| 
  • If you are citizen of an European Union member nation, you may not use this service unless you are at least 16 years old.

  • You already know Dokkio is an AI-powered assistant to organize & manage your digital files & messages. Very soon, Dokkio will support Outlook as well as One Drive. Check it out today!

View
 

wintersending8B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

 

La fin de l'hiver (Winter's ending)

 

De Missy Good

 

Traduction : Fryda

 

 

 

**********

Partie 8B

*********

 

 

 

Cyrène s’appuyait contre le bord de sa fenêtre, regardant au-dehors vers ce qui promettait d’^être une belle journée. Et bien, même s’il tombait des cordes… songea-t-elle. Ce serait une belle journée. Le soleil du matin se déversait sur la cour, la baignait d’une lumière simple et doucement dorée qui renforçait la légèreté qu’elle ressentait elle-même après les journées d’anxiété passées.

 

Avec un sourire tranquille, elle finit de ranger sa chambre bien tenue, et installa son châle sur ses épaules pour se protéger du froid alors qu’elle descendait pour entrer dans la cuisine.

 

« Bonjour, Madame. » Eustase éleva la voix joyeusement lorsqu’elle entra, depuis l’endroit où elle se trouvait près du grand fourneau. « On a des céréales chaudes en route et du pain frais par ici. » La femme d’âge moyen faisait partie de son équipe depuis plusieurs mois maintenant, lorsque les choses s’étaient améliorées à l’auberge et lui avaient permis d’embaucher du personnel en plus.

 

Eustase était orpheline, pour ainsi dire, son village avait été brûlé par un seigneur de guerre en maraude, que Xena avait fini par arrêter. La femme amicale avait fait chemin vers Amphipolis, juste pour remercier la guerrière, et avait fini par rester. Ses compétences de cuisinière étaient pratiquement égales à celles de Cyrène, et l’aubergiste était très contente de l’avoir avec elle. C’était une âme douce, presque aussi grande Xena, mais presque deux fois le poids de la guerrière, avec un doux visage et des yeux marron brillants.

 

« Bonjour, Eustase. » Dit Cyrène en riant. « Et ça en est un bon, je te le dis. »

 

Le regard d’Eustase s’éclaira. « Ils les ont retrouvés alors ? » Elle avait eu un peu peur de poser la question… alors que l’atmosphère dans l’auberge était plutôt sombre ces derniers jours.

 

L’aubergiste hocha la tête. « Ils les ont tous trouvés … ou plus précisément, ma fille les a trouvés. » Une note de fierté affectueuse émergea, malgré les circonstances difficiles. « Elle est revenue hier soir et elle les a conduits directement jusqu’aux gamines et à Gabrielle. »

 

« Par la Puissante Artémis, elle est incroyable. » Dit Eustase en riant. « Ils vont bien ? » Elle mit une portion de céréales à l’odeur de noisettes dans un bol et la couvrit de miel avant de le tendre à Cyrène.

 

Cyrène prit le bol et mit une cuillère dedans, remua le miel et prit une bouchée avant de répondre. « Plutôt. » Elle soupira. « Les filles vont bien, le garçon du centaure va bien… Gabrielle est un peu cabossée, et Xena dit qu’elle a des côtes cassées. » Une autre cuillerée. « Dans l’ensemble, ça aurait pu être pire. » Elle leva les yeux avec un sourire. « Très bonnes céréales Eustase. »

 

Cela lui valut un sourire en retour. « Merci Madame. » La cuisinière remua la marmite. « Je pensais à quelque chose de chaud ce matin… il fait un peu froid dehors malgré ce beau soleil. »

 

« Mmm. » Cyrène approuva. « Mets-en un peu dans ce pot-là. Je pense que je vais flâner par-là et voir comment vont mes filles. »

 

Eustase obéit, puis s’arrêta. « Avec du miel ? »

 

Cyrène rit. « Oh oui. » Elle secoua la tête. « Ni l'une ni l'autre ne sait rester loin de ce truc. » Elle prit le pot et une miche de pain chaud et se dirigea vers la porte.

 

Il faisait un froid de canard, et la rude brise souffla ses cheveux vers l’arrière de son front, et envoya un frisson le long de son dos, et elle fut contente d’atteindre le chalet. Elle s’arrêta un moment dehors et carra les épaules, réfléchissant au fait que ce serait une des premières fois qu’elle serait dans le chalet avec elles deux probablement… Allez, Cyrène. Tu es une adulte… ce sont des adultes… oublie juste que c'est ta fille et vas-y. Elle frappa doucement, puis ouvrit la porte et regarda à l’intérieur.

 

Le chalet était très calme, les rayons du soleil commençaient juste à passer par la fenêtre et à attraper les rares particules de poussières dorées. Cyrène se glissa à l’intérieur et referma la porte derrière elle, marchant très doucement vers la table pour poser son fardeau, avant de tourner les yeux vers le lit.

 

Arès la regardait, ses oreilles noires dressées, mais son corps immobile là où il était enroulé de l’autre côté des formes immobiles blotties l’une contre l’autre au milieu du lit. Les cheveux noirs et en pagaille de Xena reposaient sur l’un des oreillers, et elle avait les bras autour de Gabrielle. Le barde dormait à moitié sur sa compagne, un bras enroulé fermement autour de l’estomac de Xena, et la tête posée sur l’épaule large de la guerrière.

 

C’était adorable. Cyrène sourit, étudiant l’expression paisible sur le visage de Xena. Puis les yeux de la guerrière s’ouvrirent légèrement et croisèrent son regard.

 

« Maman ? » Murmura-t-elle, en clignant plusieurs fois.

 

« Shh. » Cyrène alla vite vers le lit et s’assit sur le bord, tendit la main et la mit sur le front de sa fille. « Comment te sens-tu ? » Fraîche, c’est bon. Au moins cette enfant bornée n’a pas repris froid.

 

Xena plissa le front momentanément. « Uhm… bien. » Elle tressaillit. « J’ai un peu mal partout… mais autrement, ça va. » Elle cligna des yeux pour chasser le reste de sommeil. « Tout va bien ? »

 

« Tout va bien. Rendors-toi. Je vous ai juste apporté des céréales. » Cyrène fit un signe par-dessus son épaule. « Argo est rentrée tard hier soir. » Elle sourit à l’expression de soulagement sur le visage de la guerrière. « Je pensais que tu voudrais savoir. »

 

Xena sourit. « Merci… oui. »

 

Le visage de Cyrène se figea. « Ces enfants nous ont raconté une histoire étonnante sur ce qui s’est passé dans cet endroit dégoûtant. » Son regard alla vers la forme endormie de Gabrielle. « Ça a été dur pour elle, apparemment. » Son regard se leva et croisa celui de Xena. « Cait dit de te dire qu’elle pense que Gabrielle a eu une commotion dès le début et qu’ils lui ont donné quelque chose qui l’a rendue malade longtemps. »

 

Xena soupira. « Oui, elle a parlé de quelque chose comme ça. » Son expression s’assombrit. « Salauds. »

 

Cyrène repoussa les cheveux noirs des yeux de sa fille, et toucha à nouveau son front, regardant les yeux de Xena se fermer à demi contre sa volonté. « Ma chérie, rendors-toi. » Elle lissa les couvertures et tira les bords autour des deux femmes. « Je te dirai si quelque chose se produit. »

 

Un léger sourire passa sur le visage de Xena. « Ça me paraît être une bonne idée. » Admit-elle, en laissant ses yeux se refermer. « Merci pour les céréales. »

 

Cyrène lui tapota l’épaule. « Repose-toi. »

 

Elle resta là assise tranquillement, jusqu’à ce qu’elle voie la respiration de Xena changer, et son visage se détendre à nouveau, puis elle tira une dernière fois sur les couvertures et se leva pour partir.

 

********************

 

« Redis-moi ça. Elle a fait QUOI ? » Ephiny toussa, attrapant les bras du fauteuil pour se retenir. Granella mit la main sur son bras et soupira. « Dieux. » La régente passa la main dans ses cheveux bouclés.

