UTOPIA3


UTOPIA

 

 

 

par Athena

 

SAISON 1 - EPISODE 3 : Les Vendeurs de Rêves

 

 

 

E-mail : athena.dialogue@caramail.com

 

Date de création : Juillet 2002

 

Nombre de pages : 33

 

 

RATING - (R) : "Mystica, la montagne des Vendeurs de Rêves… On raconte qu’un groupe de protagonistes fanatiques vit dans les milliers de grottes que recèle cette montagne."

 

 

P.S : R = Romance

 

 

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Avertissements : Les personnages de cette histoire, s’ils font référence de par leurs ressemblances aux personnages de XWP m’appartiennent exclusivement. Seuls quelques lieux, faits, gestes et paroles ont été empruntés pour les besoins de la cause. Cette histoire a été écrite sans intention de violation du copyright. Tous les personnages, l'idée de l'histoire et l'histoire elle-même sont la propriété unique de l'auteur. Cette histoire ne peut être vendue ou utilisée de quelque façon que ce soit. Des copies de cette histoire peuvent être tirées pour l'usage privé seulement et doivent inclure toutes les notices d'avertissements et de copyright.

 

Violence et écart de langage : Les deux, vous êtes avertis.

 

Subtext : Beaucoup, mais subtext n’est pas tout à fait exact, ici il est plutôt approprié de dire maintext. De plus, mon histoire dépeint les pensées et les sentiments intimes de deux adultes de même sexe, rien de trop explicite cependant. Alors si vous êtes intolérant face à ce genre de comportement je vous suggère de quitter tout de suite la piste de danse.

 

Prologue : Cette histoire se veut la troisième d’une série, alors il serait préférable de lire “ Retour dans la Ville du Péché ”, et “ Bolides de Guerre ” d’abord. Bref, je vous souhaite donc une bonne lecture.

 

Remerciements : Bien sûre Tante Lala ma super bêta lectrice adorée !

 

J'espère que vous aimerez. N'hésitez pas à envoyer vos commentaires à : athena.dialogue@caramail.com

 

Athena

 

xxx

 

 

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Chapitre 1

 

 

 

 

Trois semaines s'étaient maintenant écoulées pendant lesquelles nous avions appris à mieux nous connaître. Je pouvais maintenant dire que je connaissais, du moins, chaque parcelle de son merveilleux corps. Trois cents soixante deux ! Elle avait trois cents soixante deux grains de beautés qui ornaient sa peau hâlée. Et quelques petites cicatrices dont une au-dessus du sein droit, une à la cuisse gauche, juste au-dessus de sa botte qui était presque invisible, une à la base du cuir chevelu, et bien sûr cette nouvelle cicatrice qu'elle arborait au flanc et qui ressortait juste au-dessus de son rein droit. Cette dernière était maintenant presque résorbée, et elle ne laisserait que bien peu de dégât.

 

 

 

 

Comme elle me l'avait avoué, elle avait une capacité de guérison hors du commun qui me laissait tout à fait soulagée mais aussi totalement confondue. Si c'était réellement un héritage de cet ancêtre dont elle m'avait parlé à quelques reprises, alors elle était bénie des Dieux. Peut-être était-elle réellement une déesse en fin de compte…

 

 

 

 

Si pendant le jour nous parcourions kilomètre après kilomètre, pendant nos nuits à la belle étoile nous parcourions autant de chemin sur une toute autre route. Maintenant que j'avais monté une tigresse, Gora ne me semblait plus qu'une douce monture sur laquelle je m'endormais souvent de jour, bercée par la cadence du rythme de ses pas. Bref, c'était le bonheur parfait ! Nous avions bien croisé quelques petits villages où nous ne nous étions arrêtées que pour refaire le plein de provisions, mais nous préférions établir notre campement loin des regards vertueux et des chastes oreilles pour une raison plus qu’évidente.

 

 

 

 

Tranquillement une gentille petite routine s'était installée entre nous lorsque nous montions le camp. Zina s'occupait du feu ainsi que de chasser ou pêcher notre souper, tandis que je préparais notre couche. Je m'étais également proclamée moi-même cuisinière en chef car j'avais découvert que mon amie ne valait pas un clou côté culinaire. En fait, c'est à peine si elle arrivait elle-même à avaler ses propres mixtures, même s’il était hors de question qu'elle l'admette, et même s’il était aussi hors de question que je lui avoue. J'avais usé de bien des ruses pour qu'elle me laisse finalement concocter nos repas, pas question que je la mette au défi en lui disant que sa cuisine était infecte. Par contre pour la cuisson de la viande braisée, elle était douée. Mieux que moi en tout cas. Sûrement l'expérience.

 

 

 

 

Le soir bien souvent pendant que nous terminions notre bouteille de vin ou encore une tisane aux herbes, j'écrivais pendant environ une heure durant laquelle elle affûtait tout ce qui lui tombait sous la main. Ensuite nous allions nous baigner et quand la lune se levait et voguait enfin sur une brise nocturne odorante en baignant le paysage de sa lumière argentée, nous rejoignions notre couche.

 

 

 

 

Et là, entre nos couvertures, je ressentais sa magie silencieuse imprégner tout mon être pendant que la chaleur du feu m'envoûtait et m'ensorcelait à chaque flamme, mais moins encore que ses yeux aux reflets noirs de son âme. Comme tous les jours, la nuit n'était pas brève et nos corps faisaient connaissance dans une langue ancestrale, pendant que le temps s'arrêtait pour l'éternité d’une nuit. Elle me dévorait et je succombais aux griffes et aux crocs cruels de la louve qu'elle était. Sur les fourrures de bêtes féroces qui nous servaient de couche je lui offrais mes délices. Et quand le feu s'éteignait enfin et que le jour se levait majestueux c'était la fin de nos ébats, et nous nous endormions enfin pour quelques heures de sommeil.

 

 

 

 

À chaque jour qui passait, mon amour pour elle ne cessait de grandir. Elle me comblait comme la rivière comble son lit, et ma vie sans elle était impossible à concevoir. De son côté, surtout parce qu’elle était insatiable, je devinais qu'il en allait de même.

 

 

 

 

J'étais à me sécher un bon matin après m'être baignée, lorsque je la vis lever son regard vers le ciel et plisser les yeux. Je m'arrêtais un instant pour la regarder. Que cherchait-elle dans ce magnifique ciel d'un bleu aussi limpide que ses yeux ? Il était indéniable que plus nous avancions vers l'Ouest que plus le climat devenait humide et tropical, mais quand elle m'affirma que demain il allait pleuvoir, je retins un fou rire et levais les yeux au ciel à mon tour. Pas un seul nuage en vue, de plus, comment pouvait-elle prédire la météo de demain ? Sans compter sur mon petit doigt gauche qui avait été fracturé quand j'étais jeune. Celui-ci ne me trompait jamais, quand le temps était à la pluie il se mettait à élancer des jours auparavant, et ce n'était pas le cas en ce moment. Elle devait se tromper. "Tu es aussi météorologue ?" Dis-je d'un ton narquois pour l'appâter.

 

 

 

 

"Tu veux parier ?" Me demanda-t-elle en tombant directement dans le panneau. Elle arqua un sourcil en me regardant pour me mettre au défi, et je souris mentalement.

 

 

 

 

"La perdante sera de corvée de vaisselle pendant le prochain mois." Lui répondis-je aussitôt.

 

 

 

 

C'était un pari gagné d'avance, et j'allais adorer la voir accomplir cette tâche qu'elle détestait autant que moi ! Je soupirais en exultant de bonheur. S'il pleuvait demain, mon nom n'était pas Larielle. Elle semblait vraiment satisfaite d'elle, ce qui me fit un peu rigoler. Elle allait essuyer une cuisante défaite, et la vaisselle !!! Elle ne pouvait pas toujours avoir raison…

 

 

 

 

Nous démontâmes le campement, et nous mîmes en route.

 

 

 

 

"Ce soir, nous dormirons dans une grotte." Me déclara-t-elle quelques heures plus tard, sans se retourner.

 

 

 

 

Je refoulais un autre fou rire, car le terrain était aussi plat que mes pieds ! Mais mon hilarité prit abruptement fin quand nous arrivâmes au sortir de la forêt juste au bout d'un chemin qui descendait en serpentant et que j'aperçus une énorme montagne qui se découpait tel le dos d’un ours titanesque dans l’horizon.

