SASSEM3


Sassem

 

 

de Honey

 

 

= = Partie 3 = =

 

 

Remerciement tout spécial à ma bêta-lectrice : Gaby, pour la qualité de ses corrections et son courage fasse aux nombres impressionnantes de mes erreurs !

 

 

Chapitre 4 :

Alexia n’était pas encore revenue de sa découverte qu’elle se retrouva sur ses pieds à courir de nouveau, la main dans celle de… sa sauveuse.

- Oh seigneur, gémit-elle doucement.

Elle n’avait jamais été gay, alors ce qui lui arrivait avec la grande femme devait… être le syndrome du sauveur !  se dit-elle avec une inspiration subite.

« Bien sûr ! Elle venait de passer des jours entiers emplie d’angoisse et de terreur. Elle avait été maltraitée et cru voir sa dernière heure arrivée. Il était normal qu’elle ressente de la reconnaissance envers son sauveur, enfin sa sauveuse. »

Soulagée d’avoir trouvé une explication à son attirance impromptue, elle revint à la réalité et se rendit compte qu’elle était en train de courir derrière sa... sauveuse « Dieu que c’était énervant de penser à elle ainsi. Connaître son prénom faciliterait mes réflexions ! »

- Excusez-moi, fit-elle entre deux foulées.

Sa sauveuse se mit à sa hauteur et attendit.

- Quel est votre nom ?

Surprise Enyo, tourna la tête une fraction de seconde, qui fut malheureusement suffisante pour qu’une branche d’un bon calibre lui saute sur le visage. Elle s’effondra sur le sol.

- Oh mon dieu ! s’exclama Alexia, je suis désolée ! C’est de ma faute ! Vous allez bien ?

Les yeux toujours fermés, Enyo plaqua sa main sur la bouche d’Alexia et l’attira sur elle. Alexia en eut le souffle coupé. Elle déglutit difficilement et lutta contre la chaleur qui l’envahissait au contact de la paume qui lui couvrait les lèvres. Sa tête fut tirée un peu plus contre elle et elle sentit ses lèvres effleurer son oreille. Alexia hésitait entre son envie d’enfouir sa tête au creux de son épaule et son impulsion de s’écarter d’un bond. Ces sensations contraires étaient si perturbantes qu’elle faillit rater ce que sa sauveuse lui chuchotait.

- Ne parlez pas aussi fort. Je vous rappelle que nous fuyons un groupe de soldats armés jusqu’aux dents. Le moindre bruit est susceptible de nous faire repérer. Déjà que vous soufflez comme un bœuf alors si en plus vous parlez…

Vexée Alexia voulut rétorquer mais Enyo n’avait pas terminé.

- Je m’appelle She-Wolf. Et ce n’était pas de votre faute, dit-elle en ouvrant les yeux en grimaçant.

Elle les remit sur pied et frottant un peu son front reprit leur course plus lentement. Alexia avait oublié son irritation en entendant le nom de sa sauveuse. « She-wolf… louve. Ça lui allait si bien..., rêvassa-elle. Oh dieu, je repars dans mes délires ! » se réprimanda-elle une fois de plus.

L’heure suivante, elle se concentra pour suivre She-wolf sans 'souffler comme un bœuf'. Elle avait été vexée par la remarque qu’elle jugeait injuste. Elle faisait ce qu’elle pouvait, elle n’était pas mercenaire elle ! Elle n’avait pas le degré de formation requis pour ce genre d’activité ! Néanmoins, décidée à lui montrer de quoi elle était capable, elle se concentrait afin de trouver un rythme qui lui permettrait de la suivre sans s’asphyxier. Et ce n’était pas facile, car She-wolf volait presque par-dessus les obstacles et rien ne semblait la ralentir.

Trébuchant une fois de plus, Alexia lutta contre son désir de se laisser glisser à terre, afin de soulager tout son pauvre corps qui tombait en lambeau. Elle buta contre une racine qui dépassait et poussant un petit cri, elle s’étala de tout son long, son genou cognant contre une pierre. Elle l’agrippa en gémissant, des larmes pleins les yeux. Soudain elle se mit à trembler. Elle avait faim, elle était épuisée et avait mal. Elle voulait juste se coucher là et…

Une ombre l’enveloppa soudainement et l’interrompit dans ses lamentations. Deux bras forts l’entourèrent et la bercèrent quelques secondes.

- Calmez-vous. Ça va allez, nous sommes presque arrivées. Je sais que vous êtes fatiguée mais il faut tenir encore un peu.

- Je…je n’a…n’arrive pas à… calmer mes tremblements… je … je suis… désolée…, bredouilla-elle au comble de l’embarras et du désespoir.

« Génial, je savais que je n’aurais pas dû accepter cette mission quand Enyalios a parlé d’elle en la décrivant comme une fille à papa… ». Mais She-wolf savait qu’elle était injuste, la fille faisait ce qu’elle pouvait, ce n’était pas sa faute si elle n’avait pas l’endurance physique.

- Ce n’est pas grave. Mettez vos mains autour de mon cou. Et accrochez-vous, ça va secouer.

She-wolf, passa un bras sous ses jambes et l’autre derrière son dos, la souleva et repartit en courant. Alexia fut à la fois surprise de sa force et soulagée de ne plus avoir à courir. Elle ferma les yeux et appuya sa tête sur l’épaule de la mercenaire, laissant la course fluide de sa porteuse la bercer. Elle finit par glisser dans le sommeil sans même s’en rendre compte.

She-wolf sentit la respiration d’Alexia se calmer, tout comme ses tremblements. Après quelques minutes, elle comprit qu’elle s’était endormie. Incrédule, She-wolf secoua la tête. « Elle s’est endormie… au milieu d’une course poursuite…». Une heure passa ainsi. She-wolf qui commençait à ressentir les effets de la course combinés au poids d'Alexia dans ses bras, décida de trouver un endroit ou se reposer et attendre Enyalios.

Elle saurait où en étaient leur poursuivant et ce qu’il convenait de faire, lorsqu’Enyalios serait présent. Elle ralentit le pas et regarda autour d’elle. Elle repéra une caverne et s’y rendit. Une fois à l’intérieur, elle voulu déposer son fardeau afin de partir inspecter la caverne, mais Alexia s’accrocha tant et si bien qu’elle renonça. Elle contrôla donc celle-ci de façon plus superficielle qu’elle ne l’aurait voulu, puis s’adossa à la paroi vers l’entrée de la grotte pour attendre Enyalios.

Son regard erra du côté du visage de sa protégée. Elle avait du cirage noir autour de la bouche à cause de toute les fois où elle y avait posé sa main pour la faire taire. Détaillant son visage, elle lui trouva l’air d’une enfant innocente et son cœur se serra, soudainement émue devant ce spectacle.

Elle se raidit à nouveau devant cette réaction physique inattendue. « Mais qu’est-ce que cela voulait dire ?! » se demanda-elle avec irritation. Il était plutôt clair qu’elle était attirée par la jeune fille, elle connaissait les signes et savait les repérer. Mais ça n’avait jamais été aussi fort. Peut-être qu’elle avait un problème de santé ? Ou alors c’était le seul moyen que sa libido avait trouvé pour lui faire comprendre qu’elle était en manque…

Elle dévisagea la gamine dans ses bras. Ça avait un rapport avec elle en tout cas. Et puis quelle importance après tout ? D’ici peu elle la rendrait à son monde.

Alexia se sentait bien. Elle se nicha plus confortablement contre l’épaule où elle reposait et fit glisser ses bras du cou au ventre de son sauveur, en resserrant son étreinte.

She-wolf déglutit. Une soudaine chaleur l’avait envahie. Avec ce changement de position, les lèvres d’Alexia effleuraient maintenant son cou. Elle dût lutter pour ne pas relever la tête de la jeune fille et l’embrasser à pleine bouche. Elle se mordit la lèvre jusqu’au sang en maudissant sa libido et se jura qu’après cette mission elle trouverait quelqu’un qui la libèrerait de toute cette frustration.

La tête d’Alexia bougea encore et ses lèvres entrèrent en contact direct avec la peau du cou de She-wolf. Celle-ci ressentit comme un petit choc électrique et écarquilla les yeux, se raidissant devant la vague de sensualité qui menaçait de la submerger. Elle déglutit plusieurs fois, respira à fond et se décida à réveiller la jeune fille avant de craquer. Elle la secouait doucement lorsqu’un bruit en provenance du bois, la fit se figer.