 

Cait était assise sur le tapis près du foyer, vêtue d’une chemise propre, ses cheveux blonds clairs bien tressés. « Elle a été super. » Confirma la jeune fille. « Et si courageuse. Elle a battu cet horrible bonhomme qui allait nous vendre, puis elle nous a libérés, et elle a coupé les cordes du pont pour que personne ne puisse nous suivre. »

 

« En restant, elle, de l’autre côté. » Grogna Ephiny. « Seule. »

 

« Et bien, oui. » Cait sourit de manière sinistre. « C’était fait exprès. » Elle prit une gorgée de la tasse que Granella lui avait donnée. « On pensait qu’elle était vraiment en danger… et puis bien sûr, cette main sur mon épaule qui me fait presque sauter de peur, et qu’est-ce qu’on voit, Xena qui plonge dans le ravin. »

 

Ephiny regarda Granella, qui hocha la tête. « Ouais. » L’Amazone aux cheveux noirs confirma. « Cette fichue bonne femme descend une falaise décharnée, nage dans des rapides Athéna seule sait comment, puis grimpe de l'autre côté et commence à mettre une raclée à des voleurs de première classe. » Elle s’éclaircit la voix. « Evidemment, je ne peux pas dire que je l’ai vue faire tout ça de moi-même, vois-tu. »

 

Ephiny laisse sa main reposer sur les cheveux coupés court de l’éclaireuse et les ébouriffe. « Le vieux cheval de guerre t’a encore semée ? » Elle sourit. « Je pensais que tu avais une chance cette fois-ci… on dirait qu’elle a pris quelques kilos depuis qu’elle est revenue. Non, hein ? »

 

Granella ricana. « Tu parles. » Elle secoua la tête. « Nous voilà parties, à un plutôt bon rythme à travers la forêt… j’étais à sa hauteur, pas de problème. Puis tout d’un coup, elle a ce… Je ne sais pas… cette expression, et elle dit, il y a un campement de chasseurs au bout de cette piste, et c’est là qu’ils sont. » Elle prend une gorgée de sa boisson. « Puis elle décolle… et Eph, je te jure, elle décolle vraiment. A un moment on courait ensemble, et le suivant, elle est si loin devant moi que je ne peux même plus la voir. »

 

Ephiny se mit à rire. « Ce sont ces longues jambes. » Elle cligna de l’œil vers une Cait souriante.

 

« Oui, et bien, après tout ça, j’arrive et Tor me dit qu'elle a passé une semaine sur la route avant de rentrer à la maison sans dormir. » L’éclaireuse soupira dramatiquement. « Je me sens… décrépite. »

 

« Qui ça ? » Demanda Ephiny, en luttant pour trouver une position plus confortable pour son corps endolori.

 

« Tor… Toris. » Marmonna Granella. « Son frère. »

 

« Ohhh… ce Tor-là. » Les yeux de la régente brillent malicieusement. « Je ne savais pas que tu étais aussi proche de lui ».

 

« Ephiny, ne commence pas. » L’avertit Granella, mais elle baissa sa tête sombre pour masquer la rougeur qui grimpait le long de son cou. « En tous cas, les choses allaient bien dans ce combat, jusqu’à ce que Gabrielle prenne un coup de pied, et un méchant, par un des types pendant qu’elle essayait de protéger les arrières de Xena. » L’éclaireuse secoua la tête. « Eph, j’ai entendu le craquement de là où je me trouvais… ça a dû faire mal. »

 

Ephiny soupira. « Oui, je sais. » Elle tira son châle sur son cou. « Au moins elle est relativement en un seul morceau. Merci de m’avoir réveillée pour tout me raconter hier soir, à propos. J’ai dormi bien mieux. »

 

« Mmm… » Granella approuva en buvant son thé. « Mais j’aimerais bien qu’on puisse la voir. »

 

La régente sourit tranquillement. « Laisse-la tranquille. Elle est juste là où elle doit être maintenant. » L’endroit le plus sûr du monde, j’ai dit ? « Je suis sûre qu’elle viendra nous voir dès que possible. »

 

********************

 

Le milieu de la matinée, se dit Xena, en ouvrant lentement les yeux. Le soleil entrait par la vitre peinte inclinée, et les baignaient dans une mare de lumière chaude qui fit ressortir les contours rougeoyants des cheveux de Gabrielle, et éclaircit le bronzage de sa peau, montrant les bleus avec une relief acéré. Xena ressentit la douleur dans son cœur en levant la main pour repousser les quelques mèches de cheveux dorés, révélant la bosse décolorée qu’elle avait reçu. Xena soupira, et laissa ses doigts tracer délicatement les bleus sombres sur son visage, et les marques brutales sur son cou dues au collier. Gabrielle… comment ont-ils pu te faire ça ? Comment ai-je pu ne pas être là pour l’empêcher ? Dieux… tu comptes tellement sur moi…

 

Une main bougea un peu sur son estomac et le barde commença à cligner des yeux dans la lumière, les rayons peignant ses yeux verts d’une intensité pure, rehaussant les étincelles dorés dans leurs profondeurs. « Ouille. » Marmonna-t-elle, en levant les yeux vers Xena. « Aïe. » Son visage était tendu par la douleur.

 

« Doucement. » Dit Xena calmement, posant doucement les mains sur les épaules du barde. « Je vais te mettre sur le dos, mon amour. Tiens bon. » Elle souleva Gabrielle et la mit doucement sur le dos, tressaillant au sifflement d’agonie du barde. « Désolée. »

 

« Ça va. » Dit Gabrielle dans un souffle. « Dieux, ça fait mal. » Son regard croisa celui de Xena dans un brouillard.

 

« Shh. Je sais. » La guerrière l’apaisa. « Ecoute… j’ai quelque chose pour ça… mais tu dois d’abord manger. » Elle tira doucement les couvertures autour des épaules de Gabrielle. « Maman a laissé des céréales. »

 

Ceci attira l’attention du barde. « Maman est passée ? »

 

Un sourire pincé lui vint de sa compagne. « Oui oui. » Xena se glissa hors de son côté du lit et alla vers le petit pot de céréales, plongea un doigt dedans et goûta. Elle haussa les sourcils. « Je pense que tu vas aimer ça, ma chérie. »

 

« Maman était ici ? » Répéta Gabrielle, essayant de faire tourner son esprit engourdi autour du concept. « Ce matin ? »

 

Xena mit des céréales dans un bol et prit une cuillère, et revint se glisser dans le lit pour s’installer près d’elle. « Oui, maman était ici. Ce matin. Dans ce chalet. »

 

« Oh. » Le barde réfléchit à la chose. « Alors… je présume qu’elle euh… » Elle s’interrompit. « Je veux qu’elle hum… »

 

« Nous a vues dormir enlacées, oui. » La taquina Xena doucement. « Elle a survécu. J’ai survécu. Tu dormais. »

 

Gabrielle rougit, puis ouvrit la bouche avec obéissance et accepta la cuillerée de céréales que Xena lui tendait. Elle mâcha et avala, et resta assise là quelques instants. « Mmm… » Elle ouvrit la bouche pour en avoir plus et mâcha la seconde cuillerée. « C’est bon. »

 

« Je pensais bien que tu aimerais ça. » Rit Xena. « J'imagine ce qu’on t’a donné dans ce campement. »

 

Un long silence de la part de Gabrielle qui finit par lancer un demi-regard coupable au visage soudain tendu de sa compagne. « Euh… ce n’était pas ce que tu penses. » Elle en réclama encore et reçut une nouvelle cuillerée. « Le premier jour… » Elle mâcha et avala. « j’ai pris un coup sur la tête… j’avais l’estomac retourné tout le temps. »

 

Une autre cuillerée. « Puis, le jour suivant, j’étais… ils m’ont attachée jusqu’à la nuit. J’étais bien trop fatiguée pour manger… Xena , tu sais comment je suis. » Un rapide regard. « Je sais… je sais… mais tu as dit que ça allait si je buvais de l’eau. »

 

Xena soupira et offrit une autre portion. « Gabrielle, ça va de ne pas manger si ton corps a des réserves. » Elle passa légèrement le doigt le long de la taille fine du barde. « Tu n’en as pas. » Elle regarda Gabrielle réfléchir à ces paroles et jeter un œil sur son corps. « C’est vrai. Alors si tu ne manges pas, ton corps n’a rien pour se réparer. »

 

« Oh. » Le barde soupira. « Pas étonnant que je me sentais si bizarre. » Une autre cuillerée. « Et puis il m'a donné ce… truc. »

 

Xena se rapprocha, balançant le bol sur sa jambe pour mettre un bras autour des épaules de Gabrielle. Le barde nicha sa tête dans la poitrine de sa compagne et leva les yeux. « Je ne sais pas ce que c’était… il… » Une pause. » semblait penser que ça me ferait… » Une autre longue pause.

