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Maison de Lao2

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La Maison de Lao (The House of Lao)

 

 

copyright Mai 2001

 

 

Par Xena's Little Bitch (aka Julia No'l Goldman)

 

Traduction : Fryda (1er trimestre 2008)

 

 

 

 

 

Partie II

 

**************************

Je me réveille le matin suivant, allongée sur le côté. Pendant notre sommeil, nous nous sommes rapprochées et je peux sentir le dos de Gabrielle légèrement appuyé contre le mien. Même si c’est difficile pour moi de le croire, il y a vraiment des femmes qui n’aiment pas faire l’amour avec d’autres femmes, et je n’ai aucune raison de croire que Gabrielle pourrait ne pas en faire partie. Et malgré cela, mon corps réagit au sien, je ferme les yeux et je me prélasse dans le sentiment de désir. J’imagine qu’elle se retourne et soudain nous… je me lève avant que mes fantasmes ne prennent le pas sur ma pauvre cervelle mise à l’épreuve. Mon visage me fait mal, bien que dans le miroir, le léger bleu soit à peine visible.

Au petit déjeuner, Gabrielle se présente à Borias et Lao Ma, et essaie de s’excuser pour son comportement.

« Gabrielle, tu n’as à t’excuser de rien », répond Lao Ma doucement. « Tu es une invitée d’honneur, et tu es passée par de grandes épreuves. Tu mérites autant d’espace que tu en as besoin. »

« Merci, Impératrice. »

« S’il te plaît, appelle-là ‘Lao Ma’ ou bien on va tous être malades », dit Borias, « en plus, tu es l’amie de Xena maintenant, et tous les amis de Xena… »

« Ferme-la », lui dis-je, « tiens-toi. C’est une invitée d’honneur, tu te souviens ? »

Gabrielle sourit. La journée va être belle.

********************************

Gabrielle et moi avons décidé de nous entraîner, aussi nous nous sommes changées pour des vêtements plus appropriés, pour ce qui me concerne, un pantalon large bleu et une chemise sans manches assortie. Pour elle, la limite de l’indécence totale en cuir marron. Comment est-ce que je vais me concentrer sur mes exercices ? Le soleil est de sortie et nous marchons ensemble jusqu’à mon endroit d’entraînement préféré, un des jardins avec l’hexagramme le plus simple. On l’appelle Kheih, ou bien Relâchement, et je lis l’inscription pour Gabrielle.

« Le tonnerre gronde. Relâchant un nuage. L’homme supérieur se tient sur le sol amical. Il pardonne les erreurs et traite gentiment ceux qui l’ont trompé. »

« Je pense que je commence à aimer l’homme supérieur », dit Gabrielle en souriant.

« Il vit en nous tous, tu sais », je lui dis en blaguant à demi.

« La plupart d’entre nous », corrige-t-elle. Je ne peux pas complètement ne pas être d’accord avec elle.

Le sol est plat et il y a de la place pour bouger. Aussi nous nous entraînons un moment, en faisant des exercices et en combattant dans le vide, chacune perdue dans son propre monde. Je me rends compte que je me suis entraînée rudement au moment où elle suggère timidement que nous combattions ensemble. Une partie de moi craint de me battre contre elle, et une partie de moi le désire ; désire être destinataire de n’importe quelle sorte de passion que cette femme voudra bien partager avec moi.

Xena, Princesse Guerrière de Chine, fait tournoyer son épée trois fois avant d’avancer sur sa belle adversaire. Gabrielle répond immédiatement et est féroce dans son attaque, et soudain je recule, bloquant coup après coup. Je dois faire attention, elle est meilleure, peut-être, que je ne l’avais imaginé. Je change de tactique, la repoussant, plaçant le combat sur un terrain d’égalité. Je peux sentir les murs blanchis autour de nous, les vignes, les arbres, où se trouvent les sculptures et les bancs, et je décide de les utiliser à mon avantage pour rendre le combat plus intéressant et prendre moins de risque de nous causer des blessures. Elle me suit, un sourire sur le visage, appréciant la poursuite, alors que je bats en retraite derrière une statue du dernier mari de Lao Ma, l’empereur Lao Tseu.

Gabrielle me plaque contre un mur et nos épées se cognent avec fracas ; je bloque coup après coup et je finis par contourner le mur et sauter en arrière par-dessus sa tête. Elle fait un tour sur elle-même et pousse son épée vers moi juste au moment où j’atterris, reprenant facilement le combat. Je suis désormais en attaque, et je m’y perds. Nos épées se cognent de nouveau, les vibrations font écho le long de mon bras, et nos pieds bougent rapidement sur le sentier sablonneux. Nos épées se rencontrent à nouveau et je pousse en avant jusqu’à ce que les poignées se touchent, et soudain nous sommes face à face, les yeux dans les yeux. Nous respirons avec difficulté, tous nos sens en éveil. Elle aggripe mon poignet droit et me fait tournoyer, me poussant en arrière jusqu’à ce que je sois contre le mur. Gabrielle presse lentement son corps contre le mien, piégeant nos épées entre nos poitrines de telle sorte qu’elles pointent entre nous vers le ciel tout près de ma tête. Je peux sentir son souffle chaud contre mon cou et ça m’excite. Elle est si forte et je peux sentir le désir qui monte en moi par vagues. Elle glisse sa cuisse entre les miennes et touche mon cou avec sa bouche, me piégeant contre le mur avec mon propre désir. Elle bouge son bassin contre le mien, et mon corps répond, pressant à son tour quand elle presse vers l’avant. Ses lèvres sucent mon cou, je ne me suis jamais sentie autant exposée auparavant, comme si tout ce que je suis se montrait dans le gôut de ma peau. Je grogne en copiant son rythme, sans réfléchir, en suivant simplement le plaisir, et pendant un moment, je m’y abandonne totalement. Je caresse la peau brûlante de son dos de ma main libre, gémissant alors qu’elle me mord. Gabrielle pousse encore plus fort contre moi et finalement une partie de mon cerveau qui n’est pas encore consumée de désir fait surface et me force à murmurer, « Gabrielle, il faut arrêter. »

Elle se recule et laisse tomber son épée. « Je suis désolée, » dit-elle vers le sol.