 

 

 

 

"Mystica, la montagne des Vendeurs de Rêves…" Dit-elle en mettant sa main en visière devant ses yeux. Je l’imitais bien malgré moi avant de me retourner vers elle. Elle anticipa mes interrogations et enchaîna. "On raconte qu’un groupe de protagonistes fanatiques vit dans les milliers de grottes que recèle cette montagne. Pour ma part, la dernière fois que j’ai emprunté les sentiers qui sillonnent ses vallées, je n’y ai pas rencontré âmes qui vivent à part, bien sûr, les quelques voleurs de grands chemins qui guettent le voyageur imprudent."

 

 

 

 

"Des voleurs de grands chemins ? Et on va se risquer là-dedans ?" Dis-je d’une voix un peu plus aiguë qu’à l’habitude en pointant mon index vers la montagne. Elle arqua un sourcil ce qui voulait en dire long. Évidemment, elle était Zina, et Zina ne craignait rien ni personne ! Je plissais les yeux. "N’y a-t-il pas un détour moins dangereux ?" Tentais-je, me sentant d’attaque pour une bonne partie de 'qui perd gagne'. Elle prit ce petit air angélique tout à fait pastiche.

 

 

 

 

"Si, mais il nous faudrait passer par des marécages remplis, de serpents venimeux, de vipères aux longues dents, de boas constricteurs et de trucs rampants dont je ne saurais même pas épeler le nom." Me confessa-t-elle d’un air goguenard en affichant ce petit sourire retors qui me donnait envie de lui tirer les oreilles. "De plus, cela nous ferait perdre plusieurs jours, mais si tu y tiens..." Rajouta-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine d’un air de défi.

 

 

 

 

Je lui rendis un faux regard noir. Elle savait que j’avais une sainte horreur des serpents. Comment savoir si elle disait vrai ? Avais-je envie de vérifier la véracité de ses dires ? Non, absolument pas… De toute façon, ces derniers jours, je trouvais qu’elle était un peu brouillon, et suspectait par la même occasion qu’une bonne bataille lui serait tout à fait profitable. Ce qui me fit penser qu’il était grand temps qu’elle m’apprenne à me défendre, et je me mis par dépit à fixer le pommeau de son épée qui dépassait de ses épaules. Bien entendu, elle suivit mon regard.

 

 

 

 

"Quoi ?" Lâcha-t-elle en plissant les yeux.

 

 

 

 

Je pouvais peut-être négocier quelque chose. "D’accord, alors si nous sommes pour combattre des voleurs, cela serait peut-être utile que tu me montres à manier l’épée." Lui dis-je en croisant les bras sur ma poitrine à mon tour.

 

 

 

 

"Pas question !" Grogna-t-elle en tournant les talons et en avançant le long de la route. Impossible de discuter quand elle était comme ça. Je lui emboîtais donc le pas. Sa mère avait raison elle était tout à fait bornée quand elle s’y mettait, mais je n’étais pas le genre de personne à me décourager facilement.

 

 

 

 

Vers le milieu de l’après-midi, nous étions presque arrivées au pied du mont Mystica, et nous nous arrêtâmes pour manger. Le soleil brillait toujours de milles feux, et je la regardais en souriant après avoir scruté le ciel.

 

 

 

 

Elle soupira.

 

 

 

 

"Il pleuvra." Lança-t-elle d’un air sagace.

 

 

 

 

Je levais les mains en guise de capitulation. "Oui, oui, bien sûr qu’il pleuvra… " Rétorquais-je aussitôt pour montrer le risible de la chose. Apparemment, sa bonne humeur n’était pas revenue, et elle s’enfonça dans les bois en me disant qu’elle allait chercher quelques champignons comestibles et de m’occuper de faire du feu. J’avisais ses armes qu’elle avait laissées derrière, pendant qu’elle disparaissait dans les broussailles.

 

 

 

 

Me dirigeant vers sa grande épée, je posais la main sur la garde de cette dernière. Évidemment, Gora me fit savoir que j’allais avoir de gros problèmes en s’ébrouant un peu, mais cela ne m’arrêta pas. Je retirais l’épée de son fourreau, et la pointe descendis pesamment vers le sol. "Par les Dieux, ce truc est lourd !" Marmonnais-je surprise par le poids de l’arme.

 

 

 

 

Comment faisait-elle pour manier cette chose ? Ah ! J’oubliais, elle était Zina. Je la soulevais à nouveau, en me servant de mes deux mains cette fois. C’était beaucoup mieux. Me retournant, je cherchais ma première victime, un gros chêne feuillu vers lequel j’avançais en prenant un air renfrogné. "Hé ! Le chêne ! Crois-tu être assez arbre pour résister à ma fervente épée ? Tu as peur hein ?! Vous êtes tous pareils, des dégonflés ! J’en ai rencontré et vaincu des milliers dans ton genre ! Allez, viens te battre ! Ou, veux-tu que je fasse le premier pas ? Le premier faux pas ? Ah ! C’est ça ! Laisse-moi te dire que tu viens juste de faire ta première erreur, en attendant que je fasse ma première erreur, parce que je ne fais jamais d’erreurs. (Thwap!) J’enfonçais l’épée de Zina dans le tronc du pauvre chêne. "Ah ! Voilà ! Que ça te serve de leçon !"

 

 

 

 

Le problème est que je n’arrivais plus à déloger la longue lame de l’arbre dans laquelle elle était solidement enfoncée, et comme de raison, j’entendis des pas derrière moi. Je n’avais pas besoin de me retourner, je savais que c’était elle. Elle avait cette habitude d’arriver au plus mauvais moment. Je fis semblant de ne pas avoir entendu comme si cela pouvait m’éviter qu’elle me tombe dessus. Je mis un pied sur l’arbre pour m’aider à tirer sur cette maudite épée qui ne voulait plus lâcher. Ça m’apprendrait à menacer une chose qui faisait presque cent fois ma taille. Mon gros chêne se vengeait j’en étais certaine !

 

 

 

 

Elle vint immédiatement se poster à mes côtés pour me repousser un peu avant de tirer son épée de sa mauvaise posture. Une seule main ! Elle n’avait utilisé qu’une seule main ! "Qu’est-ce que tu fais avec mon épée !" Gronda-t-elle en me lançant un regard contrarié.

 

 

 

 

"C’est pas toi qui m’as si gentiment demandé de faire du feu ?" Lui dis-je en soupirant vertement. "Comme tu vois, je coupe du bois !"

 

 

 

 

"Avec mon épée ?" Elle regarda l’immense chêne en inclinant la tête vers l’arrière pour en voir la cime. "Ce n’est pas un jouet, Larielle." Me tança-t-elle en reposant les yeux sur moi. C’était clair qu’elle n’allait pas avaler cette couleuvre. "Ne confonds pas te défendre et user d'une arme." Elle se rapprocha de moi en regardant son épée puis en plantant à nouveau ses prunelles dans les miennes. "À la minute où tu tires une épée, tu dois être prête à tuer." Elle me fixa encore un moment avec intensité puis se détourna de moi. Je la suivis vers Gora pendant qu'elle remettait son épée au fourreau et qu'elle cherchait une poêle pour faire frire les énormes pleurotes qu'elle avait cueillis. "Le problème est que les gens sont trop prompts à dégainer leur épée."

 

 

 

 

"Je ne veux pas apprendre à tuer, je veux apprendre à survivre." Lui répondis-je aussitôt puisque c'était là ma réelle ambition.

 

 

 

 

Elle me regarda un instant et je lui offris un de ces superbes sourires auxquelles elle ne pouvait résister.

 

 

 

 

"D'accord…" Me dit-elle d'un ton protocolaire. "Voici mes règles de survie : premièrement, si tu peux courir… cours. Deuxièmement, si tu ne peux pas courir… rends-toi et ensuite cours…. Troisièmement, s'ils sont trop nombreux, laisse-les se battre entre eux pendant que toi tu cours. Quatrièmement…"

 

 

 

 

"Attends, laisse-moi deviner, encore un peu de course ?"