 

Xena passa le pouce le long du bras de Gabrielle. « Quel goût ça avait ? »

 

Le barde pinça les lèvres et pensa. « Âpre… un peu… amer. » Elle déglutit. « J’ai commencé à… je me sentais… j’étais étourdie… puis… » Elle secoua la tête. « C'était comme si mon corps luttait contre lui-même. » Elle leva les yeux et vit les nuages sombres s’amonceler rapidement dans les yeux de Xena. « Oh… oh… ça n’a pas marché… tout s'est bien passé… »

 

Xena ferma les yeux et sentit ses dents grincer. Dieux… ça aurait pu la tuer. J’aurais dû le tuer. « Qu’est-ce qui s'est passé ensuite ? » Réussit-elle à sortir, se forçant à rester calme. Il faut que je garde ça sous contrôle… c'est devenu trop facile de le déclencher depuis… Une vague de colère noire la traversa à nouveau.

 

Pour être arrêtée par un contact sur son visage, et une voix douce. « Xena ? »

 

Respire. Elle suivit son propre conseil et laissa la fureur se dissiper, pour finalement ouvrir les yeux sur une Gabrielle très inquiète qui l’étudiait. Et elle sentait le cœur du barde battre rapidement et augmenter sous sa main tendue. « Désolée. » Elle laissa son regard s’excuser sans paroles. « Ce qu’il t’ont donné… était vraiment dangereux, Gabrielle. Ça aurait pu… faire énormément de dégâts. »

 

Le regard inquiet du barde ne changea pas. « Qu’est-ce que tu as ? » Demanda-t-elle calmement, tressaillant en se tournant à demi pour avoir une meilleure vue sur le visage de Xena. « Qu’est-ce qui s’est passé ? »

 

Un long silence s’ensuivit alors qu’elles s’étudiaient, et Xena sentit qu’elle se calmait sous ce regard aimant. « Plus tard. » Finit-elle par dire, le regard presque implorant. « C’est une longue histoire. » Elle offrit une nouvelle portion de céréales et après une moment d’hésitation, Gabrielle l’accepta.

 

« Mais pas trop tard. » Dit le barde après avoir avalé. « Et j’aime bien les histoires, tu te souviens ? » Elle mâcha pensivement. Il faut que je change de sujet… pour l’instant. « Mais en tous cas… après ça, ils m’ont laissée tranquille jusqu’à ce que les marchands d’esclaves arrivent dans le campement… Je pense que ce qui est arrivé a effrayé Rurik. »

 

Ces paroles lui valurent un regard sévère de la part de Xena. « Ça aurait dû. » Elle jeta un coup d’œil au bol maintenant vide. « Encore faim ? »

 

Gabrielle lui fit un sourire embarrassé. « Ouais. » Elle se blottit un peu plus, et joua avec le tissu de la chemise de Xena. « Est-ce que tu peux en avoir plus sans bouger ? »

 

Xena dressa les sourcils. « J’ai peut-être beaucoup de talents, mon barde, mais pas celui-là. » Elle embrassa le haut de la tête de Gabrielle et se glissa de derrière elle, l’installant de nouveau à l’aise dans les couvertures. « Je reviens tout de suite. »

 

Le barde reposa la tête, et regarda sa compagne assembler quelque chose de sa trousse de soins, et mettre de l’eau à chauffer. La douleur dans son côté battait fort, et lui donnait mal à la tête, en même temps que la douleur de tout ce qu’elle avait enduré d’autre, et elle se rendit compte qu’elle ne voulait rien de plus que de se laisser retomber dans le sommeil, blottie contre Xena. Mais ça n’est pas vraiment juste de lui demander ça… hein ? Son regard vert étudia les mouvements de Xena, notant la faible hésitation et le tressaillement presque imperceptible. Hmm… peut-être bien que non, après tout.

 

Elle attendit que la guerrière la rejoigne et sirota son thé sucré de la tasse qu’elle tenait avec précautions dans sa main gauche, alors que sa compagne lui tendait le contenu d’un second bol de céréales. Elle sentit ses muscles se détendre alors que les herbes faisaient leur effet, et elle sourit à Xena. « Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? »

 

Elle reçut un sourire en retour. « Quelque chose pour faire passer la douleur… un peu. Ça va te détendre. »

 

« Hmm… » Gabrielle but la moitié de la tasse, puis offrit l’autre moitié avec une douce étincelle dans ses yeux verts. Elle regarda l’expression de Xena passer de la confusion à la consternation, puis au dégoût désabusé. « Ne fais pas d’histoire. Bois tout, d’accord ? » Elle poussa la tasse dans la main de Xena. « Je vois bien que tu as mal… et en plus, j’ai besoin de toi ici avec moi. » Ces derniers mots étaient sortis involontairement, et elle baissa les yeux et tressaillit. Je ne voulais pas dire ça comme ça.

 

Xena soupira. Elle a raison… j’ai mal, et je suis encore fatiguée, et bon sang, on est passées toutes les deux par le Tartare. Elle vida d’un trait le contenu de la tasse et se rappela brusquement le fait qu’elle n’avait pas non plus mangé lorsque les herbes firent immédiatement effet. « Tu as gagné. » Admit-elle, en posant la tasse, et en glissant les bras avec précautions autour de Gabrielle. « Je n’étais pas vraiment d’humeur à affronter ma mère de toutes façons. »

 

Gabrielle soupira d’aise, puis ouvrit un peu les yeux. « Maman ? Pourquoi ? »

 

« Solan. » Marmonna Xena, en l’attirant plus près tout en laissant le monde brillant et froid commencer à faiblir.

 

« Hein ? Comment elle… » Commença Gabrielle, intriguée.

 

Un œil bleu s’ouvrit et la regarda avec le sourcil correspondant dressé. « Je ne l’ai vu que quelques secondes… mais… » Elle soupira.

 

Un sourire narquois passa sur le visage de Gabrielle. « C’est vraiment le fils de sa mère, pas de doute là-dessus. » Elle tendit paresseusement la main pour tracer les pommettes de Xena. « Et pas seulement dans ses traits. »

 

Les deux yeux s’ouvrirent sur ces mots et la regardèrent, alors que Xena plissait le front intriguée.

 

Gabrielle sentait que les herbes faisaient effet, mais elle mit ça de côté un instant. « Il est… très courageux… et fougueux… et intelligent… » Elle chercha le regard de Xena, maintenant calmement grand ouvert. « Je le regardais et c'est toi que je voyais . »

 

Xena laissa lentement passer une inspiration longtemps retenue. « Raison de plus pour qu’il reste loin de moi, alors. » Mais sa voix n’était pas très assurée, et Gabrielle l’entendait bien.

 

« Xena… » ce n’est pas le bon moment, mais… « Ecoute… Ephiny a deviné, rien qu’en le regardant, Cait a deviné… et j’ai fini par lui dire la vérité pour qu’elle accepte de partir… euh… » Un coup d’œil au regard de Xena lui donna le courage de continuer. « Parce qu’on lui avait dit de garder un œil sur moi. » Un pincement des lèvres de sa compagne approuva la pique.

 

« Gabrielle… » Un soupir tranquille. « Ma vie est trop instable… Je suis trop instable… pour qu’il en fasse partie. » Une vérité nue et sans fards. « Tu sais bien que c’est vrai. "

 

Le barde fit une pause. « Peut-être. » Répliqua-t-elle doucement, en prenant la joue de Xena « Mais ça ne sera pas toujours vrai. Et il mérite d’entendre qui est sa mère de ta bouche…. Avant que quelqu’un d’autre ne le dise. » Elle attendit la réfutation mais il n’y en eut pas, et elle sut, alors qu’un frisson d’exultation passait dans son dos, qu’elle avait gagné le point.