« Ça va bien, » dis-je en essayant de respirer, « je veux dire, si plus tard, quand nous ne serons pas au milieu d’un combat, si tu veux… »

Elle regarde le sol près de mes pieds. « Je ne mérite pas toute cette gentillesse. »

« Oh s’il te plaît, épargne-moi ça ! » dis-je, presque en colère. « Je suis désolée. Je suis juste désorientée. Je veux dire, pas désorientée. Je ne sais plus. »

« Je n’ai jamais rien fait de pareil avant. Je ne voulais pas… on peut en parler plus tard ? »

« Bonne idée. »

*****************************

Nous passons le reste de l’après-midi à chevaucher en silence, patrouillant des secteurs de barrières pour les dommages éventuels. J’ai donné son propre cheval à Gabrielle, et elle me suit de près, s’imprégnant de chaque chose autour de nous, regardant tout ce que je fais. Elle a une écriture claire et prend des notes pour moi, des réparations qu’il faut faire sur les barrières. Si elle peut combattre et écrire, qui sait quels autres talents gisent entre deux. Je pense à un peu plus tôt dans l’après-midi, à la façon dont son corps se serrait contre le mien avec tellement d’intensité. Ça me fait frissonner rien que d’y penser. Personne ne m’a jamais fait me sentir comme ça, comme s’il pouvait être, pour ces quelques moments, le monde entier. J’espère que ce qu’elle a fait, elle l’a un peu fait pour moi. Les gens appellent ça l’excitation de la bataille, mais je n’y crois pas. Je crois que parfois nos émotions sont liées à nos corps très intensément et dans ces moments-là, on ne sait jamais ce qui va se passer. Rage, meurtre, naissance, amour, sexe… Nous sommes des animaux tout comme le reste d’entre eux ; beaucoup d’animaux marchent sur deux pattes. Ma mère avait l’habitude de dire ça. Je ne l’ai pas vue depuis mille ans. Est-ce qu’elle serait encore fière de moi ?

J’ai fait en sorte que nous soyons sur la meilleure colline pour voir le soleil se coucher juste à temps. Nous descendons de cheval, et nous nous asseyons sur le sol, regardant par-dessus des champs verdoyants infinis, des collines et des arbres et des rochers, et loin vers l’autre bout de la terre, le soleil couchant. Ce soir, il y a beaucoup d’orange. Nous restons calmement assises, nous passant l’outre de vin. Alors que le dernier rayon de soleil se glisse hors de notre vue, elle dit :

« Je ne sais pas ce qui m’a pris ce matin. Je n’ai jamais touché personne comme je t’ai touchée aujourd’hui. C’était là, soudain. Je m’excuse si j’ai fait quelque chose d’inconsidéré ou de déplacé. »

Elle regarde au loin vers le soleil et me passe l’outre de vin à moitié vide.

Je ne sais pas comment me comporter. Que dire à cette fille qui ne serait pas déplacé. Il y a des millions de choses à dire, et j’en ai beaucoup dit à un moment ou à un autre.

« Gabrielle, tout va bien. Parfois nos corps réagissent d’une manière étrange. C’était un moment intense, tu as répondu de manière intense. » Je m’interromps et j’ajoute encore plus calmement. « Et tu as peut-être remarqué que ce n’est pas comme si j’avais essayé de t’arrêter immédiatement. »

Elle se retourne et me regarde, un énorme sourire sur le visage. « Ah oui, je n’y avais pas vraiment pensé. » Elle se souvient de ma main caressant sa hanche et son dos, du son de mes gémissements. Elle rougit. Je rougis à mon tour.

« Allons dîner », je suggère, « Si on part maintenant, on y sera juste à temps. »

*****************

« Encore en retard », dit Borias d’une voix traînante alors que nous entrons dans la salle à manger, toutes les deux légèrement haletantes.

De ma voix la plus menaçante, je dis : « Mieux vaut tard que jamais », et je lui lance un regard mauvais. Il sourit.

« Gabrielle, tu es belle ce soir », lui dit-il, en tirant sa chaise et en me regardant fixement pour montrer qu’il ne la retire pas brusquement de sous elle. Il se rassoit en face de Lao Ma. Gabrielle rougit. Nous dînons, et c’est plus que délicieux comme d’habitude. Les serviteurs remplissent nos verres bien trop souvent pour que je puisse garder une certaine cohérence, et soudain, je concentre mon regard et je m’aperçois que je fixe les mains de Gabrielle.