Elle tourna la tête en direction du bruit, repéra rapidement son origine. Elle se détendit et imita le cri du fennec. C’était un son curieux : un mélange entre un jappement et un grognement, en plus aigu. On aurait dit qu’un criquet envoyait sa stridulation d’une gorge qui l’aurait avalé.

Enyalios l’entendit et chercha des yeux sa collègue. Il la vit, ou plutôt ses yeux qui brillaient, à moitié cachée par l’obscurité d’une caverne. Il se dirigea vers elle et sourit en voyant le tableau qui se formait devant ses yeux.

- Elle te fait vraiment de l’effet alors… chuchota-il.

Il croisa ensuite son regard glacial et se tut mais garda son sourire en s’installant contre la paroi d’en face.

- Ils ne sont pas très loin. Il faut dire qu’on n’a pas pu saboter leur véhicule. Mais j’ai posé les mines que tu m’as données et j’ai aussi mis quelques pièges de ma composition. Ça devrait les ralentir suffisamment pour que l’on arrive jusqu’à notre point de décollage. Mais il va falloir continuer cette nuit.

- Tu as pu contacter le pilote sans problème alors ?

- Ouaip mam’zelle ! Tu crois qu’elle va tenir ? fit-il en désignant d’un mouvement de la tête Alexia.

- J’espère. Au pire tu la porteras.

- Pourquoi changer, tu as l’air de bien t’en sortir. Mais si ça te dérange tant, je me ferais un plaisir de te remplacer, ajouta-il bien vite devant son expression mortelle.

She-wolf secoua Alexia jusqu'à ce qu’elle ouvre les yeux. Celle-ci vit deux yeux au bleu profond la fixer tranquillement. Elle lui sourit par réflexe et commença à s’étirer, collant son corps contre le sien.

She-wolf prit une courte inspiration et la retint. Le sourire d’Alexia se fana à mesure que ses muscles lui rappelaient, par l’intermédiaire des courbatures, où elle se trouvait et pourquoi. Elle prit ensuite conscience de la personne sur laquelle elle était et rougit comme une pivoine, gênée au-delà du possible. Elle se redressa d’un bond et se détourna aussitôt. Son regard tomba sur le visage de son autre sauveur et elle lui sourit timidement.

- Je… elle se racla la gorge et reprit. Je m’appelle Alexia.

Elle lui tendit la main. Il se leva, la serra et d’une courbette lui fit un baisemain. En se redressant il lui décocha un sourire charmeur.

- Enchanté… Je m’appelle Enyalios.

Pour le coup Alexia ne savait plus où se mettre. La jolie teinte pivoine avait refait son apparition au moment du baisemain et Alexia se demandait avec désespoir si elle comptait se ridiculiser encore longtemps.

- Je… hum… moi aussi.

Content de lui, Enyalios fit un clin d’œil à She-wolf et lui murmura :

- Si tu n’en veux pas, moi je m’en charge.

Il n’eut droit, une fois de plus, qu’à son regard noir. Il haussa les épaules et s’adressant à Alexia :

- On va devoir marcher toute la journée et toute la nuit. Tu vas y arriver ?

- Presque arrivée, hein ? dit-elle ironique à She-wolf.

Celle-ci haussa les épaules.

- Pour moi, oui.

- Tant qu’on ne court pas, je pense pouvoir tenir, répondit-elle ensuite à Enyalios.

- Bien, alors c’est parti.

Ils se mirent tout les trois en route en file indienne, Enyalios devant et She-wolf derrière. Après quelques heures de marche soutenue, Alexia demanda en baissant la voix :

- Est-ce que je pourrais boire ?

- On va faire une pause, répondit Enyalios de la même façon. Enyo, tu veux bien aller voir où en sont nos « amis » ?

She-wolf hocha la tête et disparut. Stupéfaite par sa rapidité, Alexia se tourna vers Enyalios.

- Tu… elle est vraiment très rapide.

- Elle tient ça de moi, fit-il en lui tendant une gourde.

Alexia fit un mouvement de sourcils surpris en buvant et attendit.

- Je suis son mentor.

Alexia hocha la tête et demanda :

- Pourquoi l’as-tu appelée Enyo ?

- Comment veux-tu que je l’appelle ? demanda-il perplexe.

- Ben, par son nom. She-wolf.

Sidéré, Enyalios, la fixa un long moment.

- Elle t’a donné son nom ?! s’exclama-il.

- Qu’est-ce que ça a de si extraordinaire ?

- Elle ne donne jamais son nom !

- Jamais ?

- Jamais !

Après un instant, il répondit à sa question.

- Enyo c’est son nom de mercenaire et c’est ainsi qu’elle se présente. She-wolf… ce n’est pas son vrai nom, c’est celui qu’elle s’est choisie il y a de ça plusieurs années. Son vrai nom elle ne s’en souvient pas. Elle t’a donné son nom, alors prend le comme un honneur, peu de personne dans le monde le connaisse. Mais ne t’avise pas de le répéter. Si elle voulait que tout le monde le connaisse, elle le dirait elle-même, la menaça-il soudain.

- Ne t’en fait pas, je sais garder un secret. « Et ce n’est pas peu dire » Elle est amnésique ?

- Non.

- Alors comment…

Il l’interrompit.

- C’est son histoire… Si elle veut te la raconter, elle le fera.

- D’où vient Enyo ? tenta-t--elle encore.

- Ah ça, c’est moi qui lui ai choisi.

- Toi ?

- Hum hum. Enyo est le nom d’une déesse de la bataille, amie d’Arès.

- Et alors ?

- Enyalios est l’autre nom donné à Arès.

- Oh, je vois.

Un éclair de jalousie la traversa.

« Toi tu connais son nom et son histoire et tu lui as appris pas mal de choses, tu l’as même rebaptisée en fonction de toi. Mais elle ne t’appartient pas ! » Réalisant ce qu’elle pensait, Alexia secoua la tête. « Elle n’est pas à toi non plus, banane ». Puis elle se tapa le front de la main. « Mais à quoi je pense, moi ? Je ne suis pas gay ! Il faut que j’arrête de penser ainsi. C’est juste de la reconnaissance, rien d‘autre que de la reconnaissance… »

En la voyant s’agiter ainsi, Enyalios se demanda si la gamine n’avait pas pris un coup sur la tête. C’est ce moment que choisit She-wolf pour revenir.

- Ça a été ? s’enquit-il

- Ouais. On peut parler normalement et même camper cette nuit si on veut. Ils sont vraiment très loin. Je ne sais pas ce que tu as mis en place mais ça a été super efficace, fit-elle admirative.

- T’inquiète bébé, je t’apprendrai ça un  jour, assura-il avec son sourire canaille.

A chaque fois qu’il souriait ainsi, She-wolf ne pouvait s’empêcher d’être amusée. Elle secoua la tête et se tourna vers Alexia. Celle-ci la fixait d’un air froid, ce qui lui fit froncer les sourcils de perplexité.

- Ça vous va si on avance jusqu'à la nuit tombée ?

Alexia hocha la tête et accepta la ration et le fruit que lui tendit She-wolf avant de se remettre à marcher. Elle ne se comprenait plus. Quand elle avait entendu Enyalios appelé She-wolf 'bébé', la jalousie qu’elle avait ressentie un peu plus tôt était revenue en force.

Elle dût se rendre à l’évidence, elle n’était pas gay, ok, mais ce qu’elle ressentait à l’égard de la grande femme était tout sauf de la reconnaissance. Elle se tourna furtivement vers elle et croisa son regard. Elle se sentit happée et détourna bien vite les yeux. Ok, elle était attirée par elle, et pas qu’un peu ! Mais à quoi cela lui servait-il de le savoir ?! She-wolf n’était de toute évidence pas célibataire et quand bien même elle le serait, elle n’avait pas l’air de s’intéresser à elle sur ce plan là. C’était rageant. Elle rencontrait enfin quelqu’un qui faisait battre son cœur et non seulement c’était une femme mais en plus déjà casée !

Elle serra les poings et respira à fond plusieurs fois. Elle allait devoir en prendre son parti, d’autant qu’elles n’avaient rien en commun. Elle ne voyait pas ce qu’elles auraient pu se dire. Elles venaient de deux mondes différents. Elle était une héritière et She-wolf était mercenaire. Même pas un soldat, non, une mercenaire. Elle se vendait au plus offrant ! Une fois de retour chez elle, tout rentrerait dans l’ordre et elle l’oublierait sûrement très vite. Ce n’était probablement qu’une foutue passade.