 

Xena enfouit son visage dans les cheveux clairs du barde et ferma les yeux. « Gabrielle… » Finit-elle par admettre. « Je ne sais pas comment lui dire. »

 

Gabrielle sentit une vague chaude de joie et de paix la traverser. « On trouvera un moyen. » Promit-elle, en laissant ses yeux se fermer, et elle se nicha un peu plus dans les bras de Xena.

 

********************

 

Ça lui faisait un peu moins mal, mais pas beaucoup, quand Gabrielle se permit d’ouvrir enfin les yeux en grognant beaucoup plus tard. La lumière à l’extérieur indiquait qu’on était en fin d’après-midi, et elle débattit rapidement avec elle-même pour savoir si elle refermait les yeux et replongeait dans le sommeil. Elle finit par soupirer et roula légèrement la tête, levant les yeux pour voir des yeux bleus endormis la fixer. « Salut. »

 

« Salut. » Répliqua Xena, en clignant un peu des yeux. « Comment tu te sens ? »

 

Gabrielle prit une inspiration prudente et la laissa ressortir. « Humm… »

 

« Mal fichue. » Dit sa compagne en commençant un léger massage sur ses épaules. « C’est ça ? »

 

Un soupir. « Juste une égratignure… dit-elle. » Marmonna le barde, savourant le contact. « Rien vraiment… dit-elle… » Elle sentit le rire de Xena. « Arrête de me raconter des histoires, Xena… ça fait un mal de chien. »

 

« Je sais. » Les mots passèrent près de son oreille dans un murmure, alors que la guerrière bougeait les mains plus bas le long des bras du barde. « Crois-moi, je sais. » Elle bougea légèrement, et soupira. « A part ça, comment tu te sens ? »

 

Gabrielle réfléchit à la question. « Mm… pas si mal, en fait. » Répondit-elle d’un ton surpris. « Mon mal de crâne est parti… Je ne suis plus aussi tendue… » Elle courba un peu les lèvres. « J’ai un peu faim. »

 

« C’est bon signe. » Approuva Xena avec un sourire. « Je vais nous chercher quelque chose de plus consistant que des céréales… et m’assurer que tout va bien. »

 

Le barde se mâchouilla la lèvre. « Je voudrais venir aussi. »

 

Les sourcils de Xena bondirent. « Gabrielle… il n'en est pas question. » Elle glissa doucement de sa position de soutien et reposa doucement le corps du barde sur les draps chauds. « Tu ne devrais pas te déplacer avec des côtes fracturées. Si elles sortent de leur axe, tu pourrais percer un organe. »

 

Un sourire diabolique de la part du barde. « Donne-moi la boîte de parchemins. »

 

Xena obéit, puis fronça les sourcils. « Pourquoi ? »

 

« Je veux écrire toute cette diatribe comme ça je pourrai l’utiliser contre toi la prochaine fois. » L’avertit Gabrielle.

 

Cela lui valut un regard. « Rien que pour ça, je vais te rebander… ça t’aidera pour la douleur. »

 

Gabrielle sourit mais ferma les yeux en sentant les mains de Xena retirer avec précautions les bandages en tissu, essayant de ne pas tressaillir quand les longs doigts de sa compagne effleurèrent les fractures.

 

« Très bien… il faut que tu t’asseyes pendant que je fais ça. » Finit par dire Xena après avoir préparé le nouveau bandage, et s’être installée près de Gabrielle. « Attrape mes mains et je vais te tirer. N’essaie pas de s’asseoir toute seule. »

 

Le barde attrapa les avant-bras de sa compagne et se laissa soulever, hoquetant quand le changement de position mit une pression sur ses côtes. « Dieux. » Dit-elle dans un souffle, en se mordant la lèvre. La douleur diminua, cependant, lorsque Xena eut rapidement entouré sa poitrine avec le nouveau bandage et elle s’aperçut qu’elle pouvait à nouveau respirer normalement. « C’est mieux. » Elle soupira, se redressant un peu, et elle s’appuya contre les oreillers. « Merci. »

 

Xena se contenta de sourire, et elle rassembla les affaires de soins, puis se leva et posa les bandages et les liens sur la table, avant d’aller jusqu’à la commode de vêtements, pour en tirer une tunique et un pantalon pour les changer, ignorant le sifflet admiratif depuis le lit.

 

« On se calme, au poulailler ! » Blagua la guerrière, en lançant un regard amusé au barde. « Mais je suis contente que tu te sentes mieux. » Elle revint s’asseoir sur le lit, passant ses doigts dans ses cheveux pour les arranger. « Tu es prête à recevoir de la visite ? Je sais qu’on va me le demander. » Elle étudia le visage de Gabrielle avec précaution. « Ça va aussi si tu dis non. »

 

Une pause silencieuse pendant que Gabrielle réfléchissait. « Non… je pense que c’est bon. Mais… » Elle sourit. « Je ferais probablement mieux de passer une chemise. »

 

« Probablement. » Approuva Xena d’un ton amusé. Elle retira une chemise très douce, d’un vert forêt, de la commode et l’apporta. « C’est à moi… Mais elle est douce et je pense que je peux la passer par-dessus ta tête sans te faire trop mal. » Dit-elle, en passant doucement les bras du barde dans les manches avant de passer la chemise par-dessus ses cheveux roux-dorés.

 

« Mmm… » Gabrielle étreignit la chemise contre elle avec précaution et fit un sourire penaud à Xena. « Pas de problème… ça ne me dérange pas de porter tes affaires. » Puis elle tendit la main gauche et attrapa la manche de Xena, la tirant plus près. « Viens ici. »

 

Je devrais partir… J’ai des choses à faire… des gens à voir… oh par Hadès. Xena se pencha en avant et rencontra le baiser du barde à mi-chemin, puis elle se retrouva dans une étreinte prudente, berçant Gabrielle dans ses bras et continuant sa douce exploration. Les mains du barde glissèrent le long de ses bras et sous le tissu de sa chemise, envoyant des chatouillis chauds et tentants dans tout son corps, et elle laissa ses doigts glisser lentement le long du côté de sa compagne, se sentant aller dans le contact.

 

« Whoa. » Murmura Xena en s’écartant, et en essayant de reprendre son souffle. « Je ne pense pas que tes côtes apprécieront si nous allons plus loin. » Mais son corps se glissait plus près de Gabrielle, et ses mains ne semblaient plus vouloir s’arrêter de la toucher.

 

« Quelles côtes ? » Protesta Gabrielle, en lui mordillant le cou, alors que ses doigts traçaient un chemin vers la cage thoracique de Xena ; elle sourit quand elle sentit la respiration s’arrêter et reprendre plus vite. Elle ferma les yeux et retrouva les lèvres de la guerrière, se laissant tomber dans une mare chaudement séductrice dont il était plus facile de ne pas sortir.

 

Finalement, à contrecœur, Xena se redressa et prit le menton de sa compagne dans sa main chaude. « Que ce bandit soit maudit. » Dit la guerrière d’une voix rugueuse et rauque.

 

Le barde soupira, en la regardant d’un air rêveur. « Quel bandit ? » Puis elle grogna en essayant de respirer trop profondément. « Oh… ce bandit-là. » Elle laissa retomber sa tête sur l’épaule de Xena, alors que la guerrière tendait la main pour lui masser la nuque. « Mmm… » Elle mit le nez sur la peau de la guerrière. « Je suis droguée à toi. »

 

Xena se contenta de fermer les yeux et attira à nouveau le barde. « Tu m’as manqué aussi. » Marmonna-t-elle. « J’ai aimé les poèmes. »

 

Gabrielle sourit timidement dans le tissu en lin qui couvrait l’épaule de Xena. « Vraiment ? » Elle respira l’odeur de la chemise propre séchée au soleil et celle de son âme-sœur avec un plaisir égal. « Tu les as tous trouvés ? »

 

« Mmm… » Xena prit une profonde inspiration. Il était temps. « Iolaus a trouvé celui de la trousse médicale…. Je le lui ai repris avant qu’il puisse l’ouvrir. »

 

Le barde leva un peu la tête et étudia le profil acéré au-dessus d’elle. « Quelqu’un a été blessé ? »

 

« Hercule. Un peu. » Répliqua Xena tranquillement. « Une petite brûlure… rien de grave. »

 

Un long silence. « Tu vas me raconter ce qui s’est passé ? » Demanda finalement Gabrielle, à voix basse.