Borias dit : « Après que Xena a tué Ming Tsu, Ming Tien a déclaré la guerre à la Maison de Lao Ma. Bien que Lao Ma ait jeté nos corps battus dans la rue quelques jours avant seulement, nous nous sentions obligés de combattre pour elle, et nous l’avons fait. Nous avons fait chuter la Maison de Ming Tien en quelques semaines à peine, et à la fin, nous avons regagné sa confiance. Nous ne savons toujours pas ce qui est arrivé à Ming Tien. »

Je ne peux pas m’empêcher de jeter un coup d’œil à Lao Ma ; elle a l’air triste et nostalgique, comme elle l’est toujours quand le sujet porte sur l’un ou l’autre de ses enfants. Elle a également deux filles, dont elle a dû se séparer quand elles étaient très jeunes, pour les protéger. Elle peut les protéger maintenant, alors en permanence des hommes sont sur la piste à surveiller ses enfants.

Après le dîner, Lao Ma décide de nous faire jouer au Jeu des Questions. Les serviteurs préparent la salle de réception et nous nous asseyons de nouveau sur les coussins autour de la table basse, juste au milieu du grand balcon. Il y a un million d’étoiles dans le ciel ce soir. Si nous étions seules, je pourrais les désigner à Gabrielle, mais je me sens un peu bête en face de Borias et Lao Ma, et si mal à l’aise avec le Jeu des Questions. Pas que j’ai jamais aimé le Jeu des Questions. Personne ne l’aime sauf Lao Ma.

Lao Ma explique les règles à Gabrielle. « Il y a déjà des questions dans cette boîte. Des questions de toute nature et des descriptions, mais la plupart d’entre elles sont de celles qui vous forcent à faire une introspection, à partager quelque chose d’important sur soi-même. Nous en écrivons chacun trois de plus et les mettons dans la boite. Ensuite nous en prenons une chacun notre tour et répondons aux questions. »

« Et quand est-ce qu’on gagne ? » Demande-t-elle.

« Si tu finis le jeu sans partir en courant secouée de larmes hystériques », dis-je, « C’est marrant. »

« Il faut être brave pour jouer au Jeu des Questions », dit Lao Ma, en me lançant un regard ironique, « Gagner c’est Jouer. » Lao Ma passe des petits bouts de papier sur lesquels nous inscrivons les questions. Nous sommes assis en silence tout en écrivant. La pipe de haschish fait le tour. Borias glousse pour lui-même alors que sa plume gratte le papier ; notre nouvelle vie lui va vraiment bien. S’il avait eu un royaume à protéger dès le début, je parie qu’il aurait été un homme bon. Quelles questions je veux poser ? Le truc c’est que je pourrais finir par devoir me répondre à moi-même. Parfois un invité met une question anodine par politesse. C’est toujours un soulagement bienvenu, mais je ne m’y essaierais pas ; Lao Ma saurait que c’est moi.

Ce soir Gabrielle et moi nous portons des pantalons en soie verte et des chemises brodées de dragons rouges et jaunes assortis. Elle est assise à portée de bras, et je ne peux pas m’empêcher de jeter des coups d’œil vers elle plus qu’il n’est nécessaire, et je souris quand je croise son regard. Elle est mignonne ivre. Elle aspire la pipe de haschisch, lentement, comme je lui ai montré, et elle souffle. Elle sourit.

« J’y vais la première », dit Lao Ma, et elle met la main dans la petite boîte de questions en bois. Elle en retire une et boit tout en la lisant.

« Racontez au groupe un souvenir positif de votre enfance », elle lit tout haut. Borias se penche en arrière sur ses coussins et la fixe avec attention. « Très bien. Etant l’une parmi quelques filles, et par-là même totalement sans valeur pour ma famille, les meilleurs moments de mon enfance, je les ai passés seule. Un matin, je me promenais dans les bois, c’était une journée sombre et froide. J’ai trébuché sur une toile d’araignée si immense qu’elle pendait de trois arbres différents, collant à l’herbe et à toutes les fleurs, et aux rochers, sur son chemin. Il était tôt, aussi la toile étincelait de rosée, et à ce moment, j’ai vu pour la première fois l’interconnexion de l’univers. Je me suis rendu compte que tout était relié et par-là même affecté par toute autre chose. Que les gens, les animaux, la terre, tout ne faisait qu’un avec la même énergie. »

« Quelqu’un d’autre aurait raconté une histoire sur une fête d’anniversaire », dit Borias d’une voix traînante, en riant et en vidant son verre d’un trait.

« J’espère que ce n’était pas ta question, alors », dit Lao Ma.

Borias lui lançe un sourire féroce et retire une question de la boîte. Il la lit pour lui-même et rit. Il se redresse et la lit tout haut. « Avec combien de personnes du groupe as-tu fait l’amour ? »

Je regarde Gabrielle qui rougit.

« Juste une seule », répond-il, avec ce sourire toujours sur le visage, « mais souvent, très souvent. C’était facile. Est-ce que je peux dire que j’espère que la tienne le sera moins. » Il me passe la boîte et j’en retire une. Je me sens un peu grisée à ce moment-là.

« A quoi ressemble l’idéal amoureux pour toi ? » Je suffoque. Je fixe la nuit tout en répondant, « De la gentillesse et de la passion, et avec l’envie d’être avec moi parce que c’est moi, pas seulement pour mon apparence ou ce que je lui fais ressentir. »

« Lui ? » demande Gabrielle.

« Ça vaut pour les deux sexes, je ne fais pas de discrimination », j’explique. Et je ne l’ai jamais fait. Ça n’a tout simplement pas de sens pour moi. Je sais que Lao Ma et Borias ne sont pas comme moi ; ils n’aiment que les femmes. Mais je ne les blâme pas pour cette prédilection.

La pipe de haschisch refait un tour et Gabrielle me murmure qu’elle n’a jamais été aussi ivre de sa vie ; en fait elle arrive à peine à prononcer les mots.

