Je réfléchis trop. Et toi? »

 

« Pareil. »

 

« Anthony? » devina Julianne.

 

« En partie, mais il y d’autres choses aussi, » lui répondit Kris. « J’en avais assez de réfléchir. Je me suis dit que j’allais t’appeler et t’embêter. »

 

« Tu es tellement attentionnée, » plaisanta Julianne. « Je pensais aller m’acheter des meubles aujourd’hui. »

 

« C’est-ce qui t’a gardé éveillée toute la nuit? »

 

L’actrice rit. « Oui, c’est un grand pas pour moi. » Elle s’interrompit. « Tu veux venir avec moi? Je déteste faire du shopping toute seule. »

 

« Je ne sais pas. Qu’est-ce que j’y gagne? »

 

Julianne sourit. « Je trouverai quelque chose. »

 

« Oooh, une surprise. Je viens. À quelle heure part-on? »

 

« Je passerai à ton appartement vers une heure. Ça te va? »

 

« C’est un rencard, Miss Franqui. À tout à l’heure. »

 

Julianne répondit avec un sourire, « Salut. » Elle raccrocha le téléphone et programma son réveil pour 11:30. Ça devrait lui laisser assez de temps pour se préparer.

 

Avec un bâillement, Julianne tira les couvertures par-dessus sa tête et ferma les yeux.

 

 

 

Kris avait presque oublié un détail important: Julianne était Julianne Franqui. Heureusement, les habitants de New York étaient là pour le lui rappeler. Où qu’elles aillent quelqu’un les arrêtait pour demander un autographe à l’actrice. Certains demandaient à prendre l’actrice en photo. D’autres présumaient que Kris était quelqu’un d’important aussi, et lui demandaient son autographe à son tour. Et qui était-elle pour refuser?

 

« Voyez-vous ça, célèbre par association, » plaisanta Kris après qu’une nuée de fans les ait laissé tranquilles.

 

« Je peux avoir ton autographe, moi aussi? » la taquina Julianne.

 

« Bien sûr. Tu as un stylo? Je signerai ton front. » Kris sourit à l’actrice tandis qu’elles marchaient. « Ça t’embête parfois? »

 

« De me faire signer le front? »

 

« On signe souvent ton front? »

 

Julianne fit semblant de réfléchir à la question. « Non, pour tout te dire, tu es la première à me proposer. »

 

« Quel dommage, » répondit l’artiste avec un sérieux moqueur. « Je parlais de toutes les signatures d’autographe, et les photos. »

 

« Je ne dirais pas que c’est ‘embêtant’, » répondit prudemment Julianne. « Je m’y suis habituée. Même si je préfèrerais ne pas l’être. »

 

Kris hocha la tête et essaya de se mettre à la place de Julianne. Elle n’y parvint pas. Comment des étrangers luttant pour attirer votre attention pouvaient-ils devenir une routine? C’était tellement étrange de découvrir cet aspect de la vie de Julianne. Kris avait perdu le compte du nombre de personnes qui avaient assuré à l’actrice qu’ils l’aimaient. Après l’avoir entendu tellement de fois, Kris se demandait si le mot ‘amour’ signifiait encore quelque chose pour Julianne.

 

« Tu pourrais avoir n’importe qui, » se surprit à dire l’artiste. Elle regarda Julianne.

 

« Tu as dit ça au hasard, » répondit l’actrice avec un sourire.

 

Kris fouilla sa mémoire à la recherche des derniers mots de Julianne. C’était quelque chose à propos des autographes. « Désolée, » s’excusa-t-elle. « Je me disais juste que tous ces gens te désirent. »

 

« Je suis presque sûre qu’ils ne m’ont demandé que ma signature, » répondit l’actrice. « J’ai raté des propositions quelque part? » Elle fit demi-tour pour plaisanter. « On y retourne. »

 

Kris rit et s’empara du bras de Julianne pour la remettre dans le bon sens. « Sérieusement! Je suis sûre que je pourrais demander à n’importe qui, ils diraient oui. »

 

Julianne réfléchit. « Je pense que je ne risque rien à dire que la plupart des hommes gay et des femmes hétéro ne doivent pas trop apprécier l’idée de sexe. »

 

« Très bien, donne-moi ton téléphone, » demanda Kris.