 

« Oui. » répondit Xena. « Aussitôt que je reviens avec le dîner pour toi. » Elle embrassa le barde sur la tête. « C’est une longue histoire. »

 

« Et tu n’as pas mangé. » Le barde lui lança un regard. « Alors tu peux arrêter de me crier dessus, Ô Princesse Guerrière de l’Hypocrisie. »

 

Xena rit. « Je me rends. » Elle donna une dernière étreinte au barde et commençait à se lever, quand Gabrielle l’attrapa pour un dernier baiser. Puis elle caressa la joue de sa compagne et soupira. « Merci. »

 

« Pour quoi ? » Demanda Xena.

 

« Pour être venue me chercher. Pour avoir soulevé des montagnes, et sauté des ravins, et nagé dans des torrents, et toutes les choses impossibles que je sais que tu as probablement faites pour arriver aussi vite que tu l’as fait. » Elle leva la tête et vit l’expression surprise de Xena. « Merci d’être une héroïne, et de t’occuper des méchants. Et de t’occuper de moi. » Elle fit une pause. « Je ne pense pas que je te le dis assez… et ça m’est venu à l’esprit quand j’étais dans cet endroit. » Une autre pause, cette fois un peu plus longue alors que Xena se contentait de caresser ses cheveux, essayant de trouver une réponse. « J’y ai pensé… quand j’étais là-bas. Quand je pensais… ne plus revenir. »

 

Elle sentit le cœur de Xena tressaillir sous ses doigts, là où sa main reposait sur la poitrine de la guerrière, et elle passa le pouce sur cet endroit. « Alors… merci. »

 

« Tu m’as fichu une sacrée trouille. » Dit finalement Xena, la voix un peu rauque. « J’ai fait ce que j’avais à faire. »

 

« Oui. » Le barde soupira et laissa sa tête retomber sur la poitrine de Xena, écoutant le battement revenir maintenant à la normale. « Tu fais toujours ça. Heureusement pour moi. » Elle soupira à nouveau. « Désolée de m’être mise dans ce pétrin. »

 

« Ça n’était pas de ta faute. » Marmonna Xena.

 

Silence de mort. Puis. « Si, ça l’était. » La voix de Gabrielle était très calme. « Si je n’avais pas été occupée à essayer de me prouver que j’étais une grande et forte Amazone, j’aurais fait attention à l’heure tardive. Et je serais revenue, avec les enfants, dont j’avais la responsabilité. »

 

« Alors ça serait juste arrivé un peu plus tôt…. » Sa partenaire l’apaisa. « Parfois les choses arrivent, mon amour. » Elle passa ses mains dans les cheveux de Gabrielle et les écarta doucement de son visage. « Tu as fait une chose fantastique en gardant ces enfants calmes, et en les sortant de là… Je suis fichtrement fière de toi. »

 

Gabrielle se réinstalla contre les oreillers, et la fixa. « Vraiment ? » Elle se rendit soudain compte de combien l’approbation de Xena était importante pour elle.

 

« Par tous les dieux de l’Olympe, oui, Gabrielle… » La guerrière sourit. " Ces gamins t’admirent, et je ne les blâme pas. Tu as gardé la tête froide, et tu as utilisé tes talents, et tu as mis tout le monde en sécurité, … personne n’aurait pu demander plus. »

 

« Sauf ce dernier truc. » Le barde soupira. « C’était idiot… J’ai failli… »

 

Deux mains puissantes prirent son visage et elle fut forcée de fixer le regard très sérieux et très intense de Xena. « Ça ne compte presque pas. » Elle fit une pause. « En plus, je cherchais une bonne bagarre… tu m'aurais gâché le plaisir autrement. »

 

Cela lui valut un sourire à contrecœur de Gabrielle. « Tu es vraiment quelqu’un, toi, tu sais ? »

 

« Ouais… » Xena approuva avec désinvolture. « La question est : qui ça ? » Elle soupira et se leva, s’étirant un long moment en tressaillant. « Dieux. » Elle soupira. « Je deviens vraiment trop vieille pour ça. » Elle se dirigea vers la porte, ignorant le ricanement de Gabrielle. « Je reviens tout de suite. »

 

« Tu ferais mieux. » Menaça le barde. « Ou bien c’est moi qui viens. »

 

Un sourcil en cloche, et elle était partie. Gabrielle secoua la tête vers le plafond, et s’installa aussi confortablement que possible, rapprochant sa boîte à parchemins et la manœuvrant pour la mettre près d’elle pour pouvoir écrire, un peu maladroitement avec sa main droite. Elle prit une plume et un peu d’encre, et humidifia le bout en réfléchissant.

 

Bon, on a eu quelques mauvaises journées. Je sais maintenant ce que c’est que d’être une Amazone, et ce que sont des côtes cassées. Je me serais passée des deux expériences, merci. Mais la prochaine fois que ça arrive à Xena, je l’attache au lit pendant quelques jours jusqu’à ce qu’elle guérisse.

 

Xena pense que j’ai fait du bon travail. Wow. Je pense toujours que c’est de ma faute si tout est arrivé, et je n’ai aucune idée de ce que je vais dire à Ephiny. Elle m’avait averti, non ? Et elle avait essayé de m’empêcher de sortir, mais non… il fallait que je prouve que j’étais bonne.

 

Maintenant il faut qu’elle me raconte ce qui lui est arrivé avec Herc et Iolaus. Quelque chose de mauvais s’est produit là-bas… Je le vois bien, je sens. Je sais qu’elle retient tout ça parce qu’elle ne veut pas m'inquiéter. Quand va-t-elle se rendre compte que ça m'inquiète plus de savoir qu’il se passe quelque chose et qu’elle ne me le dit pas ? Par les dieux, elle est têtue. Mais j’ai réussi à lui faire accepter de parler à Solan… Et ça, c'est merveilleux.

 

Un léger coup à la porte brisa sa concentration et elle leva les yeux. « Entrez. » Cria-t-elle aussi fort que ses côtes douloureuses le permettaient.

 

La porte s’ouvrit et Cyrène passa la tête à l’intérieur, voyant Gabrielle éveillée et lui souriant. « Bonjour ma jolie. »

 

« Bonjour maman. » Le barde sourit. « Tu viens juste de rater Xena… elle va vers l’auberge. »

 

Cyrène entra et alla jusqu’au lit, rapprocha un fauteuil et s’y installa. « Je sais. Je l’ai vu partir. »

 

Oh oh. Gabrielle sentit les clochettes d’alarme se déclencher sans hésitation. Je pense que je devine de quoi il s’agit. Est-ce que je joue les idiotes ?

 

« Mon chou, il faut que je te demande quelque chose. » L’aubergiste croisa son regard sérieusement. « Mais d’abord, comment te sens-tu ? »

 

« Hum… mieux. » Répondit Gabrielle avec précautions. « Le sommeil a vraiment fait le nécessaire… et Xena m’a donné un truc pour la douleur. »

 

Cyrène prit sa main dans la sienne et la pressa doucement. « Je veux que tu saches combien je suis contente que tu soies rentrées. Tu sais que je t’aime comme une de mes enfants, n’est-ce pas ? »

 

Gabrielle ne put pas parler pendant de longues secondes, alors que les larmes menaçaient de briser son sang-froid. « Merci… maman. » Réussit-elle à dire d’une voix hoquetante. « Tu ne sais pas combien ça signifie pour moi. »

 

Cyrène sourit tristement et lui tapota la main. « Je pense que si. » Elle soupira. « Je pense que ma fille a beaucoup de chance. »

 

Le silence tomba sur elles. Finalement, Cyrène leva les yeux et croisa le regard attentif de Gabrielle directement. « Gabrielle, le garçon de ce centaure…. »

 

« Ne… me… demande pas ça. » L’interrompit Gabrielle. « S’il te plaît. » Sachant parfaitement qu’elle venait de donner sa réponse à Cyrène.