« Ça te va bien », lui dis-je.

« Ah ouais ? »

« Ouais. »

Gabrielle prend une question dans la boîte. Elle rougit et demande : « Et si tu ne peux absolument pas répondre à la question que tu as prise ? »

« Tu la donnes à quelqu’un d’autre. Il faut qu’il ou elle réponde, et toi tu prends et réponds aux deux questions suivantes », explique Borias. « Tu vois pourquoi on ne joue pas si souvent à ce jeu ? »

Gabrielle me tend son petit bout de papier. Je le regarde et ensuite, je la regarde elle. Elle rougit toujours. Je souris. Je bois. Je réponds à la question.

« J’avais treize ans et il y avait un carnaval ambulant en ville. Il y avait toutes sortes d’attractions que je n’avais jamais vues avant, parce que je n’avais jamais quitté Amphipolis et que c’était un endroit vraiment très ennuyeux. Le carnaval était en ville pour deux soirées, et la seconde, j’ai vu le spectacle des acrobates. Il y avait une fille, d’environ mon âge, à la peau sombre et aux yeux superbes, et elle était plutôt bien développée pour quelqu’un de treize ans. La façon dont elle bougeait, et bien, elle habitait son corps avec un tel plaisir. Je n’avais jamais rien vu de tel avant. Quoi qu’il en soit, je suis allée la voir après le spectacle, et on a marché dans les bois en silence. Je ne sais pas comment je savais, mais je me suis penchée pour l’embrasser, et elle m’a rendu mon baiser. Ce fut un moment merveilleux. Le carnaval a quitté la ville le lendemain, et la fille avec lui, mais je savais pour de bon que ma vie m’entraînerait loin de chez moi. Tout ce qu’il m’avait fallu, c’était ce premier baiser. »

Borias et Lao Ma applaudissent doucement. Je me renfrogne, sachant que ça les amusera plus tard. Je tends la boîte à Gabrielle et elle prend la première de ses deux questions. Je suis contente que personne ne prenne le temps de remarquer que Gabrielle n’a pas eu de premier baiser. Mais j’y ai réfléchi, et mon cœur a de la peine pour elle.

« Qu’est-ce que tu souhaites faire juste maintenant ? » Lit-elle et elle lève les yeux vers Lao Ma, « Je dois vraiment répondre à ça honnêtement ? »

« Si tu veux gagner le jeu », dit-elle avec un sourire.

« J’aimerais être seule avec Xena. » Elle baisse les yeux vers la boîte et prend une autre question. Mon esprit essaie toujours de s’enrouler autour de sa réponse et je me refuse à regarder Borias.

« Tu es vraiment bonne à ce jeu », dit Borias à Gabrielle. Je m’excuse silencieusement pour avoir jamais tenté le tuer.

« Où te vois-tu dans cinq ans ? » Lit Gabrielle. Elle rougit à nouveau. « Peut-être ici ? A vous aider tous ? »

« Oh tu es montée sur le bon bateau ! » Dit Borias en riant, « tu es plus que bienvenue de rester avec nous, tu sais. »

« Plus que bienvenue », je lui fais doucement écho. Je peux la sentir qui me regarde. Je suis si ivre que je peux à peine me tenir assise sans balancer un peu.

Lao Ma prend son tour.

« Qui est le meilleur amant que tu aies jamais eu et pourquoi ? Oh je ne veux pas savoir qui a mis toutes ces questions sexuelles là-dedans », dit-elle avec sa voix mi-moqueuse mi- menaçante. « Xena est la meilleure amante que j’ai jamais eue, et je pense que c’est parce qu’elle accordait beaucoup d’attention à mon plaisir et à mes réponses. »

« Tu sais ce qui est drôle ? » Je dis à Gabrielle, « Tous ceux avec qui j’ai été intime disent que j’étais la meilleure. »

« On sait juste ce que tu nous ferais si on ne le disait pas », dit Borias, à peine capable de garder les yeux ouverts. Heureusement qu’on ne joue pas aux fléchettes.

« A ton tour », lui dis-je.

« Que les dieux soient maudits », marmonne-t-il, en tirant un bout de papier de la boîte avant de prendre une autre gorgée de vin. « Si tu devais abandonner le sexe ou l’amour, lequel choisirais-tu ? Je lâcherais le sexe. » Je ne l’ai jamais vu rougir avant, toutes ces années, et je me rends compte, soudain, que c’est à cause de Lao Ma. Dieux du Mont Olympe. Dans ma confusion, ma jambe frappe la table basse et je ne peux rien faire d’autre que de regarder un des verres préférés de Lao Ma perdre l’équilibre et commencer à tomber vers le sol, soudain arrêté en pleine course. Je sens la main de Gabrielle sur mon bras.

« C’est Lao Ma », dis-je, « elle l’a rattrapé. C’est difficile à expliquer. J’essaierai plus tard. »

Gabrielle hoche la tête et me regarde avec un certain émerveillement. Je m’étouffe. Lao Ma croise le regard de Borias et pendant qu’ils sont distraits l’un par l’autre, je me penche vers Gabrielle et je murmure.

« Un jour, j’aimerais être ton premier baiser. »

« J’aimerais aussi », murmure-t-elle en retour, et elle lève la main pour me caresser le bras, me donnant la chair de poule. Elle ne lève pas les yeux vers moi. « Maintenant. »

Je me recule, mon corps vibrant soudain d’énergie, et elle me regarde avec l’expression la plus charmante sur le visage.