 

Julianne le lui tendit, un sourcil levé. « J’espère que ça ne prendra pas trop longtemps. Je n’ai plus beaucoup de crédit. »

 

« Oh, ferme-la, » répondit Kris en frappant l’actrice sur le bras avec le téléphone. « Je ne veux même pas savoir combien d’argent tu as. » Elle commença à taper le numéro de l’appartement de William. Après quelques sonneries, Mark décrocha. « Hé, Mark? C’est Kris. »

 

« Salut chérie, comme vas-tu? »

 

« Bien. J’appelais juste pour te poser une question. »

 

« À moi? »

 

« Oui, à toi. Tu es l’homme le plus gay que je connaisse. »

 

« Oh merci. »

 

Kris sourit. « Bon. Alors, supposons que tu doives coucher avec une femme. Est-ce que tu coucherais avec Julianne Franqui? »

 

« Cette fille peut venir dans mon lit quand elle veut, ma puce. »

 

Avec un sourire satisfait, Kris dit,  « Merci! Je te rappellerai. Passe le bonjour à William. » Elle raccrocha et sourit à Julianne. « Tu vois? »

 

« Je vois quoi? Je n’ai rien entendu à ce qu’il a dit, » se défendit l’actrice.

 

« Il a dit que tu pouvais entrer dans son lit quand tu veux. »

 

« Et comment je peux savoir que tu ne mens pas? » demanda Julianne.

 

« Appelle-le toi-même, » la défia Kris en secouant le portable devant son visage. Mais elle ne s’était pas vraiment attendue à ce que l’actrice s’en empare.

 

Julianne appuya sur le bouton de rappel et porta le téléphone à son oreille.

 

Kris la regarda, surprise et amusée.

 

« Salut, Mark? » annonça Julianne. « C’est Julianne Franqui. J’ai entendu dire que je pouvais coucher avec toi. »

 

Kris éclata de rire.

 

« Non, ce n’est pas Kris, » dit l’actrice en regardant rire son amie. « Je suis vraiment Julianne Franqui… Je ne sais pas… Euh, Prada… Eh bien tu ne peux pas t’attendre à ce que je me souvienne de quel genre de chaussures je portais il y a deux ans… Ok, très bien! Juste pour ça je ne coucherai pas avec toi. » Elle raccrocha et haussa les épaules pour Kris. « Il n’a pas cru que c’était moi. »

 

L’artiste sourit. « J’ai quand même prouvé ma théorie. »

 

« On doit toujours trouver une femme hétéro, » contra Julianne. « Oh, et voyez-vous ça, j’en vois une en ce moment même. Est-ce que tu coucherais avec moi? »

 

Kris rougit, prise par surprise. Elle ne savait pas comment répondre, même si elle savait ce qu’elle voulait dire. « Je croyais qu’on avait décidé que j’étais asexuelle, » rétorqua-t-elle.

 

« Tu te dérobes, » dit Julianne en secouant la tête, feignant la déception.

 

« Est-ce que tu coucherais avec moi ? » demanda Kris.

 

« Oh, regarde! Un magasin de meubles, » répondit l’actrice. « Chouette! »

 

« Tu te dérobes, » la taquina Kris en entrant dans le magasin. Soudain, elle voulait plus que tout connaître la réponse à sa question. 

 

 

 

Julianne serait entrée et ressortie en vingt minutes. Elle aurait regardé les meubles, désigné le premier canapé qui lui aurait paru susceptible d’aller avec tout ce qu’elle mettrait autour, et se serait ruée hors du magasin.

 

De son côté, Kris avait une toute autre conception du shopping de canapé. La sienne consistait à tester tous les canapés disponibles, et à comparer attentivement les facteurs confort, aspect et prix.

 

Julianne était simplement amusée. Elle adorait l’air pensif qu’adoptait Kris à chaque fois qu’elle s’asseyait sur un nouveau canapé, et les regards désapprobateurs qu’elle lançait quand l’objet ne répondait pas à ses attentes.

 

Réalisant qu’elles risquaient d’être là un bon moment, l’actrice décida de s’asseoir.