Perdue dans ses pensées, Alexia ne vit pas le jour décliner puis la nuit tomber. C’est Enyalios qui la tira de sa rêverie en lui touchant le bras. Il lui expliqua qu’ils s’installeraient là pour la nuit. Alexia regarda autour d’elle avec une horreur grandissante. « C’est ici qu’ils comptaient la faire dormir ?! Sur le sol ?! Près des insectes ?! » Elle croisa le regard agacé de She-wolf. Et se sentit mortifiée lorsque celle-ci lui installa une couverture supplémentaire qu’elle arrangea de manière à ce que cela soit plus confortable pour elle.

Honteuse de sa réaction, elle garda la tête baissée, jusqu'à ce qu’un souffle lui chatouille son oreille.

- Tu as bien le droit à quelques petites réactions outrées princesse. Tu n’as pas l’habitude et cela fait plusieurs jours que tu es traitée durement.

Cette absolution la soulagea et l’agaça tout à la fois. Elle se fichait de ce que pensaient les gens de son attitude habituellement ! Mais malgré elle, ce fut le soulagement qui l’emporta. Elle releva la tête et sourit timidement à sa vis-à-vis. Celle-ci lui retourna un sourire franc qui la chamboula jusque dans l’estomac. Elle mit une main sur celui-ci et au même moment un fort grognement retentit qui la fit rougir de plus belle.

She-wolf sourit et lui tendit de la viande et des fruits. Elle fit de même avec Enyalios et entama sa propre part.

- J’ai une question Alexia si tu le permets.

- Bien sûr.

- Comment se fait-il que tu sois encore en vie ?

- Je ne comprends pas.

- Ça fait 5 jours que ta rançon a été versée et récupérée, pourquoi étais-tu encore entre leurs mains ?

- Oh ça. Au moment du retour de la rançon dans ce pays, ils semblent avoir été repérés par un de leur ennemi. La rançon a été interceptée par lui. Apparemment ils avaient peur de bouger et de signaler leur position et ils se sont retrouvés coincés ici, et moi avec. Ils débattaient de ce qu’ils devaient faire. Redemander une rançon ou se débarrasser de moi.

- On n’a donc aucun souci à se faire. Ils croient probablement que nous étions des hommes de cet ennemi. Sûrement Sassem s’ils avaient peur de bouger. Tu pourras même leur proposer une collaboration finalement, déclara Enyalios en regardant Enyo.

- On verra. Tu as été maltraitée ? reprit-elle en se tournant vers Alexia.

- Non, mais ils étaient menaçants.

- Pourquoi t’ont-ils amené les repas aux heures grecques ?

- Sûrement pour que je ne sache pas où je me trouve. Ainsi je ne pouvais pas les dénoncer.

« Pourquoi je n’y ai pas pensé ?! C’est très intelligent… » songea She-wolf un peu irritée.

En la voyant les yeux dans le vague, Alexia décida de faire définitivement oublier l’incident de la couverture en la divertissant.

- Je peux vous raconter des histoires si vous voulez, lança-elle.

- Des histoires ? répéta She-wolf surprise.

- Pourquoi pas… accepta Enyalios, y’a rien d’autre à faire.

- Bien.

Elle réfléchit et se décida pour une histoire sur les loups. Ça allait bien avec le contexte.

- C’est une histoire amérindienne sur les loups. Elle se nomme 'le Cil du loup'.

Si tu ne vas pas dans les bois, jamais rien n'arrivera, jamais ta vie ne commencera.

- Ne va pas dans les bois, disaient-ils, n'y va pas.

- Et pourquoi donc ? Pourquoi n'irais-je pas ce soir dans les bois ? Demanda-t-elle.

- Dans les bois vit un grand loup, qui mange les humains comme toi.

Ne va pas dans les bois, n'y va pas.

Bien sûr, elle y alla. Elle alla malgré tout dans les bois et bien sûr, comme ils avaient dit, elle rencontra le loup.

- On t'avait prévenue, fit le chœur.

- C'est ma vie, pauvres noix, rétorqua-t-elle. On n'est pas dans un conte de fées.

Il faut que j'aille dans les bois.

Il faut que je rencontre le loup, sinon ma vie ne commencera jamais.

Mais le loup qu'elle rencontra était pris dans un piège. Dans un piège était prise la patte du loup.

- Viens à mon aide, viens à mon secours ! Aïe, aïe, aïe ! S'écria le loup.

Viens à mon aide, viens à mon secours et je te récompenserai comme il se doit.

Car ainsi font les loups dans ce type de contes.

- Et comment serais-je sûre que tu ne vas pas me faire mal ?

Interrogea-t-elle - c'était son rôle de poser des questions.

Comment serais-je sûre que tu ne vas pas me tuer et me réduire à un tas d'os ?

- La question n'est pas la bonne, dit ce loup-ci. Tu dois me croire sur parole.

Et il se remit à gémir et à crier...

Oh, là, là ! Aïe, aïe, aïe !

Belle dame,

Il n'y a qu'une question qui vaille,

Ououououououh…

- C'est bien, le loup. Je prends le risque. Allons-y !

Et elle écarta les mâchoires du piège. Le loup retira sa patte, qu'elle pansa avec des herbes et des plantes.

- Oh, merci aimable dame, merci, dit le loup, soulagé.

Et, parce qu'elle avait lu trop de contes d'un certain type, le mauvais, elle s'exclama :

- Allons, finissons-en. Tue-moi. Maintenant.

Mais ainsi le loup ne fit-il pas. Pas du tout. Il posa la patte sur son bras.

- Je suis un loup qui vient d'ailleurs, un loup qui vient d'un autre temps, dit-il.

Et il s'arracha un cil, puis le lui offrit en disant :

- Sers-t'en avec discernement.

Désormais, tu sauras qui est bon et qui ne l'est guère ;

il te suffira de voir par mes yeux pour voir clair.

Tu m'as permis de vivre,

Et pour cela,

Je t'offre de vivre ta vie comme jamais tu ne le fis.

Souviens-toi, belle dame,

Il n'y a qu'une question qui vaille

Ououououououh…

Ainsi revint-elle au village,

Ravie d'être encore en vie,

Et cette fois, quand ils disaient " Reste ici, marions-nous "

Ou " Fais ce que je te dis "

Ou " Dis ce que je te dis de dire,

Surtout n'aie aucun avis "

Elle portait à son œil le cil du loup,

Et voyait à travers lui,

Leurs véritables motivations,

Comme elle ne l'avait jamais fait.

Alors quand le boucher,

Posa la viande sur la balance,

Elle vit qu'il pesait son pouce avec.

Et quand elle regarda son soupirant

Qui soupirait " Je suis parfait pour toi "

Elle vit que ce soupirant-là,

N'était même pas bon à quoi que ce soit.

De sorte qu'elle fut à l'abri,

Sinon de tous les malheurs du monde,

Du moins d'une grande partie.

Plus encore : non seulement cette nouvelle façon de voir lui permit de distinguer le cruel et le sournois,

mais son cœur ne connut plus de limites,

car elle regardait tout un chacun et l'évaluait grâce au don du loup qu'elle avait sauvé.

Et elle vit les gens de bonté vraie,

Et elle s'en approcha,

Elle trouva le compagnon,

De sa vie et resta près de lui,

Elle distingua les êtres de courage,

Et d'eux se rapprocha,

Elle connut les cœurs fidèles,

Et se joignit à eux,

Elle vit la confusion sous la colère,

Et se hâta de l'apaiser,

Elle vit l'amour briller dans les yeux des timides,

Et tendit la main vers eux,

Elle vit la souffrance des collets-montés,

Et courtisa leur sourire,

Elle vit le besoin chez l'homme sans parole,

Et parla en son nom,

Elle vit la foi luire au plus profond,

De la femme qui la niait,

Et la raviva à la flamme de la sienne.

Elle vit tout,

Avec son cil de loup,

Tout ce qui était vrai,

Tout ce qui était faux,

Tout ce qui se retournait contre la vie,

Et tout ce qui se tournait vers la vie,

Tout ce qui ne peut se voir,

Qu'à travers le regard,

Qui évalue le cœur avec le cœur,

Et non à la seule aune de l'esprit.

C'est ainsi qu'elle apprit que ce que l'on dit est vrai, le loup est le plus avisé de tous.