 

 

 

 

"Non, quatrièmement, c'est le moment d’utiliser ta meilleure arme, c’est à dire tes mots et je sais que tu peux très bien faire ça." Déclara-t-elle de but en blanc en me lançant un regard tout à fait honnête. Je devais avouer qu'elle n'était pas tout à fait à côté de la plaque avec ses judicieux conseils, puis elle enchaîna. "C'est la sagesse et l'intelligence avant les armes, Larielle. Du moment que tu prends une arme, tu deviens une cible. Et au moment où tu tues quelqu'un…" Elle s'arrêta de parler et je vis cette ombre noire que j'avais aperçue à plusieurs reprises déjà passer dans ses yeux. Cette lueur qui semblait être aussi douloureuse qu'une profonde entaille.

 

 

 

 

"Et au moment où tu tues quelqu'un quoi ?" Répétais-je pour l'encourager à livrer le fond de sa pensée.

 

 

 

 

"Tout change… Vraiment tout..." Termina-t-elle de façon énigmatique. J'étais pour la faire parler davantage mais nous fûmes malencontreusement interrompues par une bande de brigands qui passait par-là.. Je la vis retirer le long poignard de chasse, que je connaissais pour l'avoir déjà vu, de sa botte et le lancer dans le sol où il alla se planter en vibrant.

 

 

 

 

Elle s'avança et me fit signe de rester sagement derrière. Une petit groupe d'environ dix hommes montaient le chemin. À leur tête un homme portant un turban d'un rose crotté et délavé sourit avec avidité quand il nous entrevit. Ils arrivèrent bientôt devant Zina qui s'était interposée entre eux et moi directement sur le sentier. Évidemment, elle se tenait aussi droite qu'un pilier de béton infranchissable. Je me demandais si elle faisait exprès pour attirer les ennuis. Peut-être n'était-ce que des voyageurs comme nous ?

 

 

 

 

Avec cette attitude, elle aurait provoqué n'importe qui, mais je ne lui en glissais mot et la laissais faire, puisque cela n'aurait fait qu'envenimer les choses. Je me dis qu'à la première occasion j'allais lui prouver que je n'étais pas un poids mort, puisque c'est, je crois, ce qu'elle pensait de moi quand arrivait le temps de se battre.

 

 

 

 

Je voulais être son associée, sa complice, son amie, et pas seulement une compagne de voyage qui raconte de bonnes histoires, qui fait bien la cuisine, et ça, s'était sans compter sur tout le reste. Lui prouver aussi que je n'étais pas seulement qu'une petite sotte. Je voulais devenir comme elle. Je voulais être elle. J'allais lui prouver qu'elle avait tort de me traiter comme un fragile bibelot de porcelaine.

 

 

 

 

Son bibelot. Corrigeais-je mentalement.

 

 

 

 

J'avais laissé échappé la première partie de leur conversation, mais je compris sur-le-champ que ça allait dégénérer quand j'entendis les deux répliques suivantes.

 

 

 

 

"Oh ! Nous sommes seulement de pauvres hommes qui tentent de survivre dans ce monde de fou. Alors de temps à autres, nous demandons certaines petites choses aux voyageurs. Comme, ton cheval, ton argent, tes bijoux, et je crois que je vais aussi prendre cette jolie épée que tu tiens. Donc, si on met tout ça dans la balance, je pense que la reddition serait un bon début."

 

 

 

 

"J'accepte." Elle marqua une pause. "Larielle, prends leurs armes." Termina-t-elle en souriant à belles dents. Elle venait de faire tournoyer son épée, ce qui signifiait qu’elle allait passer du mode attente au mode attaque.

 

 

 

 

Chapitre 2

 

 

 

 

Trois semaines, trois semaines de complète idylle. J'étais sur une autre planète, et vivais un vrai conte de fée. Si jamais un moinillon passait sur notre chemin, je le rançonnais l'instant d'une cérémonie pour qu'il unisse nos vies à tout jamais. J'avais laissé dix ans - de pure haine et de combat acharné à vaincre des ennemis qui m'avaient apporté bien moins de joie et de puissance que je n’en ressentais quand j'étais avec elle - m'aveugler et obscurcir ma vie. Et, quand je dis puissance, ce n'est pas au sens propre, mais au sens figuré, puisqu'elle était ma force.

 

 

 

 

Elle était tout ce pourquoi la vie valait la peine d'être vécu. Elle était l'essence même de ma vie. Comment avais-je pu enterrer profondément tout sentiment au fond de mon être comme je l'avais fait ? Elle ouvrait toutes grandes les portes de mon âme et de mon cœur. Jamais je n'avais expérimenté un tel sentiment de plénitude. J'étais constellée d'une énergie et d’une force des plus métempirique qui ne vaudrait jamais celle d'une couronne.

 

 

 

 

Quand la nuit nous enveloppait de ses ailes sombres, une valse étrangement gracieuse et barbare nous amenait dans des plaines qui m'étaient inconnues, et chaque fois que je humais ses parfums c'était comme une brûlure. Et quand enfin elle se rendait le dos cambré et la tête levée pleine de sérénité, et qu'elle se penchait alors sur moi pour me murmurer des choses tout bas en m'embrassant tendrement le cou de mille baisers, je me rendais et déposais mes armes à ses pieds. Les heures s'étiraient en de long soupirs de plaisir. Ainsi, à chaque jour qui passait, j'étais transportée encore plus loin par l'amour que je lui portais. Elle était la fontaine de jouvence à laquelle je ne me lasserais jamais de boire. Je l'aimais de tant de façons que cela me faisait mal. Elle était la paix dans ma détresse.

 

 

 

 

Comment pouvait-elle supporter mes humeurs si changeantes ? L'image que je donnais parfois était si déplorable. Pourquoi était-elle capable de pardonner à chaque fois ? Au fond je lui étais reconnaissante pour m'exposer si clairement mes faiblesses. Elle était une âme pure, et moi une âme noire à la recherche d’une Rédemption qui ne viendrait probablement jamais.

 

 

 

 

Mais qu'à cela ne tienne, elle était mienne.

 

 

 

 

Et si chaque jour qui passait me rapprochait d'elle, cela me faisait aussi très peur. Elle avait plongé dans mon abysse, et je l'avais laissé faire. Que je sois maudite pour ce seul fait ! Si jusqu'à maintenant nous vivions comme sur un paradis terrestre, le réveil n'en serait que plus brutal, et je redoutais ce jour. Mais il était trop tard j'avais touché sa peau, et elle mon cœur.

 

 

 

 

C'était vraiment les plus beaux jours de ma vie, et pour la première fois je pouvais utiliser le mot je t'aime à effusion. Je fus aussi très heureuse de voir s'installer entre nous une espèce de routine tout à fait confortable.

 

 

 

 

Il me faut derechef avouer, mea culpa je ne suis pas une sainte, que je m'étais arrangée pour qu'elle se proclame d'elle-même cuisinière en chef. C'était tout à fait irrévérencieux de ma part, mais j'adorais la voir cuisiner, et sa cuisine dépassait de beaucoup la mienne ! Alors même si j'étais un cordon bleu émérite, je m'étais tout de même éreintée à concocter les pires gibelottes dans le but ultime qu'elle prenne les commandes de la préparation des repas. Mais, c'était une fort petite duperie car je devais lui offrir la chance de se rendre utile, sinon, elle me plaquerait vite fait si je m'évertuais à prendre toujours tous les crédits. Je me gardais ce en quoi j'excellais vraiment, c'est à dire me battre.

 

 

 

 

Quand je levais les yeux au ciel ce matin là, je sus qu'il allait pleuvoir dans les vingt quatre heures à venir. Mes jambes qui avaient étés brisées inopinément voilà dix ans ne mentaient jamais. De plus le vent venait du Nord ce qui indiquait, quand on était aussi à l’Ouest, que la saison des pluies arrivait. Larielle me sembla sceptique et je lui offris un pari. Pari qu'elle accepta sur-le-champ. Elle allait faire la vaisselle pendant un mois !

 

 

 

 

Nous démontâmes le campement, et nous mîmes en route.

 

 

 

 

"Ce soir, nous dormirons dans une grotte." Lui dis-je tout à fait sérieuse. Évidemment elle ne me crut pas, ce qui était tout à fait compréhensible étant donné que d'ici, elle ne pouvait rien voir qui ressemblait à une montagne. Je la vis refouler un fou rire, et en fis de même. Puis environ une minute plus tard, nous arrivâmes au sortir de la forêt sur le sommet d'une colline, ce qui lui permit de constater l'irréfutable. S'élevant dans le lointain telle une pyramide couronnée de neige, se dressait le mont Mystica, dominant tout, transperçant de son pic le dôme céleste ensoleillé.