 

À la seconde où elle s’installa dans le fauteuil inclinable, elle sut qu’elle était amoureuse. « Je prends celui-là! » cria-t-elle à Kris lorsque celle-ci fut assez près pour l’entendre. Elle leva le repose pied et soupira. « C’est tout ce dont j’ai besoin dans ma vie. »

 

Kris se rapprocha et sourit. « Il y a un canapé noir là-bas qui irait avec. »

 

« Est-ce qu’il passe le Test de Canapé Kris Milano? » la taquina Julianne.

 

« D’innocentes vaches ont été assassinées pour ton confort, » répondit Kris avec un petit sourire.

 

Julianne pencha la tête sur le côté. « Dit-elle, elle qui portait du cuir à son anniversaire. »

 

Kris ouvrit la bouche pour se défendre, puis la referma. Puis la rouvrit pour dire, « C’est la faute de Mark! »

 

« Non, non. Je ne t’ai pas entendue te plaindre. »

 

Les épaules de l’artiste s’affaissèrent et elle soupira. « Tu as raison. Je suis une hypocrite. » Elle observa le fauteuil inclinable un instant. « Il a vraiment l’air confortable. »

 

« Je ne me lèverai pas, » annonça Julianne.

 

Kris se rapprocha. « Oh, allez. Ne fais pas la gamine. »

 

« Je suis une gamine. »

 

Kris leva les yeux au ciel. « Et dire que j’étais presque convaincue que tu étais un être humain décent. »

 

« Je suis actrice, après tout, » répondit Julianne avec un sourire. Elle poussa un soupir mélodramatique et ferma les yeux. « Mmm… Je pourrais vivre ici à tout ja… » Les yeux de Julianne s’ouvrirent brusquement lorsqu’elle sentit soudain un poids sur son corps. Elle essaya de ne pas gémir alors que le dos de Kris appuyait sur ses seins.

 

« Pas mal, » commenta Kris, sa tête venant reposer près de celle de Julianne. « Je sens quelques bosses par contre. »

 

Julianne essaya de se décontracter en dessous de Kris, mais c’était trop agréable pour chercher le confort. « Vraiment? Je ne sens pas de bosses, moi. Par contre, la gravité parait un peu plus lourde dans cette partie du magasin. »

 

Kris sourit. « C’est vraiment bizarre. Je ne pourrais pas te dire pourquoi. »

 

« Tu sais, » commença Julianne,  « si une caméra apparaît subitement, je devrai nier que nous sommes amies. »

 

« Je ferai semblant d’être une fan détraquée qui te suis partout, » acquiesça Kris en riant.

 

Julianne voulait envelopper ses bras autour de l’estomac de Kris pour la tenir plus près, mais elle n’osa pas bouger. Elle garda les mains sur les accoudoirs. « Je promets de te sortir de prison. »

 

« Puis-je vous proposer mon aide mesdemoiselles? » dit une voix masculine près d’elles.

 

Kris sauta de Julianne, bien qu’elle essaya de cacher le fait qu’elle fuyait. Le contact manqua instantanément à Julianne, qui regretta l’interruption. Mais c’était pour le mieux. Il n’y avait aucune raison de s’habituer à ce genre de choses. Surtout en public. Je me suis trompée… Ce n’est pas le film qui causera mon coming out.

 

Elle tourna son attention vers le vendeur dont les yeux s’écarquillèrent lorsqu’il la reconnut. Avant qu’il ne puisse babiller à quel point il l’aimait, elle rompit le silence. « Je voudrais deux de ces fauteuils, et le canapé qu’a choisi mon amie. » Elle indiqua Kris, qui rougissait et regardait le sol. Pourquoi a-t-elle l’air si coupable?

 

Kris leva les yeux vers le vendeur, qui ne la regardait pas du tout. « Euh, c’est le canapé noir, » dit-elle.

 

L’homme parut sortir de ses rêves et arracha son regard de Julianne. « Euh, super! » dit-il avec bien trop d’enthousiasme. Julianne était certaine d’avoir entendu sa voix se briser. Il s’éclaircit la gorge. « Ils seront livrés dans la semaine, » dit-il en se tournant vers Julianne. « Puis-je faire autre chose pour vous, Miss Franqui? »

 

« Oui, est-ce que vous pourriez me livrer avec le fauteuil? » demanda-t-elle. « Je ne veux pas bouger. »

 

L’homme se détendit visiblement et rit. « Je ne suis pas sûre de pouvoir arranger ça, mais vous pouvez rester aussi longtemps que vous voudrez. Je serai à la caisse quand vous serez prêtes. » Il sourit et s’excusa.