Et si vous prêtez l'oreille, vous entendrez que le loup, lorsqu'il hurle, est toujours en train de poser la question la plus importante.

Non pas " Où est le prochain repas ? ",

Ni " Où est le prochain combat ? ",

Ni " Où est la prochaine danse ? "

Mais la question la plus importante pour voir à l'intérieur, pour voir derrière,

pour estimer la valeur de tout ce qui vit,

Ououououououh…

Ououououououh…

Où est l'âme ? Où est l'âme ?

Va dans les bois, va.

Si tu ne vas pas dans les bois, jamais rien n'arrivera,

jamais ta vie ne commencera.

Dans les bois, va

dans les bois, va

dans les bois, va

Alexia enfin se tut.

Enyalios frappa dans ses mains, impressionné. Il avait été emporté sans même s’en apercevoir.

- Magnifique… lâcha She-wolf. Je ne connaissais pas cette histoire. Merci.

Alexia lui fit un grand sourire. C’était la première fois qu’elle racontait une des nombreuses histoires qu’elle emmagasinait depuis des années et elle se rendait compte à présent qu’elle adorait les conter à haute voix.

- J’ai une histoire sur une curiosité d’ici, si ça vous tente, fit-elle en baillant.

-Ça me tente, mais je pense qu’il vaut mieux dormir. Tu nous la raconteras demain, en chemin, proposa-elle.

- Ok, acquiesça Alexia en baillant encore.

Tout trois s’allongèrent alors autour du feu, allumé plus tôt par Enyalios. She-wolf était encore éveillée longtemps après avoir perçu les respirations endormies de ses compagnons, She-wolf resta éveillée, contemplant le ciel étoilé. Elle pensa à poser des questions sur Alexia à ses parents, mais par lâcheté ou inutilité elle y renonça et préféra jouer avec eux. Elle finit par s’endormir au milieu d’une pensée et rêva d’une ancienne vie ou tout était facile et ou deux yeux verts lui souriaient.

Chapitre 5 :

Le lendemain, She-wolf fut la première à se réveiller. Le soleil n’était pas encore levé et elle en profita pour observer les visages de ses compagnons. Elle appuya sa tête sur sa main en s’allongeant sur le côté. Enyalios était juste en face d’elle.

Dans la vie c’était un homme d’action, toujours joyeux et extrêmement énergique. Dans son job de mercenaire, il était brillant et parfois inspiré et dans les assauts, mêlées et escarmouches il ressemblait à un prédateur. C’était dans ses moments là qu’elle le trouvait le plus attirant. Il dégageait alors une énergie animale qui l’excitait.

Mais là dans le sommeil, il ressemblait seulement à un adolescent qui aurait grandi trop vite. Il était si différent lorsqu’il dormait… si jeune, comme si sa vie n’était qu’un vaste rêve dans lequel il ne faisait que passer. Cela lui rappela le temps où elle vivait avec lui, au début de son apprentissage. Cette vie là ne lui manquait pas, se rendit-elle compte. Elle préférait être seule, mais cela avait été une étape nécessaire et elle ne la regrettait pas. Elle l’observa encore un peu avant de se tourner vers Alexia.

Elle semblait encore plus jeune qu’elle ne l’était mais étrangement aussi, plus femme. Elle avait un air sérieux et attentif. C’était curieux… peut-être rêvait-elle ? Ses cheveux auburn étaient étalés autour de son visage. Elle se tourna soudain vers elle et une mèche retomba sur sa joue et s’arrêta au coin de ses lèvres. Des lèvres aux courbes douces qui invitaient aux baisers.

Agacée par le tour que prenaient ses pensées, elle ferma les yeux en se mordant la lèvre et se laissa retomber sur le dos. Elle rouvrit les yeux et scrutant le ciel nocturne elle repensa à son rêve et surtout à l’apparition des yeux verts dans un univers où ils n’avaient pas leur place, puis soupira.

Elle avait besoin d’une douche froide. Elle se leva et disparu au milieu des arbres. Elle marcha un peu puis s’arrêta et écouta. Après quelques minutes elle perçut le bruit caractéristique de l’eau qui coule. Elle prit résolument la direction du ruissellement, non sans prendre des repères pour pouvoir revenir.

Lorsqu’elle revint au campement, le soleil avait entamé sa lente escalade dans le ciel. Enyalios était déjà debout et préparait le petit déjeuner. Elle le salua d’un hochement de tête et se dirigea vers Alexia. Elle s’agenouilla devant elle et lui secoua doucement l’épaule pour la réveiller.

Alexia émergea doucement, elle vit tout d’abord deux yeux d’un magnifique bleu qui la firent sourire. Puis elle perçut la main sur son épaule et la chaleur de celle-ci qui la pénétrait. Pour mieux en profiter elle ferma à demi les yeux et observa le visage de son interlocutrice.

C’était la première fois qu’elle la voyait vraiment. Le visage débarrassé du cirage noir et les cheveux lâchés et mouillés, elle était à tomber. Ses traits étaient fins et réguliers. Elle avait un port de reine, fière et forte. Elle n’avait jamais vu de sa vie une femme aussi belle… La main finit par quitter son épaule et la chaleur avec elle. Elle s’étira, déçue et la vit se lever. Elle fit de même et la suivit près du feu.

Ils prirent leur petit déjeuner en silence, puis rassemblèrent leurs affaires avant de reprendre la route. Alexia aurait bien aimé se laver mais d’une part elle n’osait pas demander, les deux mercenaires l’impressionnaient trop, et d’autre part, elle se doutait que l’eau aurait été froide. Et elle et l’eau froide… n’étaient pas très amies. Après quelques heures de marche, She-wolf prit la parole.

- Hier tu as dit que tu nous raconterais une histoire sur une curiosité d’ici.

Alexia sourit de joie, She-wolf réclamait une de ces histoires !

- Oui. C’est sur une oasis des pays chaud qui est mystérieusement apparu ici dans ces terres froides.

- Oh !

- Qu’est-ce qu’il y a ?

- Je l’ai vu.

-Vraiment ?

She-wolf hocha la tête.

- Je m’y suis même baignée.

- Alors ça ! s’exclama-elle soufflée. Tu en as de la chance ! Et dire que j’étais à côté…

Elle secoua la tête, puis reprit le fil de son histoire.

- La légende dit qu’il y a bien longtemps un dieu du Nord en visite dans les pays chaud tomba amoureux d’une divinité du désert. Il lui rendait visite aussi souvent qu’il le pouvait. Mais la déesse n’était pas libre, elle devait épouser un autre dieu. C’est pourquoi, lors de ces visites, ils partaient tout les deux dans le désert pour se promener. Ils finirent par tomber sur une oasis si belle et si isolée qu’ils décidèrent de s’y retrouver à chaque nouvelle lune pour s’y aimer à l’abri des autres dieux. Malheureusement le jour du mariage de la déesse finit par arriver et la déesse dû se résoudre à mettre fin à leur liaison. Lors de leur dernière rencontre elle lui offrit comme cadeau d’adieu leur oasis, lieu de leur amour. Ils le transportèrent ensemble sur les terres qu’il gouvernait et c’est là-bas, sous le ciel étoilé qu’ils s’aimèrent pour la dernière fois.

- C’est très beau, dit She-wolf malgré elle.

Elle ajouta très vite.

- Et tu racontes vraiment très bien.

- C’est vrai ?

- Ouais c’était pas mal… acquiesça Enyalios.

- Mais ça n’explique pas vraiment la présence de cet oasis.

- Si l’on croit en l’existence des dieux, si.

- Tu y crois ?

- Peut-être, fit-elle avec un petit rire cristallin qui fit frissonner She-wolf. J’en connais d’autres si ça vous dit.

- Ça aurait été sympa, fit soudain Enyalios, mais nous arrivons.

Ils venaient de déboucher dans une clairière et Enyalios sortit une radio de son sac à dos. Il l’alluma et indiqua en morse au pilote qu’il pouvait atterrir au point convenu. Le pilote lui répondit de la même manière.

- Il va mettre un peu de temps avant d’arriver. Il a dû se poser de façon légal dans un aéroport pour ne pas se faire repérer, fit-il aux filles en revenant. Je vais aller voir si nos amis ne se sont pas trop rapprochés.

Pendant ce temps She-wolf fit signe à Alexia de s’asseoir et elle partit en quête de baies sauvages.

Lorsqu’elle revint, elle s'arrêta à la lisière de la forêt et contempla pour la dernière fois Alexia.