 

 

 

 

"Mystica, la montagne des Vendeurs de Rêves…" Dis-je plus pour moi-même que pour elle. Bien sûr elle avait entendu, et s'apprêtait à me poser moult questions quand je la pris de court. "On raconte qu’un groupe de protagonistes fanatiques vit dans les milliers de grottes que recèle cette montagne. Pour ma part, la dernière fois que j’ai emprunté les sentiers qui sillonnent ses vallées, je n’y ai pas rencontré âmes qui vivent à part, bien sûr, les quelques voleurs de grands chemins qui guettent le voyageur imprudent."

 

 

 

 

"Des voleurs de grands chemins ? Et on va se risquer là-dedans ?" Me dit-elle en ouvrant grands les yeux d'une voix haut perchée qui, je le savais, allait être le début d'une argumentation. "N’y a-t-il pas un détour moins dangereux ?" Évidemment, je vis cette petite étincelle naître dans ses prunelles vertes, comment la manquer ? J'allais raccourcir ce petit débat vite fait.

 

 

 

 

"Si, mais nous allons devoir passer par des marécages remplis, de serpents venimeux, de vipères aux longues dents, de boas constricteurs et de trucs rampants dont je ne saurais même pas épeler le nom." Lui dis-je en sachant qu'elle avait une sainte phobie pour les choses qui rampaient. "De plus, cela nous ferait perdre plusieurs jours, mais si tu y tiens..." Rajoutais-je en croisant les bras sur ma poitrine.

 

 

 

 

Elle me lança un regard des plus noirs, puis, je la vis fixer un point juste au-dessus de mon épaule. Suivant son regard, je constatais qu'elle avisait mon épée. Par Hadès ! Qu'avait-elle encore derrière la tête ?

 

 

 

 

"Quoi ?" Lui demandais-je pour en avoir le cœur net.

 

 

 

 

"D’accord, alors si nous sommes pour combattre des voleurs, cela serait peut-être utile que tu me montres à manier l’épée."

 

 

 

 

Je le savais ! Elle n'avait vraiment aucune idée de ce qu'elle me demandait !!! "Pas question !" Alors là, elle avait beau geindre, je ne lui donnerais pas satisfaction ! Je tournais les talons en maugréant et tirai Gora derrière moi.

 

 

 

 

Quand nous arrivâmes au pied du mont Mystica, l'heure du dîner était passée depuis quelques heures, et je décidais qu'il était temps de nous mettre quelque chose sous la dent. Je partis dans les bois chercher quelques champignons et laissais toutes mes armes derrière, exprès, dans l'intention de voir ce qu'elle allait faire. Elle avait la tête dure, et je restais en retrait pour la surveiller.

 

 

 

 

Comme je l'avais anticipé, elle s'empressa de s'emparer de mon épée, et je passais près de m'écrouler de rire quand je vis la pointe de celle-ci heurter le sol. Elle utilisa ensuite ses deux mains pour la soulever et se retourna pour aller s'en prendre à un immense et innocent chêne vert. Je portais la main à ma bouche pour m'empêcher de trahir ma position.

 

 

 

 

Je l'écoutais menacer le gros feuillu comme s'il avait pu lui répondre pendant que mes épaules étaient secouées de spasmes, c'était vraiment quelque chose. Cependant, quand elle enfonça ma lame dans l'arbre je cessais net de rire, ce n'était pas une hache, et j'allais devoir l'aiguiser à nouveau…

 

 

 

 

Un peu contrariée, je ramassais quelques pleurotes en chemin et revint vers elle. Elle fit bien sûr comme si elle ne m'avait pas entendu arriver, mais je n'étais pas du tout d'humeur à laisser passer.. En parlant d'humeur, celle que j'avais depuis quelques jours était des plus changeante, et je savais que c'était dû à un manque d'entraînement. Il me faudrait trouver quelque chose sur quoi me faire les dents, peut-être cette montagne me donnerait-elle ce dont j’avais tant besoin.

 

 

 

 

Je lui servis l'alpha et l'oméga de mes règles de survie qu'elle sembla prendre un peu à la légère, jusqu'à ce que je lui dore la pilule en lui disant qu'elle avait, elle aussi une arme redoutable qui était bien sûr ses mots. "C'est la sagesse et l'intelligence avant les armes, Larielle. Du moment que tu prends une arme, tu deviens une cible. Et au moment où tu tues quelqu'un…" Je m'arrêtais de parler, pour combattre les images de mon tout premier meurtre. Je pus encore ressentir le mince fil qui se tend entre le bien et mal se briser en moi. Ça avait été le début d’une longue descente aux enfers.

 

 

 

 

"Et au moment où tu tues quelqu'un quoi ?" Demanda-t-elle.

 

 

 

 

"Tout change… vraiment tout." Ma vie avait basculé ce jour là, oui, elle avait irrémédiablement basculé. J'entendis alors des voix venir au loin ce qui me tira de mes tristes pensées. Je retirais mon long poignard de ma botte et le plantai avec force dans le sol près d'une roche, au cas ou.

 

 

 

 

"Qu'est-ce que c'est ?" Me demanda-t-elle en plissant les yeux.

 

 

 

 

"Des ennuis." Dis-je d'une voix blanche.

 

 

 

 

"Est-ce que c'est le passage ou je dois courir ?"

 

 

 

 

"Pas encore, mais tiens toi prête." Dis-je en allant me poster dans le sentier pour attendre de pied ferme la bande de malfrats qui se dirigeait vers nous.

 

 

 

 

"C'est une belle journée, n'est-ce pas ?" Me lança celui qui semblait être leur chef sur un ton guilleret. Je savais très bien comment ça allait finir et c'était très bien puisque c’était exactement ce que j’avais espéré.

 

 

 

 

"Cela dépend de toi…" Lui affirmais-je en dégainant mon épée. "Qu'est-ce que vous voulez ?" Terminais-je d'un ton acide.

 

 

 

 

"Oh ! Nous sommes seulement de pauvres hommes qui tentent de survivre dans ce monde de fou. Alors de temps à autres, nous demandons certaines petites choses aux voyageurs. Comme ton cheval, ton argent, tes bijoux, et je crois que je vais aussi prendre cette jolie épée que tu tiens. Donc, si on met tout ça dans la balance, je pense que la reddition serait un bon début."

 

 

 

 

"J'accepte… Larielle, prends leurs armes." Déclamais-je en le gratifiant d'un flamboyant sourire pendant que des rires gras montaient derrière lui. Je venais de lui couper l'herbe sous le pied, et il ne sembla guère apprécier.

 

 

 

 

"À l'attaque !" Cria-t-il en serrant les mâchoires.

 

 

 

 

Ils m'attaquèrent tous à la fois, et j'y allais de quelques estocs bien placés. Un des hommes réussit à me désarmer et mon épée tomba aux pieds de Larielle. J'avisais donc un des gros saligauds et m'emparai de son long bâton avec facilité. Dieux que ça faisait du bien ! Je sentais monter en moi la rage et la plénitude du combat. Totalement absorbée par mes parades je ne vis pas Larielle s'emparer de mon épée pour la pointer devant elle. J'aurais dû prévoir cela.

 

 

 

 

Elle imita ensuite mon cri de guerre, ce qui attira toute l'attention sur elle. Deux hommes la chargèrent. Je la débarrassais de ces deux adversaires en m'élançant devant elle pour ensuite revenir à mon point de départ. Je la vis jeter mon épée par terre, dégoûtée. Finalement ! Elle venait sans doute de se rendre compte que ce que je lui avais dit était vrai ! J'en mis encore quelques-uns uns K.O.

 

 

 

 

Le meneur de la troupe ramassa mon épée et l'observa en ouvrant de grands yeux. "Je connais cette épée… Seule une personne utilise une épée comme celle-là ! Tu es Zina n'est-ce pas ?"

 

 

 

 

"Veux-tu vraiment le découvrir ?"

 

 

 

 

"Ma réputation ne sera plus à faire !" Évidemment, s'il réussissait à me faire passer l'arme à gauche il deviendrait un vrai Héros ! Mais cela n'arriverait pas aujourd’hui, celui-là n’était pas de taille, et quand il me chargea avec ma propre épée, je fis un roulé-boulé pour éviter son coup et m'emparai de mon poignard que je lui plantais dans le ventre sans cérémonie. Ceux qui restaient prirent la poudre d'escampette.