 

Julianne tourna son attention vers Kris, qui paraissait gênée. « Ça va? »

 

Les yeux noisette se levèrent pour rencontrer les yeux azurs. « Ouais, c’est juste… Je ne voulais pas qu’il pense que… tu… qu’on… »

 

« Est un couple? » termina Julianne, son cœur se serra.

 

Kris secoua la tête. « Je ne voulais pas te poser de problème. »

 

Julianne observa le visage de Kris un instant, essayant de déterminer la vérité derrière ces mots. Elle n’arriva qu’à une seule conclusion, que l’artiste avait peur qu’on la prenne pour une lesbienne. « Pas de problème, » dit-elle, espérant que la douleur ne transperce pas dans sa voix. « Je suis presque sûre qu’il ne va pas se ruer chez Entertainment Tonight avec la nouvelle qu’une jolie Porto Ricaine était assise sur mes genoux. »

 

Si possible, Kris rougit encore plus. 

 

Julianne décida qu’il était temps d’abandonner le sujet. « J’imagine que ça signifie que je dois me lever maintenant. »

 

Kris s’approcha et tendit la main. « Allez, flemmarde. »

 

Julianne se laissa tirer hors du fauteuil. Bizarrement, toucher la main de Kris était plus attirant que de rester assise où elle était. Cette découverte était déstabilisante, même si ça n’était pas étonnant. « Tu veux qu’on aille dîner après? »

 

« Est-ce que tu passes ton temps à penser à manger? » demanda Kris alors qu’elles se dirigeaient vers la caisse.

 

Julianne sourit. « Non, il m’arrive de penser à autre chose. »

 

« Comme quoi? »

 

T’embrasser. Te toucher. Toi. Toi. Toi. Son téléphone portable lui permit de ne pas avoir à répondre. Elle s’arrêta de marcher. « Franqui, » annonça-t-elle.

 

« Salut, Julianne, » dit la voix de Karen. « J’interromps quelque chose? »

 

Julianne regarda Kris un moment avant de répondre. « Non, j’achète juste quelques meubles. »

 

Un court silence lui répondit. « Tu achètes des meubles? Toute seule? »

 

Julianne leva les yeux au ciel. « Je suis capable de m’acheter des meubles, tu sais. » Elle s’interrompit. « Mais, euh, Kris est avec moi. »

 

« Ah, » dit Karen d’un ton connaisseur. Même si Julianne n’était pas sûre de ce que Karen pensait savoir. « Je ferai court alors. Tu t’envoles de New York Vendredi soir. L’avant première de L’Ange Gardien aura lieu Samedi. Et ton cavalier a confirmé. »

 

Mon cavalier? Julianne réfléchit une seconde avant de sourire. « Vraiment? C’était génial! Tu lui as trouvé une chambre d’hôtel et tout? »

 

« Tout est prêt, » lui assura Karen. « Mais Julianne, tu ne les choisis pas un peu jeunes? Enfin quoi, son père a appelé pour confirmer. »

 

Julianne rit. « L’âge n’est qu’un état d’esprit. »

 

« Bien sûr. Bref, il arrivera Vendredi matin avec sa mère et sa sœur. Une limousine passera les prendre à l’aéroport. Je te donnerai toutes les informations quand tu arriveras. Et tu dois prévenir Adrian qu’il ne sera pas ton cavalier ce soir-là, parce qu’il n’a pas reçu mon message. »

 

« Oh, mince. Je l’appellerai plus tard. »

 

« Une dernière chose, » promit Karen, « ta mère sait que tu seras là ce week-end, alors tu ferais mieux de l’appeler. Elle a laissé cinq messages sur ton répondeur chez toi. Elle disait qu’elle a perdu ton numéro de téléphone à New York. »

 

Julianne leva les yeux au ciel. « Okay. »

 

« C’est tout, » annonça Karen. « Je te laisse baver, euh, faire ton shopping. »

 

« Bien capitaine, » répondit Julianne en secouant la tête. « Ce n’était pas toi qui me trouvais intimidante à une époque? On peut revenir à ça? »

 

Karen rit. « Au revoir, Miss Franqui. »

 

Julianne raccrocha et observa le téléphone un moment avant de le ranger. Elle chercha Kris des yeux et la trouva assise sur un canapé non loin.  « Désolée pour ça, » s’excusa-t-elle.