« Heureusement qu’elles se quittaient aujourd’hui » pensa-elle. Leur histoire n’aurait mené à rien. Il n’y avait pas de place pour ça dans sa vie. Sa raison d’être était la destruction de Sassem et de son univers. Jamais elle n’aurait renoncé à son existence actuelle et elle voyait bien qu’Alexia n’aurait jamais pu s’adapter à son mode de vie. Et avait-elle vraiment envie de mettre en danger une personne aussi innocente ?

Soudain elle fronça les sourcils. « Mais à quoi je pense ?! On n’est pas ensemble et je doute qu’elle soit gay vu sa réaction lorsqu’Enyalios lui a fait son numéro dans la caverne. Alors pourquoi je pense à elle comme si une relation sérieuse était possible entre nous ? En plus ce genre de relation ne m’intéresse vraiment pas… » se dit-elle en secouant la tête.

Elle regarda les baies qu’elle venait de cueillir et leva les yeux au ciel. « Je les ai cueillis pour elle… parce que j’ai vu hier qu’elle semblait vraiment les apprécier. Tu veux lui faire bonne impression hein ? » songea-elle dégoûtée d’elle-même.

Elle sortit du bois et se dirigea vers Alexia. Elle laissa tomber les baies à ses pieds sans dire un mot et s’appuya contre le tronc d’arbre à côté. Elle croisa les bras et regarda droit devant elle, refusant de voir la réaction de la jeune fille.

Alexia vit les baies surgire brutalement devant elle et sourit comme une enfant. Elle adorait ça ! Elle leva la tête pour remercier sa compagne mais celle-ci fixait obstinément la forêt l’air sombre. Qu’avait-elle ? Elle haussa les épaules et lui jeta un timide merci puis entreprit de profiter de l’aubaine. Elle les dégusta tout en regardant du coin de l’œil sa bienfaitrice. C’était si gentil à elle, de lui en avoir amené…

Enyalios surgit peu avant que l’on entende le bruit des pales d’hélicoptères. Il s’approcha de She-wolf et lui murmura quelque chose. Elle hocha la tête et partit ramasser les sacs laissés plus loin. Ils montèrent à bord quelques minutes plus tard. Alexia était assise à côté d’Enyalios et en face de She-wolf.

Elle sentait qu’elle ne reverrait plus She-wolf  une fois de retour chez elle et elle était partagée entre le soulagement face un changement auquel elle ne se sentait pas capable de faire face et la panique à l’idée d’en être privée. Elle essaya plusieurs fois de parler, de trouver quelque chose à dire qui ferait la différence, qui ferait que She-wolf ne l’oublierait pas et peut-être souhaiterait la revoir, mais elle ne trouva rien.

Et c’est pleine de confusion qu’elle vit l’héliport de son père apparaître.

Elle n’arrivait pas à croire qu’ils avaient fait autant de chemin en hélicoptère aussi vite. Elle se tourna vers She-wolf mais la question qu’elle voulait poser dût se lire sur son visage, car elle y répondit sans qu’elle n’ait eut besoin d’ouvrir la bouche.

- C’est un hélicoptère de combat. Il est prévu pour ce genre de cas.

Elle hocha la tête et sentit l’hélicoptère toucher le sol. Elle n’eut que le temps d’ôter sa ceinture avant d’être littéralement happé par deux bras forts. Son père la serra contre lui à l’étouffer, heureux de la retrouver vivante. Elle s’abandonna à son étreinte, contente de retrouver la chaleur familière de ses bras. Puis le repoussa gentiment en disant :

- Papa je ne sens vraiment pas très bon.

- Et alors ? Tu restes ma fille, tonna-il.

Elle le serra contre elle en souriant et s’écarta de l’hélicoptère afin de laisser sortir les deux mercenaires.

- Vous êtes revenue finalement ? fit M. Stefanos surpris en voyant She-wolf descendre de l’hélicoptère.

- Je n’avais pas trop le choix en fait. Ils étaient plus nombreux que prévu.

- Alors vous me feriez un immense honneur en acceptant de vous joindre à nous pour le dîner, fit-il tout à sa joie des retrouvailles avec sa fille.

- Je vous remercie mais j’ai malheureusement à faire et je dois partir.

- Moi je n’ai rien à faire ! s’exclama joyeusement Enyalios. J’accepte votre invitation avec plaisir M. Stefanos !

En entendant la réponse de She-wolf, Alexia replongea dans son état de confusion où le soulagement le disputait à la panique. Ils se dirigèrent tout les quatre vers l’ascenseur. Alexia, son  père et Enyalios s’arrêtèrent au quatrième et c’est ici que la séparation se fit car She-wolf descendait au sous-sol où M. Stefanos avait mis une voiture à sa disposition.

Les adieux furent brefs et Alexia vit avec regret les portes se refermer sur elle. Elle croisa son regard une fraction de seconde avant la fermeture complète et se laissa tomber dans les eaux profondes de ces yeux. L’acier brillant des portes remplaça trop vite leur couleur particulière et Alexia ferma les yeux un instant, plus secouée qu’elle ne l’avait imaginée par cette séparation.

Elle prit une courte inspiration et s’intima l’ordre de se reprendre. « Il n’y a que toi qui soit bouleversée ma grande, She-wolf n’en avait rien à faire de toute évidence. Tu n’étais qu’un contrat de plus, une mission accomplie… rien d’autre, alors qu’attendais-tu d’elle ? ». Alexia finit par fermer son esprit, autant à ces questions incessantes qu’à ses sentiments contraires, et rejoignit son père et Enyalios dans le salon.

*******************************

Quelques jours plus tard, She-wolf était allongée sur son lit, dans une des nombreuses planques qu’elle possédait. Celle-ci était située en Inde, dans un petit village non loin de Nagpur. Sa planque était une maison faite de bois à l’écart du village et des routes. Sans être invisible, elle était passe-partout et juste assez isolée pour qu’on pense qu’un ermite y vivait. 

Un téléphone vissé à l’oreille, elle discutait en Japonais avec un de ses indics et le menaçait de venir faire un petit tour au Japon s’il ne bougeait pas rapidement ses fesses pour lui trouver des infos fiables. Elle mit fin à la « conversation » en décrivant avec moult images, l’état dans lequel il retrouverait ses parties si elle n’avait pas de nouvelle fraîche d’ici la fin de la semaine.

She-wolf souffla afin de chasser son énervement et reposa son portable sur le lit dont elle se leva. Elle s’étira, satisfaite de la façon dont elle avait utilisé l’heure, à menacer différentes personnes autour du monde. Elle avait passé les derniers jours à chercher des informations sur Sassem et ses projets et à s’entraîner. Elle était passablement énervée, aucune info sur Sassem n’était sérieuse, et incroyablement frustrée, elle ne cessait de voir surgir le visage d’Alexia aux moments les plus incongrus. N’ayant rien d’autre à faire qu’attendre, elle prit la décision de s’occuper de sa libido.

Se dirigeant vers son armoire, She-wolf inspecta son contenu et dénicha ce qu’elle voulait. Un sarong d’un rouge profond qu’elle posa sur une chaise près d’un bac. Elle le remplit avec de l’eau chaude qu’elle avait mis à chauffer avant de commencer son marathon téléphonique. Elle alla ensuite à la porte, l’ouvrit, attrapa un seau qui se trouvait là et se dirigea vers le puits.

C’était un puits rudimentaire qu’elle avait conçu et creusé elle-même quelques années auparavant. En arrivant ici pour y installer un de ces points de replis, elle avait vite compris en regardant les habitants se laver et laver leurs vêtements dans la rivière que si elle voulait de l’eau propre elle devrait s’en procurer elle-même.

Elle plongea le seau, suspendu à un crochet, dans le puits et le remonta. Elle rentra dans la maison avec puis versa son contenu dans le bac. Elle renouvela l’opération jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite de la température de l’eau puis se déshabilla et s’immergea avec délice dans le bain. Elle y resta un long moment.

Lorsqu’elle en sortit enfin, elle était détendue comme un élastique. Elle se couvrit d’huile parfumée, s’habilla et se coiffa avec soin. Ses cheveux étaient torsadés et tirés sur sa tête comme des demi-tresses africaines. Le reste de sa chevelure pendait librement dans son dos. Elle mit une touche de noir autour de ses yeux et du rouge sur ses lèvres. Elle s’inspecta et se trouva, sans fausse modestie, à tomber.