« Tu es ivre », dis-je dans un murmure. C’est comme si Lao Ma et Borias n’étaient plus dans la pièce, mais je peux entendre leurs voix quand même, et je mets Gabrielle debout tout en me levant. Nous sortons sur le balcon. La brise fraîche est merveilleuse sur mon visage et nous marchons silencieusement vers un bord, hors de vue des autres. Elle me tend un petit bout de papier. Je devine que le jeu n’est pas encore fini.

« Pourquoi veux-tu m’embrasser ? » Je lis dans un murmure.

« Parce que tu es si douce, et si forte, si en colère et si pleine de vie, parce que tu donnes tant. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme toi, et je veux être près de toi. Tu me fais me sentir meilleure. »

« Je te déclare vainqueur du Jeu des Questions, Gabrielle », je dis en posant la main sur sa hanche, glissant le long de son haut en soie avant d’entourer sa taille, l’attirant doucement vers moi. Je la regarde dans les yeux alors que nos corps se pressent l’un contre l’autre et je peux dire qu’elle aime ce qu’elle ressent autant que moi. Ses mains entourent ma nuque et m’attirent vers le bas jusqu’à ce que mes lèvres rencontrent les siennes. Son baiser ne s’arrête pas, tout comme la vague, et il m’entraîne encore plus vite vers le bas. Ses lèvres sont comme un rêve, ses mains sur ma nuque me font croire que je suis plus que de la chair. Elle ouvre le col de ma chemise et plante un baiser brûlant sur ma poitrine, puis elle pose sa joue sur ma peau. Je la tiens serrée contre moi. C’est un moment à savourer pleinement.

Un gong résonne bruyamment depuis l’intérieur. Gabrielle et moi nous regardons. Elle est rouge et surprise, comme si elle venait de se réveiller. Je lui prends la main et je la ramène dans la pièce. Le plus ancien des messagers royaux se tient devant Lao Ma, ce qui me laisse penser que les nouvelles sont mauvaises. Il a été choisi pour les apporter parce que c’est celui dont on peut le moins se passer : si quelqu’un voulait tuer le messager, ce serait plus difficile avec lui.

« Parle », dit Lao Ma froidement. Borias et moi sommes juste derrière lui, de chaque côté, et Gabrielle est derrière moi. Les nouvelles vont être vraiment mauvaises.

« Il semblerait que vos filles aient été trouvées par quelqu’un qui les a kidnappées. Nous avons reçu une demande de rançon. »

Lao Ma est sans voix. Je demande

« Qui ? »

Le messager ferme les yeux. « Jules César. »

Nous sommes maintenant tous sans voix, à regarder Lao Ma.

« Tout le monde retourne à ses appartements. Prenez ce qui est nécessaire et mettez-le à l’extérieur devant vos portes. Je vais arranger le reste. Dormez si vous le pouvez. Nous partirons à l’aube. » Lao Ma se retourne et sort.

« Wow », dit Gabrielle.

Je suis toujours sous le choc, mais je ne peux pas m’empêcher de lui sourire. Borias a l’air anxieux.

« Elle est probablement en train de lire le Yi-King ? », lui dis-je pour le rassurer. « Va voir. Fais-moi savoir si tu as besoin de moi. »

« Oui », dit-il. Il sort de la pièce en traînant les pieds. Je regarde le messager.

« Toi. Assure-toi qu’il y a des gens prêts à la porte de Lao Ma pour répondre à tout appel. Fais préparer nos chevaux, et un pour Gabrielle, et au moins 15 hommes, armés, habillés de pied en cap, quelques serviteurs, vêtus pareillement, des victuailles pour quelques semaines de campement. Que tout soit empaqueté et que les hommes soient prêts à chevaucher dès l’aube. Tout ce que Lao Ma pourrait dire contredit bien entendu ces ordres. Tu peux partir. »

De retour dans mes appartements, nous empaquetons rapidement quelques vêtements sombres et neutres, et quelques objets personnels qui m’appartiennent. Tout cela entre dans un seul sac et je le laisse devant la porte, dans le couloir. Je nous verse du vin et je pose nonchalamment le verre sur la table près du lit, au cas où Gabrielle aurait un autre cauchemar.

Nous sommes assises l’une à côté de l’autre au bureau de la chambre principale, à regarder par la fenêtre vers les étoiles qui s’éparpillent dans le ciel d’un bleu profond. Je me dis que cette couleur de bleu est un bon augure mais je ne suis pas sûre de savoir de quoi.

« Parle-moi de César », dit-elle, en versant du vin.

« La première fois que je l’ai rencontré, je lui ai sauvé la vie. Un de mes hommes allait le décapiter comme un vulgaire soldat, jusqu’à ce que j’arrive avec la brillante idée d’une rançon. Pendant les quelques semaines où je l’ai tenu captif, je suis devenue son amante, et j’ai commencé à tomber amoureuse de lui, ou du moins c’était mon idée de l’amour à l’époque. Je n’aurais jamais dû garder la rançon, mais je l’ai fait, et peu après que je l’ai libéré, il est revenu et m’a capturée, puis crucifiée pour montrer sa puissance et en tirer vengeance. »

« Qu’est-ce qui s’est passé ? »

« Une amie m’a sauvée. Je ne le méritais pas, mais elle m’a sauvée, et a fini par donner sa vie pour moi. Ça m’a brisée, Gabrielle. Que quelqu’un d’aussi gentil meure pour le salut de quelqu’un d’aussi inutile et stupide que moi. J’ai juré de prendre ma revanche sur le monde entier. J’ai blâmé César pour un tas de choses. La rencontre avec Borias m’a calmée un peu, et m’a aidée à me concentrer. » Je souris.