 

 

 

 

Quand je me retournais, Larielle avait disparu.

 

 

 

 

Chapitre 3

 

 

 

 

Pendant qu'elle trucidait le chef de la bande de poltrons, je sentis une grande main se poser sur mon épaule pendant qu'une autre appliquait un mouchoir imbibé d'un liquide fort odorant sur ma bouche et mon nez sans que je ne puisse rien y faire. Ma vision s'embrouilla, et un voile noir tomba sur ma conscience.

 

 

 

 

Une série de plaintes s'éleva et acheva de me réveiller. Je m'assis sur mon grabat comme mordue par un serpent venimeux. Un geste que je regrettais aussitôt : la tête me tourna, comme une girouette en temps de grands vents. J'avais la gorge aussi sèche que le désert. Était-ce l'aube ou le crépuscule ? Où était Zina ? Que s'était-il passé ? Et où étais-je ?

 

 

 

 

Je regardais un moment les vêtements que je portais, mais qui ne m'appartenaient pas. Une longue robe blanche, retenue à la taille par une ceinture ornée de perles, et aux pieds, des sandales de cuir doré. Un collier d'or tressé reposait sur ma poitrine, des bracelets d'or en forme de serpents encerclaient mes bras nus et des chaînettes en or tintaient à mes poignets. Je sus sur-le-champ que j'avais des problèmes. De graves problèmes.

 

 

 

 

J'entendis quelqu'un derrière la porte et on entra dans la pièce.

 

 

 

 

"La dame est revenue d'entre les morts !" Proclama un grand homme chauve à la robe bleue. Il portait également une ceinture de perles et des sandales de cuir doré, mais aucun bijou.

 

 

 

 

"Où suis-je ?"

 

 

 

 

"Vous ne vous rappelez pas ?"

 

 

 

 

"Non…" Dis-je un peu dans les vapes. "Le dernier souvenir que j'ai c'est… c'est… de m'être fait enlever !?!" M'écriais-je tout à fait horrifiée.

 

 

 

 

L'homme me sourit doucement. "Vous n'avez pas été enlevée, vous avez été choisie. Vous êtes l'Élue !" Me lança-t-il de très bonne humeur.

 

 

 

 

Oh ! La la ! Qu'est ce que c'était que cette histoire d'Élue ? "Halte là !" Dis-je en me prenant la tête entre les mains. "Recommençons depuis le début d'accord ?" Il me sourit platement. Ça sentait le rat. "Où suis-je ?" Dis-je en minaudant comme une demoiselle en détresse.

 

 

 

 

"Dans le temple de Nyx."

 

 

 

 

Bravo ! Cela m'éclairait vraiment beaucoup ! "Et où se trouve le temple de Nyx ?" Demandais-je manu militari.

 

 

 

 

"Dans la forteresse d'Hypnos." Me lança-t-il comme si c'était une évidence.

 

 

 

 

Cet illuminé commençait vraiment à me pomper l'air. Je respirais à fond pour me calmer puis réfléchis un instant. Zina avait mentionné que Mystica recelait d'innombrables tunnels et grottes. Peut-être que c'était en fait la forteresse d'Hypnos dont il parlait. "Dans le ventre de Mystica, c'est ça ?" Me risquais-je.

 

 

 

 

"Oui, bien si on veut." Me répondit-il comme si j'étais complètement stupide en roulant les yeux au plafond. Je refoulais la subite envie de me ruer sur lui mains tendues pour l'étrangler. Je crus voir une étincelle malicieuse valser dans ses prunelles noisette, et il ferma les yeux comme pour savourer quelque chose. Ce type était étrange. Il devait avoir une araignée au plafond. Il se leva fier comme un pou et je le vis se diriger vers la porte.

 

 

 

 

"Hé ! S'il vous plaît ! J'ai encore des questions !" Il passa le seuil sans jamais se retourner. Je me levais d'un bond et m'élançais à sa suite, mais trop tard il avait refermé la porte derrière lui et je l'entendis ensuite donner un tour de clé dans la serrure pendant que je tambourinais énergiquement sur celle-ci. "Hé ! Qu'est ce que c'est que cette histoire d'Élue !?!"

 

 

 

 

Je redoublais d'effort. "S'il vous plaît !"

 

 

 

 

Rien n'y fit et personne ne me répondit.

 

 

 

 

Au bout d’un moment je retournais frustrée vers mon grabat. Je n'étais pas plus avancée. Je n'étais pas certaine de l'endroit où je me trouvais, je ne savais pas depuis combien de temps j'y étais, et pire que tout, j'étais seule.

 

 

 

 

Ça faisait peut-être des jours que j'étais ici, pour ce que j'en savais. Zina viendrait-elle à mon secours ? Elle me manquait.

 

 

 

 

Des yeux je fis le tour de la pièce pour tenter de trouver une issue mais en vain. J'étais dans une concavité de pierre qui ressemblait à une minuscule grotte, le seul point d'entrée et de sortie était la massive porte de métal.

 

 

 

 

J'étais prise au piège.

 

 

 

 

Je m'étendis sur mon grabat et me mis à fixer le plafond.

 

 

 

 

 

Chapitre 4

 

 

 

 

"Larielle !" Criais-je n'entendant que l'écho de ma propre voix me répondre. Mais où était-elle ?

 

 

 

 

"LARIELLE !" Hurlais-je cette fois en réfrénant un sentiment de panique qui montait en moi.

 

 

 

 

Pas de réponse.

 

 

 

 

Je me mis à arpenter le sol pour retrouver une piste.

 

 

 

 

À l'endroit où elle s'était tenue, je distinguais dans le sol ses empreintes, et juste derrière elles, une paire d'empreintes beaucoup plus grande. La personne à qui appartenait ces traces s'était tenue juste derrière elle. Évoquant un nombre considérable de divinités, je jurais copieusement à voix haute. Si je me fiais à ce que je voyais, Larielle avait été victime d’un rapt.

 

 

 

 

Je suivis donc les pistes qui s'enfonçaient dans la forêt. Je perdis bientôt leurs traces quand je débouchais en vue d’un petit village. Bien en fait, ce n'était pas un village à proprement parler puisque seule une taverne, un magasin général et quelques piaules mal famées formaient ce petit amas que l'on appelait communément 'Le Pied Griffu'.

 

 

 

 

C'était là le seul endroit où l'on pouvait se ravitailler avant d'entreprendre la traversé du mont Mystica. La taverne 'Le Dernier Repos' n'avait rien d'extraordinaire, bien au contraire. Ce n'était qu'une masure passablement délabrée. Elle avait aussi son 'auberge', ce qui voulait dire en réalité les écuries où pour quelques piécettes on vous laissait dormir par terre, à moins d'acheter à l'aubergiste, quelques bottes de foins qu'il vendait au prix du fourrage. La nourriture que le tavernier servait à ses hôtes était si misérable qu'il était préférable de mendier quelques os et croûtes de pain avant d'entrer chez lui. Et pourtant, le Dernier Repos était toujours bondé et beaucoup logeaient pendant des semaines et même des mois entre ses murs.

 

 

 

 

La raison de cet engouement était simple. C'était le seul établissement de ce genre sur des kilomètres. Évidemment la pire engeance s'y retrouvait : mercenaires qui fuyaient, espions en déroutes, voleurs en cavale, tueurs à gages qui allaient remplir leur mission ou offraient leurs services, traîtres en rupture de ban, diseuses de bonne aventure, maquereaux et prostituées ; tous s'y réunissaient et se traitaient les un les autres avec la plus grande confiance, car tous n'étaient que de passage, en quête de quelque chose. Les videurs du tavernier jetaient dehors sans hésiter quiconque se mettait en tête de faire du scandale, non sans casser au passage quelques côtes au présumé fauteur de troubles ; Et si quelqu'un n'était pas content du traitement et s'avisait de sortir le couteau, on pouvait faire une croix sur lui sans que personne ne demande jamais plus de ses nouvelles.

 

 

 

 

Jurant de plus belle, je longeais les vingt toises qui me séparaient du Dernier Repos et m'engouffrais dans la taverne. Si quelqu'un savait quelque chose c'était assurément le tavernier.