Elle sortit de chez elle et se dirigea pieds nus vers son 4x4. Rares étaient les gens qui avaient ou mettaient des chaussures dans ce pays. Elle avait l’intention de se rendre à Nagpur pour trouver une boîte bi qui lui permettrait de relâcher toute la tension sexuelle qui l’habitait depuis quelques temps.

Elle sentait déjà son corps s’échauffer en prévision. Elle se lécha les lèvres et appuya sur l’accélérateur.

De son côté Alexia, pensait si souvent à She-wolf qu’elle en oubliait le monde autour d’elle. La première nuit, elle avait très peu dormi, trop de mauvais souvenirs, de peur et d’angoisse l’avaient tenu éveillée. La seule chose qui la calmait lorsque ces visions, déformées par la peur, de sa captivité se faisaient trop sentir était l’image de She-wolf. Au petit matin elle avait compris qu’elle ne l’oublierait pas de sitôt.

Cela faisait plusieurs jours qu’elle était revenue maintenant et si la peur et les mauvais souvenirs s’estompaient quelque peu, l’image de She-wolf, elle, hantait toujours ses rêves. Elle soupira revenant au temps présent et vit Linya s’assoir à sa table.

- Tu en es où ? s’enquit-elle.

- De quoi parles-tu ? demanda Alexia les sourcils froncés.

Linya soupira et se repoussa dans sa chaise. Elle secoua la tête et reprit la parole :

- Où est-on ?

- Au Waldorf, répondit-elle sans voir où son amie voulait en venir.

- Dans quel pays ?

- En Amérique… fit Alexia de plus en plus perplexe.

- Où était-on hier ?

- En Grèce.

- Pourquoi est-on ici aujourd’hui ?

- Ça t’ennuierait d’en venir au fait Linya ?

- Réponds à ma question.

- On prépare la soirée de bienfaisance en faveur de l’association Lyoko, répondit-elle agacée.

- Et qu’avais-tu à faire aujourd’hui ?

Alexia qui comprenait enfin le but de cet interrogatoire, eut un petit sourire embarrassé.

- Humm… je devais faire une première version de la liste des invités, désolée.

- Ce n’est pas grave, je sais ce que tu as traversé et combien le retour à la vie normale peut être dur. Fais voir où tu en es, je vais t’aider.

- Merci, tu es une vraie amie, fit-elle en lui prenant la main. Mais…

- Mmmm ?

- C’est…ce n’est pas…

Alexia soupira.

- Ce n’est pas facile à dire, je…

- Tu sais que tu peux tout me dire, hein ? demanda Linya avec tendresse.

- Je sais… répondit-elle avec un petit sourire.

Elle prit une grande inspiration et se lança.

- Ce n’est pas simple, parce que je ne suis même pas sûre de ce que je ressens. Ça n’a pas vraiment à voir avec ma détention, plus avec mon sauvetage. C’est la personne qui m’a ramenée. Je…je crois qu’elle m’attire. Je n’arrête pas de voir son visage, son sourire, d’entendre sa voix. Ça me perturbe.

- J’avais remarqué oui, fit Linya avec un petit rire. Vu les symptômes que tu me décris, j’adhère à ta théorie ma chérie, il t’attire, c’est sûr ! Il est plutôt beau gosse, alors je ne vois pas où est le problème…

- Euh… je…

- C’est vrai que c’est un mercenaire, mais il avait l’air sympathique, la coupa-elle.

Manifestement Linya pensait qu’elle avait craqué pour Enyalios. Avait-elle envie de la détromper ? C’était sa meilleure amie… Alexia lui attrapa la main et la serra légèrement pour attirer son attention.

- Tu n’as pas saisi, Linya. Je… ce n’est pas d’Enyalios dont je te parle.

- Qui alors ? Il n’y avait que lui et sa collègue…euh… Enyo je crois ?

Puis soudain elle écarquilla les yeux, comprenant.

- C’est elle ? souffla-t-elle.

Alexia hocha la tête. Linya digéra la nouvelle puis reprit.

- Ok, alors… elle t’attire. Où est le problème ?

- Euh… c’est…c’est une fille !

- Une femme.

- Hein ?

- Une femme pas une fille. C’est déjà une sacrée différence. Ensuite : et alors ?

- Je… je… c’est une mercenaire…

- Et ?

- Comment veux-tu que je la retrouve ? Elle a quitté la Grèce il y a plus d’une semaine !

- Tu as pensé aux détectives privés ? Il y en a à tous les coins de rue ! Tu vas bien en trouver un qui te convienne.

- Tu… tu penses que je devrais la retrouver ? Même si elle ne s’intéresse pas à moi ?

- Écoute manifestement elle t’a charmée, alors tu dois mettre les choses au clair, ne serait-ce que pour toi. Mais méfie-toi, c’est une mercenaire, tuer doit faire partie de son quotidien. Tu ne préfèrerais pas que je te présente des amies à moi plutôt ?

- Pour quoi faire ?

- Être sûre que tu es gay…

- Je ne suis pas gay !

- … Alexia, commença doucement Linya, ça n’a rien d’amoral… il ne s’agit que de plaisir ou d’amour. Ça n’a rien de pervers… c’est dans notre nature de rechercher l’un ou l’autre.

- Et pourquoi pas les deux ? plaisanta-elle mal à l’aise.

- C’est l’idéal. Mais comme tout ce qui l’est, c’est rare. Essaie au moins… tu sauras à quoi t’en tenir lorsque tu la reverras.

- Je… vais y réfléchir. Et si on passait à la liste maintenant ? Elle ne va pas se faire toute seule.

- Malheureusement. Alors à qui as-tu pensé ?

- J’ai mis Algorea, McIntyre, la famille Royale d’Egypte qui est de passage, les stars de cinéma du pays, celle qui donne le plus régulièrement aux associations, précisa-elle, et les Hiltoness.

- Eh ben tu n’es pas allée très loin ! Hum… j’ai entendu dire que Sassem serait dans le coin, fit-elle après quelques secondes de réflexions.

- Ça me dit quelque chose…

- C’est la cinquième fortune mondiale, chérie. Propriétaire de la première boîte de traitement et stockage informatique du monde, des établissements Endssorts, de la chaîne de restaurant Mogdorf, de…

- C’est bon, j’ai compris… c’est un bon pigeon !

- Tu as une façon de dire les choses ! C’est un donateur potentiel, oui…un gros.

Elles discutèrent ainsi des clients et de toutes ses choses qui leur fallait encore faire pour réussir la soirée, pendant plusieurs heures.

********************************

En Inde :

She-wolf était en plein cauchemar. Elle se débattait contre un des démons de son passé.

Elle avait à nouveau quatre ans. Elle était assise, avait mal à la tête et était couverte de sang.

Sa mère était allongée sur le ventre, ses yeux bleus étaient ouverts sur le néant. Sa bouche laissait s’écouler un mince filet de sang. Elle hurla devant son regard vide et tourna la tête vers son père pour trouver du réconfort. Mais celui-ci, un petit trou dans le front, fixait la lune. Elle hurla de plus belle ne sachant plus vers qui se tourner. Elle voulut se relever mais tout ce sang la rendait maladroite. Alors elle se mit à quatre pattes et avança ainsi le plus vite possible.

Une fois assez loin, elle se mit sur ses pieds et s’élança. Après quelques pas elle glissa sur une flaque de sang et s’écrasa contre un petit corps. Elle ferma les yeux en reconnaissant son odeur. Il était froid. Elle savait qu’il était mort et que si elle ouvrait les yeux, elle verrait les siens fermés pour toujours. Elle se mit à sangloter et serra ses petits poings de rage. Elle ne voulait pas ouvrir les yeux, elle ne voulait pas le voir mort ! Pourquoi lui ?! Il était si petit ! Il ne faisait de mal à personne !

Elle se redressa tant bien que mal gardant les yeux clos. Elle avait envie de se lever et de partir aussi vite et aussi loin qu’elle le pourrait sans jamais ouvrir les yeux. Car tant qu’ils resteraient ainsi, Ximenon resterait en vie. Mais elle ne pouvait pas lui faire ça… il méritait mieux. Alors elle ouvrit les yeux, lentement, comme pour se laisser le temps de s’habituer. Et son regard tomba sur son petit corps.