« Je le haïssais aussi », murmure-t-elle, en rapprochant légèrement sa chaise. « Je ne l’ai jamais rencontré, bien que je l’ai souvent vu ; il venait à tous mes combats. Il a souvent demandé que je combatte pour lui en privé, contre toutes sortes d’adversaires inhabituels. Son attention me mettait mal à l’aise. Et il était responsable de tout, de tout ce qui était mauvais dans ma vie, de tout le malheur de l’Empire, de la torture quotidienne de l’esclavage légal. Je ne peux pas te dire combien de fois j’ai souhaité sa mort. » Elle dit cette dernière phrase avec sauvagerie.

« Pas autant que moi, j’en suis sûre. »

« Et là il a volé les enfants de Lao Ma. »

« C’est vraiment stupéfiant. Lao Ma disait justement l’autre jour qu’elle n’avait pas de problème avec Rome. »

« Stupéfiant en effet. »

« Il faut qu’on dorme », dis-je, me mettant difficilement debout. Gabrielle se lève en même temps que moi et se met dans mon chemin. Elle s’approche un peu plus et je peux sentir ses seins contre moi.

« Et à propos du baiser, Xena », murmure-t-elle, en levant les yeux vers moi.

« Un baiser merveilleux, » dis-je. Ma respiration s’accélère, mes mains semblent bouger doucement au-dessus de son corps.

« Et le suivant ? »

« Encore meilleur », dis-je dans sa bouche. Ses lèvres sur les miennes, comme des feux d’artifice, comme la première bouchée dans une prune juteuse. Ses mains au creux de mes reins, même à travers le tissu, m’extirpent des gémissements sourds que je n’ai jamais entendus auparavant.

« Tu es si belle, Xena », murmure Gabrielle dans mon oreille, ses mains sur ma nuque. Elle m’embrasse derrière l’oreille. Je frissonne.

« Gabrielle, ceci est parfait, mais il faut qu’on arrête. »

« Tu as raison. »

Nous nous éloignons d’un pas et je tends la main. Elle la prend et me suit dans la chambre. Au lit, elle se blottit contre moi immédiatement et m’embrasse doucement.

« Ça ne te dérange pas, hein ? » Demande-t-elle doucement. « Je ne sais pas comment ceci arrive. Je n’ai jamais voulu me serrer contre quelqu’un qui dormait avant. »

« Tes instincts sont parfaits. » Je ne serais pas étranglée.

« Merci. J’espère que tu ne regretteras pas ceci au matin », dit-elle.

« Je ne le regretterai pas. J’aimerais juste que les choses se passent autrement. »

« Au moins nous serons ensemble sur la route. »

Je souris, « Je savais qu’il y avait une personne vraiment positive ici qui mourait d’envie de sortir ! »

Elle me donne un coup et se presse un peu plus contre moi, sa tête reposant sur mon épaule. Il ne reste que quatre heures mais nous dormons.

*************************************

A l’aube nous nous retrouvons dans les écuries. Il fait froid et nous portons tous des vêtements sombres, noirs et marron, et rien dans le style habituel de la Chine. Lao Ma est pâle et belle dans son pantalon en cuir et sa chemise en coton noir sans éclats, ses longs cheveux noirs tirés en arrière en une queue de cheval. Elle a une dernière discussion avec les hommes et les femmes du conseil à qui elle confère la responsabilité de gouverner pendant notre voyage. Ils ont des plans de bataille détaillés de notre part à tous, avec toutes sortes d’éventualités. Ils s’en sortent mieux avec leurs chefs partis que n’importe quel pays avec les siens en place.

Gabrielle se tient à côté de moi et je fixe le souffle de Désir suspendu dans l’air. Borias a l’air très sérieux. Soudain, je me sens coupable d’avoir passé la nuit avec Gabrielle quand j’aurais pu aider Lao Ma. Ce qui est fait est fait. Je l’approcherai aujourd’hui quand j’en aurai le courage, bien que je doute qu’elle ait été mécontente des attentions de Borias. Et parlant de Gabrielle, la voilà prête à s’embarquer pour une quête très dangereuse avec nous, une quête qui la ramènera à l’endroit d’où elle s’est échappée récemment, de plus d’une façon ; son courage m’impressionne.

 

« Est-ce que tout est prêt ? » Dis-je à Lao Ma. J’imagine que des messages ont été envoyés à ses hommes à Rome, que des plans ont été lancés, des cartes demandées ; des choses que je ne veux pas risquer de mentionner devant le soldat dont les goûts sont bien plus dispendieux que ne devraient l’être ceux d’un soldat. Lao Ma hoche la tête et monte à cheval. Le reste d’entre nous monte comme un seul homme, plus de vingt personnes, des serviteurs, des soldats et nous, le cuir craque, des nuages de poussière s’élèvent du sol. Les chevaux peinent avec leur chargement alors que leurs cavaliers les tournent vers les portes. Lao Ma chevauche en tête de la procession avec nous trois juste derrière. Je cherche Gabrielle du regard et elle me suit alors que je dépasse l’Impératrice et que je prends ma place à la tête de la petite armée. Je suis le meilleur pisteur, le meilleur combattant, le meilleur stratège, et il se trouve que je suis aussi la personne avec la meilleure vue. Je suis la Princesse Guerrière ; quelqu’un qui ne me mettrait pas à la tête de son armée serait vraiment inconscient.