 

Le regard de l’aubergiste plongea et elle étudia le sol attentivement, laissant passer un petit soupir à la fin.

 

« Maman ? » Dit Gabrielle doucement. Cyrène leva des yeux embrumés vers elle. « Ne sois pas en colère contre elle. » Elle hésita. « C’est assez difficile pour elle comme ça. »

 

Etonnamment, Cyrène sourit. « Ne t’inquiète pas, ma chérie. Je ne le suis pas. » Elle secoua doucement la tête. « Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? »

 

Gabrielle accepta le changement de sujet avec gratitude. « Des nouvelles côtes. » Elle soupira. « Comment va Ephiny ? »

 

Cyrène ricana. « Elle est très occupée à s’inquiéter pour toi, j’en ai bien peur. » Elle jeta un coup d’œil vers la porte. « Heureusement son anxiété a été soulagée maintenant. » Elle tapota la main du barde. « J’ai fait quelque chose de spécial pour toi ce matin… laisse-moi retourner là-bas pour être sûre que Xena te le rapporte bien. »

 

Gabrielle lui pressa la main. « Tu n’avais pas besoin de faire ça. » Elle sourit. « Tout ce que tu fais est spécial. »

 

Cyrène se leva et secoua la tête avec un sourire. « Merci, ma jolie… repose-toi un peu, OK ? » Elle jeta un coup d’œil alentour. « Il fait un peu frais ici. »

 

Le barde resserra sa chemise autour d’elle. « Un peu…. »

 

L’aubergiste alla vers la porte et se retourna en l’ouvrant pour partir. « Je vais t’envoyer ta bouillotte alors. » Et elle cligna de l’œil.

 

« Maman !!! » Gabrielle rougit. Dieux… Je vais mourir d’embarras, là sur place.

 

Cyrène mit les mains sur ses hanches. « Comment tu penses que j’ai eu trois enfants ? » Elle recourba ses sourcils. « Hmm ? » Puis elle rit. « Ah les enfants. » Elle fit un soupir vexé et sortit.

 

********************

 

Le vent froid était bon pour une fois, songea Xena en traversant la cour vers l’auberge. Ou peut-être que j’ai juste un peu trop chaud. Elle se fit cette remarque ironique en prenant une grande inspiration, et essaya de repousser les restes de chatouillis qui la traversaient toujours. Whoa. Elle rit pour elle-même, en levant les yeux lorsque Toris vint à sa hauteur.

 

« Bonjour. » Il la taquina doucement, la poussant du coude, avant que son visage ne devienne sérieux. « Comment va Gabrielle ? »

 

Xena lui lança un regard, puis se radoucit et remua la main. « Elle a très mal… J’ai essayé de la garder endormie. » Surtout parce que je déteste la voir souffrir… Dieux… « Autrement, elle va bien. »

 

« C’est bon de l’entendre. » Répondit Toris tranquillement. « Comment vas-tu ? »

 

Un lent mouvement de la tête. « Je vais bien. » Elle lui jeta un coup d’œil. « Ce n’est pas moi qui ai été kidnappée. » Elle étudia son visage. « Qu’est-ce qui se passe ? » Ils venaient d’atteindre l’auberge et elle poussa la porte, la retint pour le laisser passer devant elle, puis le suivit, s’arrêtant net en même temps que lui pour jeter un coup d’œil dans la pièce.

 

Deux tables avaient été mises côte à côte, et une foule rieuse d’enfants et d’Amazones étaient agglutinée autour. Ils levèrent les yeux lorsque la porte s’ouvrit et leur firent un accueil chaleureux.

 

Le regard de Xena trouva Solan immédiatement, et elle lui sourit pour lui souhaiter la bienvenue, alors qu’il se levait et courait vers elle, sûre d’être bien reçu. « Bonjour Solan. » Elle l’accueillit, se mettant sur un genou pour le laisser l’étreindre. Se rendant compte que tous les regards dans la pièce étaient sur eux et s’en fichant complètement. Elle l’entoura de ses bras et le sentit la serrer fort. « Comment vas-tu ? » Elle le relâcha, et s’écarta, étudiant son visage.

 

Dieux. Ce qu’il grandit. Elle n’osa pas regarder Toris, qui voyait sûrement le fantôme de Lyceus. Juste comme elle le voyait.

 

« Génial… comment va Gabrielle ? » Demanda le garçon, fixant ses yeux bleu clair sur son visage. « Elle va bien ? J’ai vu ce gars lui mettre un coup de pied. Je suis content que tu l’aies frappé. »

 

« Elle va bien. » L’assura la guerrière. « Tu peux aller lui rendre visite si tu veux. » Elle laissa passer un sourire sur son visage. « Je pense qu’elle aimerait bien ça. » C’est bien, Xena, sors-le d’ici avant de te lever et d’affronter… dieux. Comment je vais… Elle repoussa cette pensée, alors qu’il rayonnait vers elle.

 

« Je peux ? » Il lança un rapide coup d’œil effronté et triomphant par-dessus son épaule aux jeunes filles qui le regardaient avec envie, et puis il regarda Xena. « Merci ! » Il lança à nouveau ses bras autour du cou de la guerrière et passa sous son bras alors qu’elle se levait pour se précipiter vers la porte.

 

En se levant, elle ne put éviter le regard de Toris qui cloua le sien avec des questions en rafale. Elle baissa le regard pendant une seconde, prit une inspiration, puis releva les yeux et en réponse à son air intense et prudent, elle fit un hochement de tête presque imperceptible.

 

« Tu n’as rien dit. » Murmura-t-il, alors qu’ils se retournaient et commençaient à marcher vers le groupe autour de la table.

 

« Il ne le sait pas. » Murmura-t-elle entre ses dents.

 

Un hochement de tête de son frère. « Il devinera bien assez tôt… dieux… Xena… »

 

« Je sais. » Sa sœur lui coupa la parole, puis soupira. « Je ne… » Elle garda le silence, et le sentit lui tapoter le dos pour la réconforter. Ils atteignirent la table et Xena tendit une main contre le barrage de questions. « Doucement… doucement… »

 

Le silence retomba alors que son regard croisait celui d’Ephiny, la Régente reposant tranquillement dans un fauteuil près du feu. Bon sang. Jura Xena intérieurement. Elle a une tête à faire peur… je ferais mieux de voir ça après. « Gabrielle va se remettre. Elle a quelques côtes cassées et elles lui font très mal, mais en dehors de ça, elle va bien. » La guerrière saisit le soupir de soulagement d’Ephiny du coin de l’œil, et vit la tête de la blonde Amazone retomber sur le fauteuil.

 

« On peut lui rendre visite ? » Demanda Sharra, en clignant des yeux vers elle timidement. « Elle a été vraiment courageuse. »

 

Xena les regarda. « Oui… mais doucement, OK ? Ne la fatiguez pas. »

 

Cait glissa de son siège et marcha vers Xena, s’arrêta et échangea un regard avec la guerrière. « Ne t’inquiète pas. » Promit-elle solennellement. « On veut lui raconter ce qu’elle a manqué. »

 

Les sourcils de Xena se dressèrent. « Lui raconter quoi ? » Elle reçut des gloussement en guise de réponse, alors que les jeunes échappaient à son regard acéré. Elle les regarda partir, puis se tourna vers le reste des Amazones, qui essayait de ravaler des sourires. « Très bien… qu’est-ce qui se passe ? » La question était posée de sa meilleure voix de chef de guerre pas commode.

 

« Laisse tomber, Xena. » Dit Ephiny d’une voix rauque et lasse. « Si tu voles le long des ravins et que tu plonges dans des rapides mortels devant un groupe de jeunes Amazones en pleine crise d’adoration, tu reçois ce que tu mérites. »

 

Xena marmonna plusieurs jurons entre ses dents, deux dans des langues que Granella n’avait jamais entendues. L’Amazone brune s’éclaircit la voix. « Ça n’est pas comme si nous avions pu voir tout ça. »

 

Xena croisa les bras et dressa les deux sourcils. « Ce n’est pas de ma faute si vous n’avez pas réussi à tenir le rythme. » Répliqua-t-elle, en secouant la tête tout en contournant la table pour aller vers le fauteuil d’Ephiny et la regarder pensivement.