Il avait l’air endormi… il avait même ce petit air chiffonné qu’il prenait lorsqu’on le réveillait et qu’il voulait encore se reposer. Il était étendu sur le dos. C’était étrange… le sang s’écoulait sous lui et formait une flaque sur le sol. Une empreinte de pied, la sienne, avait souillé la surface nette du liquide. Elle revint au visage de son frère et porta la main à sa joue. Elle y laissa une traînée de sang. Fixant celle-ci, elle y porta son autre main pour l’effacer mais ne réussit qu’à l’étaler. Les larmes commencèrent à couler malgré elle et elle se dit que ce n’était pas grave, le rouge était la couleur préférée de Ximenon, alors cela ne le dérangerait pas… Mais ses yeux ne voulaient rien entendre et continuaient de laisser s’échapper les larmes. De longs et déchirants sanglots la secouèrent bientôt et elle s’effondra sur le corps sans vie de son petit frère. Elle ne pouvait plus nier la réalité : Ximenon était mort.

Un long moment s’écoula ainsi, puis une ombre la surplomba et deux bras forts l’encerclèrent. Elle fut soulevée du sol et entendit :

- Ne pleure pas  petite. Une nouvelle vie t’attend.

Avec un sentiment de panique incontrôlable, elle comprit que cet homme qui l’emmenait loin de son frère ne lui voulait pas du bien. Il l’emporta au loin et figée par la peur, le chagrin et l’impuissance, elle le laissa faire.

Et sa vie devint un enfer.

She-wolf se réveilla en sursaut, la sueur et les larmes coulant sur son visage. Elle lâcha un gémissement et se recroquevilla. Elle laissa la réalité la tirer de ce rêve qui n’en était pas un et revint lentement dans le monde réel. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas rêvé un souvenir.

Ximenon… Pourquoi était-ce aussi douloureux ? Il n’avait que 2 ans et demi. C’était trop court pour s’attacher autant à un être. Et pourtant… chaque jour qui passait, elle pensait à lui… à ce qu'il aurait dû être. Pourquoi l’avaient-ils gardée en vie ? Pourquoi ne pas la tuer comme le reste de sa famille ?

She-wolf se leva et alla se servir un verre d’eau. Peut-être n’aurait-elle pas dû satisfaire sa libido. Depuis qu’elle l’avait fait, les cauchemars étaient de retour. Chaque jour un peu plus fort, plus effrayant. Elle préférait, et de loin, rêver des beaux yeux verts d’une presque inconnue.

Elle soupira puis baissa la tête. Se perdre dans la luxure n’était pas la solution, elle le savait. Elle devait faire face. Mais c’était si dur… She-wolf se mordit la lèvre puis s’installa devant la fenêtre.

Peut-être que jouer avec ses parents la calmerait. Elle sortit de la maison et alla s’allonger dans l’herbe un peu plus loin. Elle passa quelques minutes à contempler les étoiles. Lorsqu’elle sentit les battements de son cœur retrouver un rythme normal, elle commença à jouer.

Alors qu’elle allait s’endormir dans l’herbe, elle entendit une sonnerie. Elle provenait de la maison. Son téléphone ! Sûrement des nouvelles de Sassem. Elle bondit sur ses pieds et se rua à l’intérieur de la maison. Elle décrocha, pas le moins du monde essoufflée.

- J’écoute.

- C’est Karl.

Son interlocuteur fut bref. Il savait où se trouverait Sassem dans deux jours. Elle l’écouta lui donner l’adresse, la date et la raison de sa présence, hocha la tête et le remercia excitée à l’idée d’être aussi proche de lui mettre la main dessus. Elle allait raccrocher lorsqu’il reprit la parole.

- Ils vont bien.

Comme à son habitude elle ne répondit rien.

- Appelle-moi si tu as besoin d’aide, reprit-il presque aussitôt.

Et sans attendre, raccrocha. Elle referma le clapet du téléphone et murmura, les yeux dans le vague comme à chaque fois qu’il les évoquait :

- Merci…

Elle finit par se reprendre et redevenant l’impassible mercenaire qu’elle était, se mit à réfléchir au moyen d’approcher Sassem sans se faire repérer.

Chapitre 6 :

La soirée battait son plein. Alexia était satisfaite d’avoir réussit à organiser une fête aussi réussie malgré sa distraction. Elle était plus douée qu’elle ne le pensait. Un verre de champagne à la main, elle passait parmi les convives, soit pour leur demander si tout était à leur goût, soit pour lancer une discussion sur le thème de la solidarité. Elle chauffait la salle, comme disait Linya. Elle repéra celle-ci un peu plus loin, scotchée à un prince, dont elle semblait ne plus vouloir se décoller et hésita à aller la déranger.

Elle prit une petite inspiration pour se donner du courage et se décida. Au moment où elle arrivait à leur hauteur, la femme du prince apparut et entraîna son époux au loin, non sans avoir jeté un regard noir à Linya.

- Je ne crois pas qu’ils répondront à notre prochaine invitation, fit Alexia en les regardant partir.

Puis se tournant vers son amie.

- Si tu tiens vraiment à ce que ton association dure encore de longues années, je te conseille de vérifier la main de ton prochain soupirant.

- Il n’avait pas d’alliance… comment j’aurais pu deviner ? se plaignit Linya.

- Linya, tu n’es pas une invitée. Tu es l’organisatrice, tu sais qui sont tes invités. Et ne me dis pas qu’ils sont nombreux, tu as une mémoire d’éléphant.

- Ok. Il était juste... si mignon, fit-elle avec un petit air triste. Mais bien sûr tu as raison…

- Bon, et bien je sais ce qu’il me reste à faire.

- C'est-à-dire ?

- Te trouver un petit ami. Tu as l’air d’en avoir besoin.

Linya prit un air outrée, et les mains sur les hanches, voulut répliquer, mais fut prise de vitesse.

- Mais pas ce soir. On a d’autres choses à faire, finit Alexia dans un sourire parfaitement innocent.

Linya secoua la tête et renonça à jouer les outragées.

- Ton détective à des nouvelles ?

- C’est un peu tôt non ? Elle pourrait être dans n’importe quel pays du monde.

- Je ne comprends pas pourquoi tu t’obstines à vouloir la trouver. Elle n’est de toute évidence pas faite pour toi, vous êtes si différente. Pourquoi ne pas chercher une autre fille ? Une fille désirable ce n’est pas si difficile à dégoter.

- Linya… soupira-elle. Ce n’est pas juste une femme que je désire, c’est…

Alexia s’interrompit, ne trouvant pas ses mots.

- Ne me dis pas que tu es amoureuse ? demanda Linya incrédule.

- Mais non ! s’exclama son amie un brin irritée. C’est un peu trop court deux jours, même pour moi ! C’est juste… je ne sais pas… elle est différente et … j’ai l’impression qu’elle a besoin de moi…

- De toi ? Là il faut que tu m’expliques.

- Je ne sais pas quoi te dire. C’est quelque chose que je ressens.

- Tu l’as ressenti là-bas ?

- En fait non, c’est même le contraire. J’avais un peu l’impression d’être un boulet pour elle.

- Si tu veux mon avis, tu te fais des idées. Tu veux qu’elle ait besoin de toi parce que tu veux être avec elle.

- Je sais… mais j’ai appris des choses, tu sais.

- De quoi tu parles ?

- Pour ne plus être un boulet.

- Attends, tu comptes la suivre ?! s’écria Linya.

- Eh bien, si j’arrive à la convaincre…

- Tu viens de me dire que tu n’étais pas amoureuse ! On ne suit pas quelqu’un juste parce qu’il nous attire !

- Pourquoi pas ? Qu’est-ce qui me retiens ici ?

- Tu joues les gamines gâtées là ! s’exclama Linya au comble de l’exaspération.

Elle détestait quand son amie était ainsi.

- Tu t’ennuies ok, mais que ta nouvelle lubie soit de suivre une tueuse, tu m’excuseras, mais tu peux trouver autre chose !

- Arrête de dire que c’est une tueuse !

- Et pourquoi ça ? Ce n’est pas ce qu’elle fait ?

Alexia ne trouva rien à répliquer et fulmina sur place. Linya s’en aperçut et posa sa main sur son bras dans un geste d’apaisement.

- Excuse-moi. Je m’inquiète pour toi, tu sais... Et tu m’énerves aussi, avoua-elle. Quand tu t’ennuies tu fais n’importe quoi. D’habitude je laisse courir, mais là… Ça peut-être dangereux Alexia… Et tu ne sais rien d’elle. Si encore tu l’aimais, mais c’est juste physique ! Alors trouve-toi une autre fille !