 

Les portes géantes du territoire de la Maison de Lao sont lentement ouvertes, et je chevauche pour les passer sans regarder derrière moi ; je sais qu’ils suivent. Peu après que les chevaux ont dépassé les portes, les archers et les éclaireurs se dispersent dans les bois de chaque côté de la route. Il se peut que nous ne voyagions pas avec les signes de la royauté, mais nous ne sommes pas non plus stupides. Nous sommes une machine de guerre bien huilée avec de grands esprits derrière tout ça. Nous nous déplaçons à une vitesse décente. Gabrielle chevauche à ma droite, hors de portée. Je peux ressentir Lao Ma et Borias à deux longueurs de chevaux derrière elle, et le reste des hommes encore derrière. Quelqu’un a été assez sage pour penser à utiliser des soldats étrangers, aussi seule une partie de notre groupe est de Chine. Le soleil s’est levé et la journée s’annonce belle.

Je me retourne pour jeter un coup d’œil à Gabrielle et elle a un air merveilleux. En bonne santé et à l’aise, s’imprégnant de tout autour d’elle. Elle a vraiment l’air fière. Et quand j’y pense, qui ne le serait pas ? Représenter la Maison de Lao, même incognito, est une belle chose. Mais bien sûr, c’est bien plus que ça ; elle est libre, chevauche, la journée est belle. Elle croise mon regard et rapproche son cheval de moi.

« Tu as l’air heureuse », lui dis-je.

« Je le suis », dit-elle définitivement, « je me sens vraiment en paix aujourd’hui. Comme si je me trouvais exactement à ma place. Bizarre que ce soit dans un voyage vers Rome. »

« Oui. Plutôt bizarre. Je suis contente que tu soies là. »

Gabrielle me sourit. « En si peu de temps vous avez tous réussi à me faire sentir que je faisais partie de quelque chose. Vous avez été plus gentils pour moi que ne l’a été ma propre famille. Sauf Lila. »

« Merci. Quand nous en aurons fini avec ceci, nous pourrons essayer de la retrouver. »

Elle sourit encore plus, « Ce serait merveilleux. S’il n’y avait pas tous ces gens derrière nous, Xena… »

C’est à mon tour de sourire, « Alors tu te souviens vraiment d’hier soir ? »

« De chaque seconde. Des meilleurs moments, en tous cas. Mais je ne veux plus rejouer à ce Jeu des Questions avant un moment. » Nous rions.

Lao Ma est venu sur mon autre côté. Gabrielle arrête son cheval et attend que Borias la rattrape, et ils continuent ensemble derrière nous.

« Comment ça va ? » Je demande.

« Je sais où sont mes filles. C’est plus que je n’en savais auparavant. »

« Oui. Et elles sont vivantes. Il semblerait. »

« Oui. Et je vais faire exactement ce que César demande ; venir les chercher. Si je fais ce qu’il attend de moi, j’échange la Chine contre mes enfants, sans preuve qu’il les a vraiment. »

« Tu ne peux pas faire ça. Je ne te laisserai pas. »

« Bien. Il doit vraiment être fou pour attaquer la Chine d’une façon si déshonorante. »

« Il l’est. Il regrettera ce geste. N’oublie jamais que je suis la meilleure stratège que le monde ait jamais connu. »

Elle rit. « Viens. Nous devons accélérer. Faire le campement au coucher du soleil et repartir tôt. Je veux arriver à Rome aussi vite que possible. »

Je donne un petit coup à Désir et nous partons. J’entends les autres accélérer derrière nous ; Lao Ma et moi sommes à mi-chemin du bas de la colline.

Le crépuscule nous rattrape à notre campement. Nous sommes assis tous les quatre autour d’un feu de camp, à boire, pendant que les serviteurs préparent le dîner et les tentes, et qu’ils servent des boissons aux soldats à l’autre feu de camp. Gabrielle est assise près de moi, si près que je peux la sentir. De l’autre côté du feu, je vois que Borias et Lao Ma ne sont pas très éloignés non plus l’un de l’autre. Soudain, je réalise. Quelque part, bien que nous soyons un groupe uni, nous sommes devenus deux couples au cours de la nuit. Est-ce qu’ils attendaient que je trouve quelqu’un, ou est-ce que c’est simplement arrivé comme ça entre eux ? Et qu’est-ce que c’est exactement ? Je me rends compte que je les fixe, mais honnêtement, je ne comprends pas.

« Accepte-le, tout simplement », murmure Gabrielle dans mon oreille. « Tu n’as pas besoin de faire pipi ? » Demande-t-elle innocemment.

« Si. Si bien sûr. » Je marmonne quelque chose au sujet de faire pipi à Lao Ma et à Borias, et je laisse Gabrielle me tirer dans les bois derrière la tente de Borias.

Elle me pousse contre un arbre. J’écoute pour voir s’il y a des archers, mais personne, et je n’entends que la nuit. Elle m’embrasse. Des lèvres douces, son cœur qui bat si vite que je peux à peine le croire. C’est excitant à plusieurs niveaux. Je ferme les yeux et je flotte dans la sensation, mon corps pris entre elle et l’arbre.