 

 

 

 

Quand je poussais la porte et humais l'odeur de sueur, d'humidité et d'alcool éventé, je devais avoir un halo incandescent qui m'englobait, et mon visage devait être déformé par la rage, car un silence morbide emplit la place. Me dirigeant vers le bar, sans lâcher le patron de l'endroit des yeux je le vis blêmir. Celui-ci chauve et de noble prestance, devait être surtout coupable de goûter son propre stock. Terrifié, par mon avancée, l'aubergiste plongea sous son comptoir, évoquant une baleine volante. Passant derrière le bar je l'attrapais par le col de sa tunique et le relevai d'une seule main. "Où est-elle ?" Sifflais-je d'un ton marmoréen en lui lançant un regard qui aurait pu congeler un volcan en irruption.

 

 

 

 

"Qu… Quuuééé… Qui ?" Finit-il par éructer en tremblant de tous ses membres. Je lui lançais le regard impassible que je réservais aux sots.

 

 

 

 

"Jeune, environ grande comme ça." Crachais-je entre mes dents en lui montrant de ma main libre la taille approximative de Larielle. "Blonde." Ma patience s'épuisait rapidement.

 

 

 

 

Sur l'entrefaite, un homme entra en se déplaçant à l'aide d'une canne, il était de toute évidence aveugle. "Ils l'ont amenée." Dit-il pendant qu'il continuait à cheminer avec précaution en sillonnant le sol devant lui de son bâton. Je lâchais derechef le gros tavernier qui s'effondra à mes pieds. Il se remit péniblement debout. "Où ?" Vociférais-je en repassant de l'autre côté du bar.

 

 

 

 

"À Hypnos dans le temple de Nyx, autrement dit, au cœur de Mystica." Me dit l'aveugle en me saisissant l'épaule pour me tâter. Il eut l'air un peu surprit de ma taille, et même s'il ne pouvait me voir, il prit bonne mesure de ma stature et des muscles de mon bras.

 

 

 

 

"Qui ?" Demandais-je froidement.

 

 

 

 

"Les Rêveurs." Me répondit-il en enlevant sa main de mon bras pour la reposer tranquillement sur sa canne. "Ils s'emparent des vierges pour leurs voler ce qu'elles ont de plus précieux." Continua-t-il calmement.

 

 

 

 

Cela m'apaisa un peu et je souris légèrement malgré moi. Ils l'avaient dans l'os, puisque Larielle n'était pas vierge, j'y avais veillé. Mon interlocuteur du percevoir mon état d'âme car il s'empressa de reprendre. "Pas ce genre de virginité." Je n'étais pas certaine de ce qu'il voulait affirmer et mon sourire s'évanouit. Il poursuivit. "La virginité du crime est la chose qu'ils recherchent."

 

 

 

 

Je réfléchis un instant. Évidemment ça doit être une rareté dans le coin, pensais-je en balayant la place du regard. Le pire ramassis de la société écoutait sagement notre petite conversation. Le prenant par le coude, je le conduisis à l'extérieur pour pouvoir continuer à l'abri des yeux et des oreilles malveillantes. Une fois là, il me tendit la main. "Mouse." Je pris sa main et la serra fermement.

 

 

 

 

"Zina." Dis-je sèchement. S'il avait entendu parler de moi, il resta calme et seul un subtil sourire énigmatique prit naissance aux coins de ses lèvres.

 

 

 

 

"Autrefois, les Rêveurs avaient de nobles intentions, mais quand Maurfyne a rejoint nos rangs, tout à changé."

 

 

 

 

"Tu es un Rêveur ?" Grognais-je prête à lui faire subir un sort pire que la mort.

 

 

 

 

Il sourit. "Non… Non, plus maintenant, je suis une menace pour eux aujourd'hui." Il dut comprendre que cette seule explication ne me suffirait pas, et il me fit signe de lui emboîter le pas. "Au départ, nous les Rêveurs, voulions offrir aux gens un exutoire à leur vie en leur vendant moyennant une certaine somme d’argent, rêves et aventures de tous acabits, grâce à une matrice ultra sophistiqué."

 

 

 

 

Il me sourit et poursuivit. "Depuis tout jeune je me passionne pour la technologie, j'ai toujours bricolé toutes sortes de trucs c'est plus fort que moi. Un jour j'ai entendu parler d'un laboratoire du début du deuxième siècle qui avait, selon ce qu'on racontait, été préservé de la destruction parce que, disait-on, à l'époque les savants qui y travaillaient avaient veillé à ce que cet endroit soit blindé contre les affres de la guerre et des catastrophes naturelles. Évidemment tout ça n'était alors que des racontars, mais je me suis tout de même mis à sa recherche. Un jour, alors que j'avais atteint mes vingt-six printemps et que j'arpentais les grottes de cette montagne j'ai découvert Nyx, le laboratoire en question. Intacte sous cette masse de roches et de terre, préservée par le temps. De ce jour, je n'ai plus quitté cet endroit et passé les vingt-cinq années suivantes à retaper la Matrice. D'autres passionnés se joignirent à moi, et bientôt nous découvrîmes tout ce que cette Matrice pouvait nous permettre de faire si on se branchait avec un implant cervical."

 

 

 

 

"Un implant cervical ?!?" Dis-je un peu abasourdie par ce flot d’informations invraisemblables. Il se contenta de lever une main et poursuivit son récit.

 

 

 

 

"C'était comme tomber de Charybde en Scylla (1), une fois branchée l'énergie humaine nous permettait de vivre dans un monde parallèle, tous nos désirs et fantasmes. Nous vîmes très vite le potentiel de la chose, et commencèrent à exploiter toutes les possibilités que nous offrait cette découverte. Pour un certain montant d'argent les gens pouvaient venir et vivre l'espace d'une heure tous les rêves qu'ils avaient en tête. Bien sûr, ce nouveau commerce fit boule de neige, et c'est à peine si nous réussissions à répondre à la demande. Un jour alors que notre petit commerce était des plus florissant, une certaine Maurfyne, se présenta au laboratoire en prétendant pouvoir nous aider à améliorer notre système." Je le vis grimacer et cracher sur le sol comme pour conjurer le mauvais sort.

 

 

 

 

"Elle était la plus douée de nous tous. Rien n'avait de secret pour elle, jamais je n'avais vu quelqu'un d'aussi féru en la matière. Elle développa au début quelques implants supplémentaires qu'elle testait en servant elle-même de cobaye. Nous dûmes avouer qu'elle était vraiment géniale. À partir de ce moment, quand nous branchions une personne à la matrice, elle y allait avec lui pour augmenter le rêve et contrôler les événements. C'était encore mieux que tout ce que nous avions développé jusque là. Malheureusement cela ne s'arrêta pas là et Maurfyne dans sa quête de la perfection continua à développer d'autres implants qui augmentaient son contrôle et son lien avec la matrice. Un jour alors qu'un client plutôt redoutable vint nous voir pour expérimenter ses rêves, cela tourna mal, et il ne se réveilla jamais. Maurfyne nous expliqua que l'homme était aussi mauvais que le diable et qu'elle avait dû le tuer, car sa mauvaise énergie corrompait les circuits et la mémoire centrale de la matrice. Dès ce jour il fut interdit de brancher au système qui voulait. Les clients devaient dorénavant avoir une certaine innocence pour accéder à ce monde que contrôlait maintenant entièrement Maurfyne." Il se racla la gorge avant de poursuivre.

 

 

 

 

"Plus le temps passait plus elle devenait la source même d'énergie de tout le système, jusqu'au jour où il ne fut plus possible de l'en dissocier. Elle était devenue la matrice. De fil en aiguille, les gens que nous envoyions de l'autre côté revenaient avec une foi en elle qui était tout à fait absolue. Quand une bande de zélotes décidèrent de nous évincer de leur 'temple' nous comprîmes qu'elle était allée trop loin, mais il était trop tard. Maurfyne n'était plus humaine, ni machine, elle était à leurs yeux devenue une déesse. La déesse de Nyx ou de la nuit, puisque Nyx vient de nuit."

 

 

 

 

"Et vous l’avez laissé faire ?" Dis-je avec animosité.

 

 

 

 

"Bien sûr que non, moi et mes confrères établirent quartier dans une des grottes de la montagne et développèrent un système connexe qui nous permit de nous brancher. Pas question de se laisser évincer de la sorte." Il s'arrêta de parler.

 

 

 

 

"Que s’est-il passé ensuite ?" Demandais-je vraiment curieuse. Je savais déjà que les informations qui allaient suivre allaient être capitales.