 

Ephiny soupira, sachant qu’elle allait se faire disputer. « Pourquoi est-ce que vous n’allez pas toutes… euh… vous entraîner à quelque chose. » Elle lança un regard aux autres Amazones. « Pendant que Xena et moi euh… on discute… des programmes de mise en forme. » Elle leva les yeux et surprit Xena en train de se mordre la lèvre pour ne pas rire et elle se sentit mieux. Elle fit des mouvements pour éloigner les autres, qui de bonne nature, se levèrent et partirent en file indienne de l’auberge, non sans jeter des coups d’œil en arrière.

 

Le silence.

 

« Je ne pouvais pas rester allongée comme ça là-bas. » Finit par dire Ephiny en lançant un regard agacé à Xena. « Ça me rendait folle. »

 

Xena tira une chaise et s’y laissa tomber, les mains sur les genoux, jointes. « Je peux imaginer ça. » Elle leva les yeux. « Granella est vraiment furieuse ? » Non sans un léger pincement des lèvres.

 

L’Amazone laissa passer un rire court et doux. « Nan. Plus embarrassée qu’autre chose. C’est la plus rapide d’entre nous, tu sais. C’est une question de fierté. » Elle étudia la forme tranquille assise près d’elle. « Elle n’est pas habituée à être larguée dans la poussière. »

 

Cela lui valut un demi-sourire, et un léger rire. « Désolée. » Xena renifla en réfléchissant. « Ce n’est pas comme si je l’avais fait exprès… J’ai juste… »

 

Ephiny remua un doigt vers elle. « Tout va bien. Si ça avait été une autre Amazone, je me serais attendue à la voir s’entraîner la moitié de la nuit juste pour le défi. Mais… toi, c’est une autre histoire. »

 

Un silence.

 

« Comment va-t-elle, Xena ? » Demanda-t-elle d’une voix douce.

 

La guerrière laissa passer un long souffle. « Elle a peur. Elle a mal… » Son regard fit le tour de l’auberge. « Elle a failli être violée deux fois. » Les yeux bleus croisèrent les marron. « La seconde fois, c’est quand elle s’est enfuie et a permis aux gamins de s’échapper. » Elle hésita. « La première fois, on lui a donné une dose pour la rendre plus… coopérative. » La guerrière baissa la tête et la secoua lentement. « Elle est sensible aux herbes… Elle a eu une mauvaise réaction. »

 

« Oh douce Artémis. » Dit Ephiny dans un souffle. « Je ne savais pas. » Son visage se tendit de colère. « Salauds. » Grogna-t-elle. « J’aurais dû l’empêcher. »

 

« Ce n’est pas de ta faute. » Répliqua calmement Xena. « Elle pense que c’est de sa faute, pour n’avoir pas été assez prudente… »

 

« C’est idiot. » Répliqua Ephiny. « Elle leur a probablement sauvé la vie. »

 

Xena releva la tête et lança un regard direct à Ephiny. « Va lui dire. »

 

La régente se redressa un peu dans son fauteuil. « Je le ferai ! Par Hadès, Xena… Elle a risqué sa vie pour eux… Si tu n’avais pas… » Elle se mordit la lèvre lorsqu’elle vit l’expression angoissée passer sur le visage de la guerrière à ces mots. « Les dieux soient loués… tu es arrivée à temps. » Finit-elle dans un murmure.

 

« Oui. » Xena laissa passer un long souffle. « Arès soit loué, en fait. » Le loup à ses pieds leva les yeux. « Pas toi. »

 

Ephiny sursauta. « Arès ? » Elle réfléchit à ces mots un instant. « Comment est-ce que ça s’est passé… est-ce que tu… Je veux dire… »

 

Un haussement d’épaules. « Bien… Il y avait des problèmes, on est entrés, on a résolu le problème, tout est normal maintenant. » Court et bien dit, non ?

 

Ephiny se pencha en arrière et toussa d’un air fatigué. « Bien, maintenant je sais qui le fils de Zeus appelle à l’aide quand il a des ennuis. »

 

Xena l’étudia et leva la main pour toucher son front. « Il faut que tu te couches, Ephiny. » Elle se leva et surplomba la régente. « Viens. On manque de Reines amazones. » Elle tendit la main à la jeune femme blonde qui l’accepta à contrecœur.

 

« Bon sang, Xena… je peux me reposer aussi bien… » Ephiny cligna des yeux quand ses genoux s’entrechoquèrent et elle serait tombée sur le sol de l’auberge si Xena ne l’avait pas retenue. « Dieux… désolée… » Marmonna-t-elle en se tenant au bras de la guerrière comme si sa vie en dépendait. « Je n’ai pas eu de mal à venir jusqu’ici… »

 

Xena soupira. « Ah, les Amazones. » Elle leva les yeux au ciel et passa un bras autour des épaules d’Ephiny, puis elle tendit la main et la souleva, ignorant le couinement stupéfait. « Allez. »

 

« Hé ! » Protesta Ephiny, prise entre la colère et l’étonnement. « Je ne suis pas une gamine… arrête ça, Xena ! »

 

« Ephiny ? » La guerrière lui lança un regard.

 

« Quoi ? Je t’ai dit de me poser par terre, bon sang, Xena… » Bafouilla la régente alors que la guerrière commençait à marcher vers sa chambre.

 

« Tais-toi. » Ordonna Xena, alors qu’elle contournait la table et continuait à marcher. « Accroche-toi, OK ? »

 

« Xena, bon sang… » Jura la régente. « Tu vas te faire du mal… maintenant repose-moi ! »

 

Xena sautilla un peu et sourit. « Tu veux bien te détendre ? Je ne vais pas te laisser tomber. » Elle manœuvra dans le petit couloir et poussa la porte de la chambre d’Ephiny du pied, entra et alla vers le lit. Elle jeta un coup d’œil à l’Amazone, qui s’était calmée, et la regardait maintenant pensivement. « Tu vois ? Est-ce que c’était si mal ? » Elle fit un minuscule sourire à Ephiny. « Ça ne me fait pas mal de faire ça. »

 

« Je vois ça. » Ephiny soupira calmement. Repose-moi, Xena…. Avant que je dise ou fasse quelque chose que nous pourrions regretter toutes les deux. Elle se força à ne pas regarder ces yeux intenses, si près d’elle, ou de ressentir la force chaude qui la berçait avec une facilité si négligente.

 

Xena se mit sur un genou et la posa sur le lit, relâchant sa prise avant de se relever et d’aller vers la petite table pour trier les herbes. « Maman s’est bien occupée de toi ? » Dit-elle par-dessus son épaule, brisant le silence.

 

« Oh oui. » Dit Ephiny en riant, sentant la tension disparaître dans la pièce. « Il va falloir qu’on me roule pour me sortir d’ici à cette vitesse. » Elle tira les couvertures sur elle et lutta contre un frisson. « Tu peux me demander de venir rendre visite quand tu veux. »

 

Cela lui valut un sourire de la guerrière alors qu’elle revenait pour tendre une tasse fumante à Ephiny. « Tiens… » Elle se frotta les mains. « Il faut que j’apporte un second dîner à Sa Majesté. » Elle étouffa un bâillement. « Dieux… Je suis encore fatiguée… c’est dégoûtant. » Elle secoua la tête. « Je reviendrai un peu plus tard… tu ferais mieux de te reposer. » Une pause. « Ou gare à toi. »

 

Ephiny se contenta de hocher la tête et de lui faire un sourire, et elle regarda la guerrière partir. Puis elle mit les épaules en arrière et prit une gorgée de la tisane, surprise par son goût délicat de menthe. Hmm… Elle a dû mettre de ce truc pour masquer le goût de cette substance horrible. Pas mal… songea-t-elle. Et pas au sujet du thé.