« Dis-moi ce que tu ressens », murmure-t-elle à mon oreille, ses mains s’enroulant tels des serpents autour de mes épaules, descendant lentement le long de mon corps jusqu’à mes hanches, pour les attirer contre les siennes. Je grogne. « Pas d’analyse, que des sentiments. »

Qui serais-je pour définir une émotion si on ne me le demande pas ? Je souris intérieurement et je murmure d’une voix tremblante. « Te toucher est la meilleure chose au monde. Je veux toujours être avec toi. »

« Bien », murmure-t-elle à mon oreille. « Ça me va », et elle m’embrasse à nouveau. « Cette fois-ci », dit-elle en s’écartant de moi, « je serai celle qui dira quand s’arrêter. »

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Nous dînons dans la tente de Lao Ma, parce que c’est la plus grande. Pas une tente royale, mais assurément celle d’un seigneur de guerre puissant. Elle est pleine de coussins et de babioles, quelques coffres remplis de pièces et d’or, la rançon d’une princesse en bijoux. Des trésors venus de tant de pays qu’il serait impossible de dire d’où vient la propriétaire de la tente. La nourriture est délicieuse et deux serviteurs jouent sur des instruments à cordes dont le son ressemble à celui des cascades. La lumière des chandelles et de l’encens, une belle femme à mes côtés. La soirée serait merveilleuse en d’autres occasions.

« Alors quel est le plan ? » Demande finalement Borias. « On va à Rome et après ? »

« Je ne sais pas encore », dit simplement Lao Ma en le fixant.

« Il faut qu’on entre dans le château et qu’on trouve les fillettes sans qu’elles se fassent tuer », dis-je.

« Si elles sont là », dit Borias, « et s’ils les ont vraiment. Et si toute cette affaire était un coup monté et qu’ils ne les ont pas du tout ? Et si c’était un piège ? »

« C’est un kidnapping. Il faut que nous partions du principe que c’est réel », dis-je. Je réfléchis à plusieurs plans et je les écarte. J’écoute les petits animaux qui s’affairent dans le sous-bois hors de la tente ; ils se demandent si nous allons leur laisser nos restes. « Je présume qu’on ne va pas attaquer Rome comme ça ? »

« Correct », dit Lao Ma.

« On fait de l’espionnage et ensuite on fait entrer l’armée ? »

« Non », dit-elle.

« Et si je me glissais tout simplement dans le palais et que je le tuais pendant son sommeil ? »

« Oublie ça, Xena », dit-elle d’un ton d’avertissement.

Je peux sentir le corps de Gabrielle se tendre à côté de moi.

« Et si nous avions quelque chose qui ait de la valeur pour lui ? » Demande-t-elle.

Soudain, tous les regards sont sur Gabrielle ; elle n’a pas parlé jusqu’à maintenant.

« Et qu’est-ce qu’on a ? » Demande Borias.

« Moi », dit-elle.

« Jamais de la vie… » Je commence à dire.

« Écoute-moi d’abord », dit-elle, et Lao Ma me fait signe de me taire. « Je parierais fort qu’il a mis une prime sur ma tête, une récompense si énorme que tout le monde ferait un détour pour se l’assurer. Non seulement il adorait me voir combattre, mais ma fuite a dû lui causer beaucoup d’embarras en arrivant à Alexandrie. Il n’aimerait pas être embarrassé devant Cléopâtre. »

« Je suis sûre que tu as raison sur toutes ces choses », dit Lao Ma.

Gabrielle sourit et continue, visiblement excitée de voir que Lao Ma aime son plan jusqu’ici. J’aime bien son plan aussi. En fait, j’y avais déjà pensé et je l’avais écarté parce qu’il est trop dangereux. « On se met rapidement dans la peau de nos personnages. Borias est un seigneur de guerre qui a trouvé une esclave échappée : il la rapporte à Rome pour avoir la récompense. C’est le moyen le plus parfait d’atteindre César, lui faire croire qu’il obtient ce qu’il veut. La suite de Borias comprendra plusieurs esclaves attirantes qui, bien entendu, porteront des voiles, ce qui masquera le fait que parmi elles se cachent l’Impératrice et la Princesse Guerrière de Chine. On est dans la palais et on rend un service à César, il baisse sa garde ; il n’a aucune idée qu’il a laissé l’ennemi entrer chez lui. On trouve notre information, est-ce qu’il a les fillettes ? Si c’est le cas, on est en bonne position de les avoir sans marchander ? S’il ne les a pas, et bien, on est en bonne position de toutes les façons. Qu’est-ce que vous en pensez ?

« Waouh », dis-je, « très impressionnant. »

Lao Ma réfléchit tout en parlant. « Il nous faut trouver jusqu’où les affiches pour la récompense sont allées. Peut-être nous détourner de notre chemin et arriver à Rome par le côté opposé… »

« Ensuite, il ne nous restera qu’à rester dans la même pièce que lui sans le tuer », dit Borias.

« Pour l’instant en tous cas », dis-je en acceptant partiellement. C’en est assez de César. Combien de temps devons-nous le laisser faire ce qu’il veut ? « Est-ce que tu es sûre de vouloir y retourner ? » Je demande à Gabrielle.

« Moi ? » Demande-t-elle. « Je suis honorée que tu m’aies incluse dans ton groupe, Princesse Guerrière. »

Nous restons assis en silence un moment.

« C’est le meilleur plan à ce stade », dis-je.

« On devrait envoyer une fausse délégation royale vers Rome qui avancera le plus lentement possible », dit Borias. « Pour les mettre sur la mauvaise voie. »

« Ils sont déjà en route », dit Lao Ma. « Ils sont partis deux heures après que nous avons reçu la demande de rançon, et ont pris une route au sud. Ils se déplacent de manière très ostensible et emportent beaucoup d’argent. J’imagine que les espions de Rome les ont déjà repérés et sont sur leur piste extrêmement lente. »

Gabrielle fixe Lao Ma, visiblement impressionnée. On ne pourra pas y être assez rapidement. Même Lao Ma ne peut pas voler.

 

 

 

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