 

 

 

 

"Le premier à se brancher mourut dans d'atroces circonstances. Son cerveau grilla littéralement." Cela ne me rassura pas, mais il continua. "Chaque fois que l'un d'entre nous tentait d'entrer illicitement dans la matrice, Maurfyne le savait instantanément et mettait fin aux jours du contrevenant. Il nous fallut presque dix ans pour développer un système capable de nous ouvrir une voix sécurisée. À la fin nous n'étions plus que deux, moi et Process. Depuis quelque temps, nous avions remarqué que les seules personnes autorisées à se brancher étaient de très jeunes femmes et pire que tout, elles n'étaient pas toujours consentantes. Maurfyne quant à elle avait cessé de vieillir il y avait bien longtemps, alors que moi…"

 

 

 

 

"Ce qui explique le rapt de mon amie." Grognais-je en retenant quelques jurons.

 

 

 

 

"Effectivement, mais j’y arrive. À cette époque, nous avions aussi noté que le rapt de jeunes femmes était devenu une vraie épidémie. Nous avions bien quelques doutes, mais ne savions pas pourquoi elle s'acharnait à trouver de la chair fraîche. Les jeunes femmes qui entraient, de force ou non, dans les profondeurs de la montagne n'en ressortaient jamais."

 

 

 

 

Cette fois je juronais pour de bon. Il nous mena devant l’entrée d’une grotte, et nous fit entrer avant de poursuivre.

 

 

 

 

"Process, un jour qu'une jeune demoiselle s'était volatilisée et que son père la recherchait avec beaucoup de véhémence, décida de se brancher. Ce qu'il découvrit lui coûta la vie, mais il a tout de même eut le temps de revenir me raconter ce qu'il avait vu et entendu. Maurfyne ordonnait à ses prêtres de lui trouver de jeunes humaines dont l'innocence était certaine et de les brancher à la matrice. Process, bien caché dans un des circuits secondaires put observer toute la scène. Maurfyne poussait au meurtre la jeune innocente et une fois ce vil acte accompli s'emparait de toute l'énergie que la malheureuse, qui fort horrifiée de son acte barbare, dégageait sous l’abjection de la chose. Une fois canalisée, cette énergie s'emmagasinait dans le corps de Maurfyne qui se gagnait et se gagne encore aujourd’hui plus de puissance à chaque fois." Il marqua une pause et reprit.

 

 

 

 

"En fait, elle se nourrit de leurs pêchés. Process qui avait découvert le pot aux roses tenta de revenir, mais Maurfyne s'aperçut de sa présence et commença à le traquer dans la matrice. Quand il réussit à revenir, il avait déjà un pied dans la tombe. J'ai tenté alors à mon tour d'y entrer, mais elle m'a découvert aussitôt. Par chance, j'avais prévu une sortie de secours, mais elle a tout de même réussi à me ravir quelque chose ; mes yeux. Sans eux, cela m'a pris des années à pouvoir retravailler convenablement. J'ai cependant trouvé une faille, mais malgré de nombreuses tentatives elles ont toutes échouées.

 

 

 

 

"Que font-ils des jeunes femmes une fois satisfaction obtenue ?"

 

 

 

 

"Oh ! Une fois totalement drainées de leur énergie, elles deviennent folles, et ses prêtres les sacrifient sur l'autel qui lui est dédié."

 

 

 

 

"Tu as spécifié qu’il y avait une faille, quelle est cette faille ?"

 

 

 

 

"Corrompre suffisamment la matrice et du coup Maurfyne."

 

 

 

 

Le mot corrompre me fit sourire malicieusement, j'étais la candidate idéale, de plus on venait de me piquer ma nana, et ça, ça me mettait vraiment en rogne. J'allais me brancher sur cette foutue matrice et griller les neurones de cette Maurfyne. Oh Oui ! "Je veux tenter le coup." Dis-je en appuyant chaque syllabe.

 

 

 

 

Je vis Mouse sourire un peu désabusé, assurément il connaissait très bien ma réputation. "C'était bien ce que j'espérais, j'ai l'impression que ça va barder." Répliqua-t-il en souriant à belles dents.

 

 

 

Chapitre 5

 

 

 

 

Quand j'ouvris les yeux, j'étais toujours dans cette petite grotte qui me servait de geôle. Des cris emballés et des rires tonitruants m'arrivaient de part et d'autre pour venir mourir en un écho sur les murs rocailleux de ma prison. Me levant, je me dirigeais vers la porte dans l'intention de vérifier s'il y avait un gardien. Des cris enjoués me parvinrent une fois de plus. À ma grande surprise la porte n'était plus verrouillée et quand je tournais la poignée pour l'ouvrir ce que je vis de l'autre côté m'estomaqua.

 

 

 

 

Une prairie verdoyante s'étendait à perte de vue devant moi, sillonnée au loin par une chaîne de montagne bleuâtre. Pas un seul nuage dans ce ciel d'un bleu limpide. Je souris. Il ne pleuvrait pas plus ici qu'ailleurs. Au centre de la plaine se dressait plus d'une centaine de chapiteaux aux couleurs bigarrées. Une foultitude de petits points bougeaient, et j’en déduis que l'endroit était bondé de gens. Des parfums de cerise, de caramel et de cannelle vinrent me chatouiller les narines, et je commençais à me diriger vers la foire ambulante.

 

 

 

 

Qu'est-ce qui n'allait pas avec moi ? Je devais être totalement droguée ou dans un rêve sibyllin. Je savais pertinemment bien que tout ceci était surnaturel mais décidais de tout de même aller jeter un œil. Après tout qu'est-ce que j'avais à perdre ?

 

 

 

 

Quand j'arrivais aux abords de cette gigantesque foire, je m'arrêtais au premier kiosque que je croisais. "Bonjour." Dis-je au vendeur de pommes caramel qui était occupé à brasser vigoureusement une espèce de pâte à l'arôme délectable.

 

 

 

 

Il se retourna à peine pour me saluer et je l'observais un moment. Il portait un pantalon aux rayures criardes retenu à la ceinture par une écharpe d'un bleu profond. Un pull orangé s'harmonisait avec le petit chapeau un peu plus foncé qu'il portait sur la tête. Il avait également un gros anneau qui lui pendait à une oreille et les cheveux coupés ras. À mon avis il devait avoir la trentaine et une barbe de quelques jours obscurcissait son visage. Mon regard se porta à sa main qui brassait toujours le mélange avec une grosse cuillère en bois, un petit tatouage attira mon attention. Un œil dans un triangle. Ce devait être une espèce de marque cabalistique. Je haussais les épaules. "Puis-je avoir une de ces pommes ?" Lui demandais-je en souriant tranquillement.

 

 

 

 

Il cessa de remuer ce qui se trouvait dans sa marmite et se tourna vers moi. Me gratifiant d'un sourire, il prit un petit bâtonnet qu'il planta dans la dite pomme pour me la tendre. "Voilà ma p'tite dame." Me dit-il de sa voix de ténor. J'hésitais avant de prendre la sucrerie, et le regardais un peu mal à l'aise. "Je suis désolée, mais je n'ai pas d'argent." Je venais de me souvenir que je ne portais plus mes vêtements, et que de ce fait je n'avais pas un sou en poche. Je n'avais pas de poches à vrai dire....

 

 

 

 

Il me sourit et me tendit tout de même la pomme. "C'est moi qui offre." Me dit-il en tenant toujours le fruit sous mon nez. Ces effluves vinrent jusqu'à moi et je fermais les yeux un instant. Dieux que ça sentait bon ! Voyant que j'hésitais, il se rapprocha encore. "J'insiste... Allez faites-moi plaisir."

 

 

 

 

Le gratifiant d'un sourire je pris la pomme caramel et l'amenai sous mon nez pour la renifler. Il me regarda en souriant alors que je croquais à belles dents dans le caramel cristallisé. Elle était délicieuse...

 

 

 

 

"Hummm.... Ché très bon... chtrès... bon..." Dis-je la bouche pleine et c'était vrai.

 

 

 

 

Il fit un petit signe approbateur de la tête et retourna à sa tâche sans plus de cérémonie.

 

 

 

 

Je me retournais pour continuer à marcher en mangeant ma confiserie.