 

********************

 

Xena poussa la porte de la cuisine et entra, hochant la tête pour saluer Eustase, avant de faire un sourire timide à Cyrène. L’aubergiste lui rendit son sourire, puis retourna à ce qu’elle faisait, s’arrêtant pour remuer le grand chaudron sur le fourneau. « Bonjour, ma grande. » Dit-elle. « J’ai quelque chose à te donner pour le chalet. »

 

« Merci. » Xena s’installa sur le coin de la table de travail. « Je ne veux vraiment pas que Gabrielle bouge avant que ses côtes soient remises. »

 

Eustase échangea un rapide regard avec Cyrène et se brossa les mains, en reniflant un peu. « Je pense que je vais aller chercher des œufs frais, si ça vous va. »

 

« Très bien. » Dit Cyrène, en la regardant partir. Puis elle donna un mouvement expert au chaudron et sortit la louche, la faisant gratter contre le bord pour en enlever l’excès et la posa. Elle se retourna et s’appuya contre le mur, regardant sa fille avec un regard indéchiffrable.

 

Xena n’avait pas passé dix ans comme chef de guerre sans foi ni loi pour rien. Elle savait attendre. Même quand c’était sa propre mère qui échangeait des coups d’épées visuels avec elle. Même quand chaque instinct dans son corps était agité, et se tordait sous le regard sévère, comme quand elle était petite. Même si elle savait ce qui passait dans l’esprit de Cyrène… qu’elle était grand-mère, et l’était depuis douze ans. Et que Xena ne lui avait jamais dit.

 

Cyrène se repoussa du mur et alla vers elle, leurs yeux pratiquement au même niveau.

 

Xena attendit, prévoyant des mots de colère. Une claque. Déception. Cyrène tendit la main et lui prit doucement la joue, et cela la désarma totalement.

 

« Tu sais que je devrais te tuer pour m’avoir laissé me réveiller un joli matin d’hiver pour découvrir que j’étais grand-mère. » Dit l’aubergiste sur le ton de la conversation. « Un avertissement aurait été bienvenu, ma grande. » Elle s’éclaircit la voix. « Il faut le temps de s’y faire, tu sais. »

 

Le regard de Xena plongea, et elle sentit toute la tension s’échapper d’elle, la laissant presque tremblante sans soulagement. « Je n’avais pas le temps. » Admit-elle tranquillement en levant les yeux à nouveau. « Maman, je suis désolée. » Elle s’interrompit, et étudia ses mains. « Il… ne sait pas. »

 

Les sourcils de Cyrène bondirent. « Tu es sûre ? » Demanda-t-elle calmement, perchée sur la table près de sa fille et glissant un bras autour de ses épaules. « Ma chérie, il est venu nous trouver Toris et moi ce matin… à l’aube… et il s’est présenté. »

 

La mâchoire de Xena s’affaissa. « Quoi ? » Elle se frotta les tempes. « Je sais que Kaleipus ne lui a pas dit… on en a parlé la dernière fois que nous… » Elle s’interrompit et leva les deux mains. « A moins qu’il n’ait deviné. » Son front se plissa. « Mais il n’a rien dit à Gabrielle… Elle me l’aurait dit. »

 

Cyrène lui frotta doucement le dos. « Et bien, ma chérie… on dirait bien qu’il a hérité d’autre chose que de tes beaux yeux bleus. » Elle tapota le front de Xena légèrement. « Lui aussi a une mère vraiment intelligente. »

 

Xena sentit une rougeur chauffer son cou. « Moi aussi. » Répliqua-t-elle, pince-sans-rire.

 

Un silence s’installa entre elles. « Xena… pourquoi ? » Finit par demander Cyrène, scrutant le visage assombri.

 

Xena laissa passer une inspiration retenue. « Allons, maman. » Finit-elle par répliquer tranquillement. « La personne qui l’a mis au monde… n’était pas prête à élever un enfant. » Elle s’interrompit, puis ferma les yeux. « Elle ne l’est toujours pas. »

 

« Xena, ce n’est pas vrai. » Commença Cyrène. « Tu as une famille ici… tu… » Des doigts firent taire ses lèvres et elle se retrouva face à un regard très intense.

 

« C’est vrai. » Déclara Xena platement. « Je suis… toujours… une personne très violente, et très instable, maman. On peut prétendre toutes les deux que ce n’est pas vrai … mais je sais que ça l’est. »

 

Cyrène soupira et captura ses mains, massant le dos doucement de ses pouces. « Non… je pense que tu as tort, Xena. » Elle leva la main pour empêcher la protestation de la guerrière. « Ecoute-moi. » Elle s’interrompit. « Il y a… une grande capacité de violence en toi, oui. Nous le savons tous. » Elle prit une profonde inspiration. « Mais il y a aussi une grande capacité pour la justice, la bonté, le courage… chérie, ça brille en toi. »

 

« Non. » Répondit Xena très calmement. « Tu vois seulement ce que tu veux voir. »

 

Cyrène l’étudia avec un soupir. « Qu’est-ce que voit Gabrielle ? »

 

Les yeux bleus se fermèrent lorsque le choc arriva.

 

« Xena, réveille-toi. Si tu étais la personne que tu décris, cette jeune fille adorable et honnête ne pourrait pas t’aimer comme elle t’aime. » L’aubergiste pressa ce point. « Si tu ne me crois pas, crois au moins ça. »

 

Xena leva les yeux et croisa son regard avec une résignation tranquille. « C’est la seule chose en laquelle je crois. »

 

Elles gardèrent le silence pendant un moment. Puis Xena se frotta les temps. « Quoi qu’il en soit… quand il est né, je… l’ai confié à Kaleipus. Je savais qu’il l’élèverait comme son fils… qu’il lui donnerait un foyer aimant. La stabilité. Une vie protégée. » Elle regarda au loin. « Il pense… que sa mère est morte. » Son regard croisa celui de Cyrène. « Et je pense que c’est la meilleure chose pour lui. »

 

Cyrène l’étudia. « Même maintenant ? » Elle alla jusqu’à un plateau rafraîchissant et prit un gâteau couvert de miel dessus, puis revint vers Xena et lui en tendit la moitié. « Qu’est-ce qu’en pense Gabrielle ? Il a l’air de beaucoup l’aimer. »

 

Sa fille lui fit un sourire douloureux. « On en a parlé. » Admit-elle. « Elle… admet que ce n’est pas le bon moment mais… » D’un air absent, elle mâcha le gâteau, l’avala en deux bouchées et se lécha le miel sur les doigts.

 

« Mais. » Cyrène sourit.

 

Xena lui fit un sourire désabusé. « Oui, mais. » Elle étudia le sol avec attention, surprise lorsque Cyrène l’étreignit soudainement. « C’était pour quoi ? » Demanda-t-elle quand l’aubergiste recula.

 

Sa mère lui lança un regard. « Je suis ta mère. Je n’ai pas besoin d’une raison pour faire ça. » Elle tapota le ventre de Xena et rit. « Il faut que tu retournes là-bas. Laisse-moi préparer ton truc. » Elle arrangea un plateau plein de nourriture et le tendit à Xena. « Tiens… ça devrait suffire pour vous deux. »

 

Xena examina le plateau. « Par Hadès, maman… qu’est-ce que tu crois nourrir, des loups affamés ? »

 

Cyrène ricana et ajouta un grand morceau de viande de chevreuil. « Oh… je l’ai oublié, lui. Tiens. »

 

« Maman ! » La guerrière soupira d’un ton exaspéré. « Je sors d’ici avant que ce truc ne soit trop lourd à porter. » Elle se retourna et commença à sortir, rejointe par Arès à la porte.

 

« Xena ? » Appela Cyrène doucement.

 

Elle se retourna. « Hmm ? »

 

« Est-ce que tu vas lui dire ? » Demanda l’aubergiste.

 

Un moment de silence. Puis un hochement tranquille de la tête. « Gabrielle avait raison. Il mérite de l’entendre de ma bouche. » Xena s’interrompit et poussa un soupir paisible. « Après ça… et bien on verra bien ce qui se passera. »

 

Puis elle sortit, laissant une Cyrène très pensive derrière elle. « Qu’est-ce que tu dis de ça, Eustase... » Commenta-t-elle à la cuisinière qui venait juste de rentrer dans la cuisine. « Je suis grand-mère. » Elle se retourna et regarda la cuisinière qui rit. « Est-ce que ce n’est pas la chose la plus étrange ? » Elle sourit. « Et je n’ai même pas eu à changer une seule couche. »

 

 

 

A suivre – 9ème et dernière partie

*********

 

Comments (0)

You don't have permission to comment on this page.