 

« Pas de problème, » dit Kris en se levant. « Je sais que tu es populaire. » Elle sourit.

 

Julianne lui rendit son sourire mais détourna le regard avant de se perdre dans les yeux noisette. Une idée lui venait à l’esprit, mais elle n’était pas sûre qu’elle soit bonne. Elle la repoussa pour le moment. Peut-être y reviendrait-elle plus tard. Quand elles seraient seules.

 

 

 

« Ça n’a tout simplement aucun sens, » commenta Kris en piquant une feuille de salade. « On pourrait croire qu’après tout ce temps, ils auraient la puce à l’oreille. Ça saute aux yeux qu’ils s’aiment. »

 

Julianne haussa les épaules, occupée par sa propre assiette. Elle parcourut des yeux le restaurant un moment avant de se tourner vers Kris. « J’imagine que ce n’est pas évident pour eux. »

 

Kris secoua la tête. « Oui mais enfin, ils ont un enfant ensemble maintenant. Ils ont vécu ensemble… Allô? »

 

« Je suis sûre qu’ils finiront ensemble, » lui assura Julianne. « Certaines choses prennent du temps. »

 

« L’amour ne devrait pas être si compliqué, » répliqua Kris.

 

Julianne rit. « C’est une série. »

 

« Tout ce que je dit c’est que Ross et Rachel devraient réfléchir à leur situation. C’est bizarre que quelqu’un puisse être aussi aveugle. »

 

Julianne s’adossa et sourit. Elle laissa errer son regard, devenant apparemment plus sérieuse. « Je peux te  parler de quelque chose? »

 

Le cœur de Kris rata un battement en entendant le ton de l’actrice. « Bien sûr, » dit-elle, soudain nerveuse. Depuis qu’elles avaient quitté le magasin de meubles, Kris s’était inquiétée que Julianne parle de l’incident du fauteuil. Incident. Appeler ça comme ça donnait l’impression d’un malheureux accident. Et il n’y avait rien de malheureux ou d’accidentel dans l’histoire. Je me transforme en perverse.

 

« Tu as quelque chose de prévu ce week-end? » demanda Julianne.

 

La question prit Kris de court. Elle avait été tellement convaincue que la question serait en rapport avec le fauteuil. « Euh, rien pourquoi? »

 

« Tu veux aller en Californie avec moi? » demanda Julianne. Avant d’ajouter rapidement, « Je dois aller à l’avant première de mon dernier film Samedi. Et je pensais que je pourrais te montrer ma maison. Tu sais, je pensais que ça serait bien que tu vois comment je vis quand j’ai des meubles. »

 

Californie? Elle veut que j’aille en Californie ce weekend? Avec elle? Dans sa maison? Des meubles… L’esprit de Kris s’emballait. Elle n’était pas sûre que son cerveau formait des pensées cohérentes. Elle se força tout de même à parler. « Je ne pense pas pouvoir m’offrir le billet d’avion. »

 

« J’ai réservé un jet privé, » répondit Julianne, un peu timide. « Tu n’as rien à payer. »

 

« Bien sûr, » dit Kris, complètement bouleversée. Un weekend en Californie. Avec Julianne. Comment pouvait-elle refuser ça? « Avec plaisir, » se surprit-elle à répondre. Elle n’avait pas des devoirs? Il y avait des devoirs à écrire et des livres à lire. Les partiels approchaient à grand pas. Julianne Franqui allait la faire renvoyer de l’école. Et pourtant elle ne pouvait empêcher sa tête de tourner à l’idée d’aller chez Julianne.

 

« Parfait, » répondit Julianne avec un grand sourire.

 

Kris se surprit à observer le sourire de Julianne. Mon Dieu, elle est tellement belle. Magnifique. Irréelle. Et je suis foutue si je continue à penser comme ça. « Alors, qu’est-ce qu’on fait après diner? » demanda-t-elle, craignant que l’heure de se séparer approche.

 

Julianne haussa les épaules. « Si ça te tente toujours, je crois me rappeler que quelqu’un m’a promis une danse. »

 

Kris sourit. « C’est parti. » Foutue.

 

 

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