 

 

 

 

Les gens que je croisais me saluaient poliment ou ils passaient à mes côtés sans me porter la moindre attention. Devant le kiosque suivant se trouvait un petit attroupement qui riait aux éclats quand un des leurs lançait une boule de bois sur une pyramide de canettes rouillées sans l'atteindre. Accrochés au plafond se trouvait une multitude de petits animaux en peluches de différentes grosseurs ; un petit cochonnet rose, un alligator pourpre, une girafe, un poisson bleu, un gros gorille blanc, et bien d'autres encore. Je m'approchais encore pour mieux voir, et c'est à ce moment que je la vis.

 

 

 

 

Une magnifique panthère au pelage noir et aux yeux pervenche. C'est fou ce qu'elle me faisait penser à quelqu'un. Une taille fine mais musculeuse, svelte et féline à la fois. Son pelage sombre faisait ressortir ses yeux perçants. Zina ! Cette panthère avait l'air si réelle. Je la voulais.

 

 

 

 

Me mettant dans la file je terminais ma pomme confite en ne la quittant pas des yeux. Les uns après les autres les lanceurs s'exécutaient en ratant presque à chaque fois leur cible. Ce qu'ils sont mauvais ! Me dis-je. J'allais leur en mettre plein la vue. Le concurrent qui se trouvait juste devant moi était de beaucoup le meilleur à venir jusqu’à maintenant, et réussit à atteindre par deux fois sa cible.

 

 

 

 

L'homme du kiosque lui remit la jolie girafe et ce fut mon tour. Je jetais le bâtonnet et lui souris à belles dents. "Que dois-je faire pour gagner cette panthère ?" Lui dis-je tout à fait sérieuse. Il me dévisagea d'un air amusé puis éclata d'un grand rire. Les gens autour de l’étale en firent de même. Me sentant un peu offusquée, je posais mes poings sur mes hanches en les toisant l'un après l'autre. "Qu'est ce qu'il y a de si drôle ?" Dis-je assez fort pour être entendue. Les rires redoublèrent.

 

 

 

 

Finalement au bout de quelques minutes l'homme derrière le comptoir leva les mains et tous se turent. "Jamais cette panthère n'a été gagnée..." Éructa-t-il en menaçant de repartir d'un grand rire.

 

 

 

 

Je plissais les yeux, c'était franchement impoli et mon orgueil me fit lui répondre. "Alors ce sera une première ! Dites-moi seulement ce que je dois faire."

 

 

 

 

Voyant que j'étais tout à fait sérieuse, il cessa de rire. Il se retourna et enleva la série de canettes pyramidale, et les mit de côté. Tout le monde le regarda faire en silence. Se penchant sous le comptoir, il sortit une grande planche de bois sur laquelle étaient tracés les contours d'un corps humain, et la posa au fond de la tente. Il sortit encore une rangée de coutelas et me les tendit. Il sauta par-dessus son comptoir, me fit ensuite reculer et traça une ligne sur le sol avec le bout de sa botte. Puis, il alla finalement se placer devant la planche de bois qui, je le remarquais maintenant, arborait exactement les contours de son propre corps ! Cet homme jouait sa vie contre une panthère en peluche !!! Cela me parut tout à fait saugrenu. Mais étant donné que je rêvais…

 

 

 

 

"Tu dois lancer ces couteaux pour qu'ils se plantent dans la planche sans m'atteindre. Si tu réussis à bien viser, tu repartiras avec ma panthère, c'est aussi simple que ça."

 

 

 

 

Je regardais les longs couteaux, puis la panthère, et enfin l'homme qui était toujours adossé contre la planche. "Et si je rate ?" Je commençais à avoir la bouche sèche et les mains moites. Il me sourit et haussa les épaules.

 

 

 

 

Je n'avais jamais fait ce genre de truc, et j'allais forcément l’occire sur place.

 

 

 

 

Me rappelant que c'était mon rêve ou mes hallucinations, je posais de nouveau les yeux sur la magnifique panthère. Tant pis ! Il l'avait voulu. Je pris un des coutelas et le soupesai. Il était lourd et son manche était aussi froid que la mort. Adoptant une position stable, je levais le bras pour mirer.

 

 

 

 

Pour Zina ce truc serait un jeu d'enfant, mais moi...

 

 

 

 

Un silence de mort régnait autour de moi tandis que je me préparais à lancer le couteau de la mort. J'entendis quelques personnes m'encourager. "Allez vas-y ! Montre-lui ce que tu sais faire."

 

 

 

 

Facile à dire… Me dis-je en retrouvant ma concentration. Au même instant on me tapa sur l'épaule. Ce qu'ils peuvent être harassants à la fin.. Je me retournais pour admonester le pleutre qui avait osé me déranger et me retrouvais nez à nez avec une poitrine. Hummm je connais cette poitrine... Une odeur de cuir et d’épices familières me monta au nez. Dieux, je connais aussi cette odeur. Me dis-je en humant un bon coup et en levant doucement les yeux vers le ciel pour rencontrer une paire de prunelles aniline et un sourire d'une perfection absolue.

 

 

 

 

"ZINA !" M'écriais-je en lui sautant au cou. Elle me serra un instant contre elle avant de me repousser. Ce rêve était vraiment génial ! Un instant j'avais pensé à elle, et maintenant elle était ici avec moi ! J'étais aux anges.

 

 

 

 

"Viens, nous partons." Me dit-elle simplement. Je me retournais vers l'homme qui était toujours adossé contre la planche de bois, prête à lui dire que je laissais faire ce concours à la noix quand je vis la panthère qui me regardait d'un air suppliant. Ce qu'elle était belle, je voulais cette chose ! Me retournant, repentante, vers ma compagne je la regardais embarrassée. Puis, je me dis que c'était mon rêve et que je pouvais faire ce que bon me semblait.

 

 

 

 

"Heu... C'est que je ne peux pas." Dis-je en rougissant un peu.

 

 

 

 

"Ah non ! Et pourquoi donc ?" Me dit-elle en me jetant un regard agacé.

 

 

 

 

"Bien c'est que cette..." Je me retournais pour lui montrer la panthère. "Chose 'veut' absolument venir avec moi." Elle poussa un long soupir et me repoussa sur le côté avant de prendre les couteaux. Un après l'autre elle les lança avec force dans la planche de bois autour de l'homme.

 

 

 

 

Tout s'était passé si vite. Elle avait réussi ! Elle marcha d'un pas lourd vers la panthère et la saisit brusquement. "Merci." Grogna-t-elle férocement en s'adressant à l'homme qui était toujours stupéfié.

 

 

 

 

C'est alors que je remarquais qu'il portait également un tatouage. Un œil dans un triangle. Je me mis à regarder la main gauche des gens. Ils portaient tous ce tatouage. "Partons d'ici !" Dis-je alors à Zina qui revenait vers moi. Je pressentais que quelque chose clochait vraiment dans ce rêve à la con. Les gens commencèrent à nous encercler ce faisant.

 

 

 

 

"La panthère reste ici !" S'écria l'homme. Oh lala ! Je vis cette lueur naître dans les yeux perçants de ma guerrière, c'était très mauvais signe. Elle posa la panthère par terre.

 

 

 

 

"Partons !" La pressais-je suppliante.

 

 

 

 

Le cercle autour de nous se resserra.

 

 

 

 

Je décidais de fermer les yeux pour tenter quelque chose. J’imaginais une plage de sable blanc au bord d'une mer de jade sur une île désertique. Quand j'ouvris les yeux, une vague vint lécher le bord de ma cheville. Nous étions exactement à l'endroit paradisiaque que je venais d’imaginer. C'était super ce truc !

 

 

 

 

Je fermais à nouveau les yeux pour nous imaginer au sommet d'une montagne et quand je les ouvris, je vis Zina me regarder interloquée. Nous étions sur le pinacle d'une montagne aux arbres mauves !

 

 

 

 

Je fermais les yeux à nouveau et malgré moi, nous vis naviguant sur une immense caravelle.

 

 

 

 

Quand j'ouvris les yeux, elle me saisit le bras en plantant des yeux affolés sur moi. "Arrête ça ! Je t'en prie !" Elle perdit un peu l'équilibre, c'est que ma caravelle tanguait drôlement.

 

 

 

 

Une étrange de sensation m'envahit. "Oh ! Merde !" Je me précipitais en courant vers le bastingage pour une séance de mal de mer. Par les Dieux ! Je dus bien rendre tripes et boyaux. Avant de fermer les yeux encore une fois pour visualiser ma petite geôle de pierres du départ.

 

 

 

 

Un instant plus tard, j'étais couchée sur mon lit.

 

 

 

 

Seule...

 

 

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