- Je te remercie de t’inquiéter mais ce n’est pas n’importe qui. C’est la première.

- La première quoi ?

- La première fille qui me fait ressentir ça… et même avec les hommes ça n’a jamais été aussi fort ! Comprend-moi, j’ai besoin d’aller jusqu’au bout ! Ce n’est pas une lubie, pas cette fois…

Linya la dévisagea à la recherche d’une hésitation, d’un doute, d’un défi. Mais elle ne décela que la sincérité et l’envie de savoir. Elle soupira et haussa les épaules.

- Ok. Je te crois, fit-elle résignée. Et en bonne… non excellente amie que je suis, je te soutiendrai.

Un sourire franc éclaira le visage d’Alexia et elle étreignit son amie avec force.

- Merci.

***********************************

She-wolf était habillée en rouge car elle savait que c’était une couleur qui la sublimait. Sa robe à bretelle fine la moulait comme une seconde peau. Le bas était fendu des deux côtés, du haut de la cuisse jusqu’au pied. Ses bras et ses épaules dénudés attiraient tout autant le regard que le reste de sa personne. Ses cheveux étaient ondulés et attachés en demi-queue. Quelques mèches étaient artistiquement placées autour de son visage.

Elle s’était mêlée à la foule quelques minutes plus tôt, trompant la vigilance des nombreux vigiles présents. Elle observait les invités qui déambulaient sûrs de leur pouvoir et de leur place dans le monde. Elle repéra quelques visages familiers et en reconnut certains comme étant d’anciens clients ou pigeons.

Elle allait devoir faire attention si elle ne voulait pas d’ennuis. Cela dit exceptés Enyalios et quelques uns de ces clients, personne ne connaissait son vrai visage. Ah et cette Alexia. Quelle idée de s’être lavé le visage ! Même Enyalios avait attendu d’être arrivé et invité à dîner pour le faire.

Elle avait manqué de vigilance sur ce coup là.

Elle finit par repérer Sassem et sourit d’un air carnassier. La proie était dans sa ligne de mire. Elle attrapa une coupe de champagne et le suivit. Il s’arrêta pour discuter un long moment avec différents membres de la famille Royale d’Egypte. « Intéressant... »

Elle voulut s’approcher pour entendre ce qu’ils se disaient, mais fut interceptée par un homme aussi grand qu’elle, qui voulait manifestement la courtiser. Elle essaya d’abréger sans paraître discourtoise  mais loin de le décourager, son attitude semblait le ravir. Elle se demanda ce qu’elle risquait à le prendre par le collet pour le balancer contre le mur le plus proche. Il prendrait probablement ça comme une avance.

Elle y renonça donc en soupirant d’impatience et à bout lui lança son regard de tueuse. Plissant les yeux à demi, elle laissa apparaître un bref instant le loup sauvage qui vivait en elle. L’inconnu écarquilla les yeux et recula d’un pas, puis secouant la tête incrédule il eut un sourire joyeux. Ce fut son tour d’être surprise. «  Dieux, ce type était débile ?! Il croyait qu’elle jouait ?! ».

*****************************

En se glissant parmi les convives, Alexia tomba en arrêt devant une apparition. Une grande femme brune, gainée dans une robe rouge sombre, les cheveux artistiquement coiffés, semblait en grande conversation avec Lord Aldright. Non… ce n’était pas une hallucination… elle était bien là. Sa sauveuse… Elle était si sublime, qu’Alexia sentit sa bouche s’assécher et ses jambes trembler. Elle déglutit péniblement et laissa sa joie de la revoir remplacer sa nervosité.

Un grand sourire sur le visage, elle avança dans leur direction. Un peu avant de parvenir à leur hauteur, elle se rendit compte que She-wolf ne paraissait pas du tout s’amuser. Au contraire, elle avait l’air d’être sur le point de se jeter sur l’individu qui lui faisait face pour le rouer de coups.

Loin de lui déplaire, cette perspective semblait même réjouir Lord Aldright. Elle s’approcha furtivement de lui et lui touchant délicatement le bras attira son attention. Elle lui murmura quelques mots à l’oreille et hochant la tête avec enthousiasme il s’en alla en direction du buffet à grandes enjambées.

- Que lui avez-vous dit ?

Si elle semblait surprise de la voir, She-wolf n’en laissa rien paraître. Elle était aussi impassible que dans son souvenir.

- Que Linya le réclamait. Il rêve d’une ouverture avec elle depuis des années.

- Elle ne va pas vous en vouloir ?

- Sûrement. Mais c’était pour une bonne cause.

She-wolf haussa les sourcils.

- Vous n’alliez pas tarder à le jeter contre un mur. Et dans un gala de bienfaisance, ça aurait jeté un froid, fit-elle avec un petit rire.

She-wolf savait qu’il lui fallait se rendre vers Sassem, mais elle était incapable de détacher son regard de la jeune fille. Dès l’instant où celle-ci était apparue comme par magie pour la tirer d’affaire, elle avait été subjuguée. Vêtue d’une robe de soie verte qui faisait ressortir la couleur de ses yeux, Alexia était à croquer et She-wolf avait beaucoup de mal à ne pas se jeter sur elle.

Il fallait pourtant qu’elle se reprenne, mais dieux… que son sourire était attirant. Il lui semblait éloigner les ténèbres qui l’enveloppaient. Et cela faisait si longtemps qu’elle ne s’était plus baignée dans les rayons du soleil qu’elle ne se résolvait pas à s’écarter de la douce jeune femme.

Aucune parole n’était échangée depuis quelques minutes, mais ni Alexia, ni She-wolf ne semblèrent le remarquer. Les yeux verts se noyaient avec volupté dans les magnifiques yeux bleus de la femme en face d'elle. Alexia comprit soudain que quoi qu’il lui en coûte, elle ne voudrait plus jamais les quitter. Et même si She-wolf ne voulait pas d’elle comme amante, peut-être pourrait-elle devenir son amie ? Elle ferait l’impossible pour rester près de cette femme si charismatique. « C’est à ça que ressemble le coup de foudre alors ? »

Soudain, She-wolf rompit le contact et se tourna vers l’homme qui l’avait bousculé avec un regard qui aurait pu tuer sur place. L’imbécile recula précipitamment bousculant d’autres personnes et renversant même un pauvre serveur avec son plateau. Le fracas soudain qui retentit attira le regard de Sassem.

She-wolf détourna les yeux du massacre au moment même ou Sassem levait les yeux dans sa direction. Leurs regards se croisèrent. Sassem écarquilla les yeux, mais ce fut là la seule manifestation de surprise qu’il montra. Il ne quittait pas des yeux les eaux glaciales qui le fixaient et le cœur battant à tout rompre, leva sa coupe de champagne en toast muet à son égard, un petit sourire arrogant au coin des lèvres. Puis il se détourna d’elle et reprit sa conversation.

Frustrée de s’être faite repérée si facilement et bouillonnant devant tant de nonchalance et d’indifférence, She-wolf serra les poings de rage et quitta Alexia sans lui dire un mot. Celle-ci la regarda partir brusquement sans comprendre ce qui lui prenait.

She-wolf se frayait un passage en direction de Sassem. Elle ne réfléchissait plus, elle voulait juste lui faire mal. Un garde du corps murmura quelques mots à l’oreille de celui-ci et l’emmena en direction de la sortie. Deux autres se mirent dans son passage pour l’empêcher de le rejoindre.

She-Wolf s’arrêta et leva les yeux sur eux. Dès l’instant où elle quitta Sassem des yeux, elle reprit un peu de son sang froid. Ils ressemblaient à des armoires à glace. Ils étaient aussi larges que longs et si elle pouvait se débarrasser d’eux assez facilement, le faire entouré d’autant de monde et de gardes du corps était dangereux. Elle tourna donc les talons en direction de la terrasse. Ils étaient au premier étage, elle pourrait donc sauter de là sans risquer la fracture. Une fois sur celle-ci, elle ôta ses chaussures qu’elle laissa au sol et enjambant la rambarde, elle sauta.

Alexia qui l’avait suivie, la regarda faire sans y croire. Lorsqu’elle disparut dans le vide, elle se précipita contre la rambarde et vit She-wolf disparaître derrières les arbres qui entouraient la propriété. « Ah non, pas cette fois She-wolf ! Je ne te laisserai pas partir sans rien tenter ! »

 

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